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ladytherapy
18 décembre 2004

Quelque chose a changé

Ce soir les cartons ont été faits jusque très tard. Je pensais haïr jusqu'à la moindre seconde de cette journée. En fait je ne l'aime que plus.

Je suis heureuse de partir. Contrariée de devoir me plier à ma mirador de grand'mère, mais heureuse de partir. Quand j'ai eu compris ça, c'est comme si quelque chose avait été mis au jour dans ma tête. Ce n'était peut-être qu'un neurone mourrant, mais j'aime à penser que quelque chose a changé en moi.

Une fois les cartons finis, Lord T et moi nous sommes regardés deux épisodes de séries qu'on adore (Malcolm et A la Maison Blanche), nous nous sommes câlinés, puis nous avons fait l'Amour. C'était juste simple. Il n'y avait pas de pression, pas de colère, pas de peur de l'avenir, juste lui et moi, on était là, on a fait certaines choses que nous n'avions jamais vécues, ni l'un avec l'autre, ni jamais, on a trouvé le moyen de se découvrir encore un peu ce soir, de partager des secrêts inexplorés et c'était simplement beau.

Quand tout a été fini, nous nous sommes regardés avec quelque chose de calme dans le regard, et je lui ai demandé "après cette semaine, est-ce que quelque chose a changé ?", il a pris quelques secondes pour répondre, comme à son habitude, et il a dit que oui. "Tu penses que je suis une trainée ?" ai-je ajoutée, inquiète de l'image que j'avais donné ces quelques derniers jours, toujours aggrippée à un appendice quelconque (enfin, j'me comprends). "Non, pas du tout dans ce domaine-là", a-t-il soufflé, "mais j'ai besoin de réfléchir à quel point et ce que ça touche".

Quelque chose a changé dans notre regard l'un sur l'autre. Nous sommes à nouveau capables de nous amuser ensemble. Capables d'apprécier la compagnie de l'autre. Capables d'avoir de l'estime pour l'autre.

Même dans la pire des situations, nous avons refait surface. Je ressens trop de plénitude et de sérénité pour m'en réjouir, mais dans les temps sombres qui m'attendent, et que malheureusement personne ne pourra suivre en live dans un premier temps, je serai heureuse d'y repenser en me disant : "Tout n'est pas perdu".

J'ai envie d'aimer. J'ai envie de l'aimer. Et je me dis que je ne suis pas si loin que je le pensais de pouvoir le faire. Je vais juste m'armer de patience, mais j'ai la conviction que ce n'est pas en pure perte. Enfin...

Quelque chose a changé et c'est peut-être lui, ou peut-être nous. Ou peut-être moi. Peut-être bien tout cela à la fois.

Les changements sont longs, douloureux et dangereux, mais dans le fond, une fois achevés... il faut autant de bien qu'une nuit dans les bras de l'homme dont on sait qu'on l'aimera toute sa vie.

PS : sur Jenifer - Donne-moi le temps. Et j'ai même pas honte (pour une fois) d'admettre que j'ai une chanson française en tête. Sectaire, moi ? Nenni. On en reparle à mon retour, ok ?

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30 décembre 2004

Victime

J'ai trouvé dans la bibliothèque de ma grand'mère un livre intitulé "Harcèlement Moral". En vérité, je vous le dis : édifiante lecture.

Tandis que je m'attendais à retrouver majoritairement les comportements de mon père tels que je les ai connus, j'ai en fait trouvé les comportements de mon père, de Lord T, d'un ancien employeur... La question se pose donc sous un jour nouveau : moi qui m'en suis toujours défendue, suis-je une victime ?

Quand je vivais chez mes parents et que je trempais mon lit de larmes presque chaque nuit, je me répétais que je n'étais pas battue, et j'ai toujours refusé ce terme. J'ai en fait carrément décidé que je n'étais pas victime : c'était normal dans un sens, je considérais que tout cela était justifié.

Plus tard c'est devenu un credo de défense : je n'étais plus victime. Je me souviens me l'être répété consciemment une fois ou deux en guise d'encouragement. Pour finir je suis passée par une longue phase où j'étais convaincue d'être inébranlable et où, forcément, le terme victime ne pouvait plus coller.

Voilà comment on est une formidable victime. Pendant que je décrétais être forte, je désignais mon flanc à tous les prédateurs en mal de chair à déchirer et d'organes à éviscérer. Je me bernais afin de ne pas voir que je continuais de laisser prendre ce genre de comportements sur moi.

J'ai donc laissé Lord T entreprendre le même type de comportement de terreur sur moi que mon père l'avait fait avant.
Comment ne me suis-je pas aperçue de cela ? Les mêmes méthodes, les mêmes tons, les mêmes gestes...! Comment ai-je pu me contenter de dire que j'étais malheureuse, et ne pas affirmer "je me suis laissée emprisonner dans la même spirale de souffrance" ?

Il est dit dans le livre que les enfants ayant vécu des violences morales de ce type ont tendance à les reproduire. Ca, j'aurais presque pu vous le dire. J'aurais par contre apprécié que quelqu'un me prévienne que nous avons tendance à les laisser reproduire !!!

Suis-je une victime ? On dirait. La vraie question c'est : comment ne plus en être une ?

1 janvier 2005

Insignifiant

Ce mot trouve toute sa plénitude lorsque Mirador ouvre la bouche. Tout ce qu'elle dit est, non pas assomant, non pas agaçant, non en fait, c'est insignifiant.

Son esprit se fixe sur tout ce qui peut être insignifiant. Je ne vois pas d'autre terme.

Certes, j'ai déjà parlé de mon admiration pour la mentalité Japonaise telle que je la perçois, à savoir qu'ils sont infiniment moins blasés que nous autres Occidentaux, et qu'ils accordent de l'importance aux plus menus détails de l'existence. Certes.
Et il est vrai que je suis, moi-même, un tant soit peu blasée, et distante, vis-à-vis de Mirador, dans un retournement de situation soapesque qui fait de moi (chose effrayante au vu de mes lectures récentes, voir post précédent) l'avatar de Lord T en cette maison. Entièrement vrai.

Mais la façon dont le cerveau de Mirador se focalise sur le plus anodin, le plus ridicule, et le plus mortellement inutile, a quelque chose de fascinant.

Par un concours de circonstances que je ne m'explique pas vraiment, mais dans lequel j'ai tendance à voir un peu plus qu'une coïcindence (plutôt dans le genre d'un acte manqué), deux des livres que j'ai lus la semaine passée ont ceci de commun qu'il y est question de personnes âgées en fin de vie. Je n'avais pas acheté ces ouvrages afin de lire sur ce sujet ; en fait, l'un est un auteur japonais que je m'étais promis de lire tôt ou tard -j'ai bien fait- et un autre est un récit d'une femme ayant vécu des brutalités morales étant enfant, et de la part de sa mère. Mais tous les deux se rejoignent (avec quelques trente ans d'écart environ) lorsqu'ils abordent les derniers jours de leur mère. C'était la minute littéraire.

Ce qui y est cinglant, dans un récit comme dans l'autre, c'est la décomposition minutieuse des étapes vers la sénilité. Avec, et c'est là que je reviens à mon sujet, de fulgurants points communs avec la situation de Mirador, que je sens un tantinet sur le déclin, et qui se focalise, donc, sur ce qui peut être aux yeux du commun des mortels franchement sans intérêt.
Deux hypothèses.

Soit Mirador, du haut de ses 75 années de sagesse et d'expérience, a appris que ce qui a vraiment de la valeur en ce monde est en fait insignifiant au premier abord... soit elle déraille sincèrement. Me tenir un discours d'un quart d'heure sur une lettre de la Poste qu'elle pensait n'avoir pas reçue mais qui est en fait dans sa pile de courrier depuis plusieurs jours (au passage, non sans avoir égratigné les jours précédents, la qualité des services postaux, ces incapables qui n'ont pas l'air d'avoir compris que la seule boîte aux lettres de la ville qui compte réellement doit être desservie avant 9h tapantes) ça tient quand même de la folie ! Ca fait une demi-journée qu'elle s'est aperçue que la lettre est arrivée, il faut se remettre !

Trixie a passé la nuit dans la cuisine alors que normalement les chats dorment avec moi. Sauf que pendant qu'hier soir nous regardions une video à l'étage ("Seul au monde", un peu tristoune pour entamer la nouvelle année mais bon, ce n'est que mon avis) elle s'est faufilée et nous l'y avons enfermée. Avec ce que cela comporte d'inquiétude le lendemain matin, forcément ! Nous l'avons retrouvée sur le coup de 11h, et au déjeuner (deux heures plus tard, donc), j'en entends encore parler : elle est retrouvée, le mystère est résolu, passons à autre chose !!! Et quand les obsessions d'insignifiance de Mirador ne se fixent que pendant une demi-journée, je m'estime heureuse.

Il ne fait pas bon vieillir, croyez-moi !

24 janvier 2005

La mort est un long fleuve...

Quand la voiture a dépassé le Buffalo Grill, j'ai su que je pleurerais. En fait, quand j'ai réalisé que nous ne tournerions pas à droite, là, j'ai compris. Cette époque-là était finie. Et à vrai dire, soudainement, ça m'a surtout fait de la peine pour Pépé : une page de sa vie était tournée, un peu (un peu) comme moi récemment. Je ne veux pas dire que ça me fasse me sentir plus proche : juste, je comprends un peu.

Je suis donc certaine de pleurer, au moins quelques larmes. Dans un premier temps, je me sentais incroyablement étrangère à cela, et froide. Et puis, peut-être parce que finalement, pour la première fois de ma vie, j'ai le droit de pleurer devant mon père, et que l'ambiance s'y prête, je pressens que mes résistances cèderont, à un moment, demain. Et dans le fond, j'ai passé ces derniers mois à me retenir de pleurer, je ne l'ai fait qu'en de rares occasions, lorsque mes nerfs lâchaient, et après tout, pourquoi ne pas m'autoriser à pleurer pour tout cela ? Peut-être que quelqu'un me prendra dans ses bras. Ou peut-être pas, mais pour une fois, on n'aura aucun droit de me le reprocher. C'est cela que je suis venue chercher ? Le droit de pleurer ?

Je me sens un peu coupable de ne pas la pleurer elle, mais comme je l'ai déjà dit, je n'en vois pas la raison sachant que ma grand'mère m'était étrangère. Cependant, pourquoi ne pas vivre ce deuil de la façon qui me sied ? Qui, certes, est toute personnelle, mais qui me regarde. Je pleure la famille que je rencontre demain, la grand'mère que je ne connaîtrai jamais, la vie pas facile de ces derniers mois, la frustration, la peur, la colère, ce qui est en moi et qui n'attend que tout cela pour sortir. C'est d'ailleurs, sans doute, le cas d'autres personnes qui pleurent aussi, à la fois le défunt et la vie, sauf que ne le savent pas. Mais je veux m'y autoriser. Etre vraie avec les miens. Leur donner une chance de me satisfaire : me consoler dans un moment grave.

Je veux pleurer.

Le plus ironique c'est que, pour le moment, je n'y arrive pas.

27 janvier 2005

I'm back

Enfin ! Gloire à mon nouveau FAI !

Je file compléter les notes que vous avez manquées, attention c'est anti-daté ! Au menu :
Ces hommes qui ont peur
Rappelez-moi de mourir jeune
C'est tous les matins dimanche
Leg
Victime
Insignifiant
Ce conflit entre moi et mes proches
Je cherche la Paix dans mes rêves
Les pions blancs et les pions noirs
Descendance
L'histoire est un éternel recommencement
Interdit aux moins de 18 ans (minimum)
Ma grand'mère est morte
La mort est un long fleuve...
Un long mardi d'enterrement

C'est bon de vous relire, merci pour vos messages !!! Tout devrait rentrer dans l'ordre, maintenant et pour un moment...

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16 février 2005

Il a perdu son titre

Coup de téléphone. C'est lui. Il me dit : "j'ai des affaires à toi, je passe ?" T'as cru que je t'attendais ? J'ai une tête de Pénélope ? Je te dis quand tu peux passer, tu ne t'invites pas !

Là-dessus je fixe le rendez-vous au soir, et comme il n'est pas capable de consulter Mappy (ou de se souvenir du chemin qu'il a fait au moins 5 fois déjà), je vais le rejoindre à la sortie de l'autoroute pour lui dire où tourner.

Mon Dieu, cette voiture empeste. Seigneur, il est immonde. Joli jogging sale, by the way. Et ces cheveux, il cherche à se faire une coupe Jackson 5 ???

Arrivés devant à bon port, je prends ce qu'il faut et descends. Et c'est tout.

Quoi, c'est tout ? Je laisse partir comme ça l'homme que j'aimais tant ???

Oui, mes enfants, oui, et avec une certaine envie de lui crier "bon vent". Avec une seule hâte c'est qu'il disparaisse.

De deux choses l'une, soit je me suis endurcie plus que je ne m'y attendais en un mois et demi (ce n'est jamais très bon signe), soit de récentes interrogations ont clairement pris le dessus sur mon attirance ou non pour le sexe prétendument fort. Quand on pense à la souffrance que je ressentais il y a encore pas si longtemps... A la douleur qui me brûlait. Et j'ai réussi à m'extirper de tout cela si vite ? Ca fait peur. Ca fait très peur. Je sais que je suis plutôt au point quand il s'agit de gérer mes émotions mais là ça dépasse tout ce qui m'est connu de moi-même.

Cette épreuve m'a indubitablement transformée, mais au-delà de mes prévisions. Bien au-delà si j'en crois mes récents doutes. Et encore plus au-delà maintenant que je vois avec quelle froideur mon âme traite ce type.

Je n'ai même plus pour lui la moindre tendresse (et d'ailleurs c'est heureux), je n'ai pas ce sentiment que j'ai encore pour tous mes autres "ex", et qui était du genre : je le reconnais bien là.

La mutation me plaît de moins en moins. Autant je suis à peu près certaine d'arriver à maîtriser certains changements, autant m'être glacée à ce point fait vraiment peur. Je me crois capable d'assumer ce qui émerge depuis quelques jours (ça va ya pas encore de quoi se trimbaler à la marche des fiertés) mais pas du tout de devenir un glaçon distant et refermé, incapable de laisser passer la moindre tendresse, de reconnaître un passé qui n'a pas été toujours horrible (juste les six derniers mois, mettons), etc...

Je pensais n'être distante qu'avec ma famille, mais il s'avère que même quelqu'un qui a autant compté dans ma vie ne m'arrache plus la moindre indulgence. Et c'est plutôt terrible.

Peut-être que je m'invente des émois amoureux pour me sentir encore en vie. Peut-être que j'ai besoin, comme lui, de me remplir avidement d'émotions qui ne m'appartiennent pas vraiment, juste pour éviter le vide qui me guette, dans lequel je me suis jetée, alors que l'apathie semblait la solution idéale pour arrêter de souffrir pendant une période.

Ce qui est certain, c'est qu'à mes yeux il a perdu tout titre. Il n'y a plus de Lord T, mes amis, une page a été tournée.

PS : Sur Morning Musume - As For One Day (que quelqu'un m'enlève cette chanson !!!)

19 avril 2005

Ma mère lit mon blog

J'ai été suffoquée de l'apprendre, il y a quelques jours.

Je ne sais pas trop pourquoi, au juste. Ce n'était sans doute qu'une question de temps avant que ma frangine ne vende la mèche. Ou que ma mère se rappelle du pseudo que j'utilisais il y a des siècles et fasse une recherche. Ou que j'aie laissé échapper l'adresse de mon site (ou le simple nom de SeriesLive) et qu'elle ait atterri ici par ricochets. Dans tous les cas ça devait arriver, j'imagine.

Dans le fond, ce qui me pose problème, ce n'est pas tant qu'elle le lise : en soi, c'est même positif quelque part.

Ce qui me dérange, ce serait plutôt que je l'aie appris par surprise, au détour d'une conversation sans rapport où elle a utilisé le surnom que j'ai donné à ma grand'mère ("Mirador"), qu'elle l'ait lu sans y réagir, sans y poster de réponse, sans sembler être spécialement touchée par quoi que ce soit qu'elle ait pu y lire. Ce qui me blesse, c'est qu'elle me dise "je l'ai lu" comme elle aurait pu me dire "j'ai été voir les dernières blagues de rigoler.com". Comme si c'était une activité, et pas un geste significatif. Comme si ce qu'elle y a appris n'a rien touché en elle. Ca me fait toujours aussi mal de m'apercevoir que les personnes de ma famille ne semblent pas comprendre de quoi je suis faite. Ils réagissent comme si ce n'étaient que des mots. Tout comme cette fois où je lui ai fait lire, dans un appel du pied peu discret, un texte où je parlais de mes envies de suicide, il y a plusieurs années. Elle m'a répondu quelque chose du type "c'est pas mal mais tu en fais trop sur le style", comme si j'avais présenté un texte littéraire et non une partie de moi. Elle me dit "je lis ton blog" comme elle me dit "je lis le journal". Ca semble glisser sur elle, ça me choque.

Est-ce parce que c'est de l'internet ? Elle n'a pas vraiment l'impression que c'est moi ? Elle croit peut-être qu'ici j'amuse la galerie, que j'écris tout cela (quand j'écris...) pour les autres et non pour moi. Je ne sais pas, je ne sais vraiment pas.
J'ai repensé, depuis que je l'ai appris, à tout ce qu'elle a pu y lire si tant est qu'elle ait lu le blog en entier : 100 posts qui n'étaient certainement pas tous de niveau équivalent. Mais quand j'y repense, quand je les relis, je me dis qu'elle y a eu une chance de voir qui je suis vraiment, c'est une facette de moi qu'elle ignore et que je ne cherche plus à lui donner à voir depuis quelques temps maintenant. Lorsqu'à une époque je me confiais à elle, elle semblait ne pas comprendre ce qui me faisait mal, elle me disait juste de patienter, d'attendre, de comprendre... jamais elle ne me disait qu'elle comprennait, elle, ma douleur, qu'elle allait faire quelque chose, ne serait-ce que m'encourager, non, il fallait toujours que je me débrouille seule. Il n'y avait aucune empathie. C'était purement factuel. Peut-être que j'espérais que ce soit parce que je m'étais mal exprimée : je suis tellement plus à l'aise à l'écrit. Ici, le moindre mot me semble parfaitement fidèle à mes impressions. Tout est si fluide sur ce blog pour moi, quand j'y écris. C'est la vraie moi, celle que personne d'autre ne peut atteindre dans la vraie vie, c'est une âme sur pixel d'une certaine façon. J'aurais espéré que ça la toucherait. Que ça changerait quelque chose. Je suis un cas désespéré si j'espère encore en un changement quelconque dans ma famille mais... c'est comme ça. J'ai cet espoir qu'un jour, au lieu de me voir comme la ratée, ils voient que je réussis dans d'autres domaines. Qu'ils sont quasiment incapables de communiquer mais que moi, en cela, je suis douée. J'arrive à tout dire. Je le dis avec toute mon âme. Je ne les ai jamais vus en faire autant. Plutôt de me reprocher de n'être pas comme eux, ma mère avait une chance de voir que ce n'est pas forcément mauvais d'être quelqu'un comme moi.

Que je souffre. Que je doute. Que je me pose des tonnes de questions. Que je réfléchis à un millier de choses, passées, présentes, et à venir. Que j'ai des rêves, des projets, des envies, des goûts. Que des gens m'apprécient, qui me lisent et trouvent formidable que toutes ces choses sortent de moi avec une telle aisance. Il y a dans ce blog pas mal de choses qui émanent de ma personnalité et dont je suis fière. Elle n'en a vue aucune.

Je ne suis même pas révulsée à l'idée de ce qu'elle a pu apprendre sur certaines choses de mon intimité, ma vie affective, amoureuse, sexuelle même (elle me racontait bien la sienne !!!). Ca aurait pu, mais si vraiment c'était le cas, je n'aurais pas de blog je pense. Je n'ai jamais eu aucun problème à dire ce que je ressentais, c'est pour trouver des gens pour l'écouter que ça devient difficile. Apparemment, elle n'a fait qu'entendre, une fois de plus.

Ma mère lit mon blog. Mais elle ne s'en imprègne pas.

Et j'ai soudain l'impression que ce n'est qu'une façon de surveiller ce que je fais, plutôt que d'entrer en contact avec moi. Elle a une chance de me connaître, elle n'a pas l'air de la saisir. Elle pourrait réagir. Elle pourrait être horrifiée de tout ce que je dévoile sur ma famille (laquelle famille n'a certes pas demandé à être épinglée sur le net après tout), sur mon enfance, sur mes sentiments. Elle pourrait me trouver impudique. Elle pourrait me dire que j'exagère (elle l'a déjà fait). Elle pourrait tenter de se justifier. Elle pourrait faire une tonne de choses mais en lieu et place de tout cela, elle préfère cliquer discrètement et me lire sans aucun retour. Pas un commentaire, rien. Ni sur le blog, ni ailleurs.

Non pas que je voudrais que ce blog devienne un relai entre elle et moi, et que nous y communiquions souvent. Il y avait un temps où j'avais envie de cela ; je lui avais écrit une lettre, une fois. C'était son idée et elle semblait bonne. J'ai essayé de lui expliquer dans cette lettre qu'on me menait la vie dure au collège (voyez comme ça date), qu'il y aviat un système hierarchique et que j'étais au plus bas échelon, que j'étais un souffre-douleur. Elle m'a dit qu'elle aurait voulu que je marque des choses intéressantes. Je ne crois pas qu'elle m'ait renvoyé une lettre, je ne m'en souviens pas. Je me souviens surtout qu'elle n'a pas lu la lettre avec son coeur, elle n'a pas compris que je tentais de lui expliquer que ma vie n'était pas difficile qu'à la maison. Cette histoire de lettres est loin et je ne voudrais certainement pas y revenir. Mais tant qu'à me lire... autant réagir.

Des quantités de gens l'ont fait. Je me souviens encore de cette note, c'était un peu avant l'anniversaire de mon grand'père en février, où j'étais attristée par le fait d'avoir vu deux personnes faire l'amour debout à côté d'un abris de bus, le regard dans le vague. Je trouvais ça tellement triste. Je me suis faite incendier. J'ai gardé les posts. Ils reflétaient quelque chose de vrai. Pas la réalité que je vois, la réalité de gens qui trouvent cela normal. A la rigueur, si elle n'étais pas d'accord, elle pourrait le faire savoir ici, à défaut de me le faire savoir dans la réalité. Mais non.

Aucune réaction. Pas même sous un pseudo (personne, à l'exception de nohope dans le post précédent, n'a posté depuis un bout de temps, ce qui est logique vu que moi non plus) Les mots semblent avoir glissé sur elle une fois de plus.

Vais-je fermer mon blog ? Visiblement non, sans quoi je n'y posterais pas actuellement. Mais ça m'a donné à réfléchir sur tant de choses...

14 mai 2005

Ma voie

Je n'ai jamais vraiment cherché. Je ne me rappelle pas m'être demandé ce que je pourrais bien faire plus tard. J'ai toujours su. Ce que je me rappelle m'être clairement demandé, c'est ce que je pouvais faire de façon réaliste.

Depuis que je sais tenir un crayon, j'ai toujours écrit. Communiqué. Ce que j'appelle de "l'exportation de sentiments" parfois. J'ai un besoin depuis toujours de faire vivre dehors ce qui respire à pleins poumons en moi. Ca n'est pas neuf, et je ne me rappelle pas avoir dédaigné un seul mode d'expression jusqu'à présent. J'ai écrit, dessiné, chanté, dansé, fait de l'humour... toujours en autodidacte, certes. Mais il a toujours fallu que ça sorte.

Alors non, je ne me suis jamais demandé ce que je voudrais faire de ma vie. Uniquement ce que je pourrais faire. Et j'ai si longtemps douté de mes capacités... que j'ai le plus souvent mis mes désirs de côté en m'astreignant à un sens des réalités qui était peut-être plus vrai que nature. A force de voir le monde d'un oeil défaitiste, j'avais presque oublié que parfois, ce qu'on veut peut se produire. Qu'on peut parfois arriver à ce que l'on souhaite.

Lorsque j'étais en terminale, j'avais signé avec quelques unes de mes amies une sorte de pacte : normalement, à 10 ans de cela, nous devrons avoir fondé notre propre société, la Cop's Corp., où chacune devrait avoir son département. Le mien, c'était les séries télé. Je voulais en écrire. Je voulais écrire. Créer. Et à cette même époque, alors que les copines trouvaient ce pacte farfelu fort amusant, je ne cessais de me répéter : "il fuat bien que certaines personnes réussissent dans ce monde. On n'est pas tous forcés de rater notre vie. On n'est pas tous obligés de faire un métier que l'on hait. J'y arriverai."

Depuis la vie m'est passé dessus une ou deux fois (en bagnole et même une fois en camion 10 Tonnes) et j'avais complètement abandonné l'espoir de réussir un jour, enfin, à vivre de ma plume. Chose dont on me jure depuis toujours qu'elle est impossible.

Eh bien pourtant, aujourd'hui, une lettre est arrivée. Je suis admise dans une école de communication.

Alors qui sait ?

Je me sens absurde d'avoir douté de ma voie. C'est ce qui bat en moi depuis toujours : exprimer, communiquer, avoir des idées, imaginer, créer... et depuis maintenant plus d'un an, j'ai accompli certaines petites choses : faire avancer un site web préexistant, créer le mien propre, démanteler certains fonctionnements, certaines industries... J'ai toujours su que je voulais le faire, pourquoi ai-je écouté tous ce et tout ceux qui voulaient me faire penser que c'était une bataille perdue d'avance ?

J'ai reçu cette lettre et jamais rien ne m'a semblé si naturel.

C'est juste ma voie. C'est juste moi. C'est la direction vers laquelle je voyage depuis toujours. Et cette admission dans cette école veut juste dire que désormais, le chemin est pavé. Il y a encore beaucoup de marche mais, vous savez, mais je me suis tellement abîmé les pieds, je n'ai plus peur. Je vais arriver là où j'ai toujours voulu aller.

Et dans quelques temps, d'ici un diplôme, un ou deux postes et quelques projets, je regarderai ces années de doutes avec un sourire amusé et je me dirais : "tout cela n'était qu'une question de confiance en moi. Mais j'y suis."

Je marche vers moi et vous n'imaginez pas comme ça fait du bien. J'ai hâte de me rejoindre.

PS : sur Ajisai Eye Ai Monogatari des Biyûden...

8 juin 2005

Votre télé vous aime (si-si)

Chose amusante qui m'est venue hier, alors que d'une oreille distraite, j'écoutais la fameuse Super Nanny de M6.

Votre télé vous aime. Elle vous aime comme un parent. C'est-à-dire qu'elle n'a jamais peur de vous dire quand vous avez tort. A vous dire que faire. Comment. Quand. Où. Et même, si possible, avec qui. Votre télé vous aime.

Beaucoup.

Et même en ce moment, c'est carrément de la passion. J'ai jeté un coup d'oeil sur ce programme et j'ai pensé...

"On a échangé nos mamans" > une famille apprend qu'elle ne fait rien correctement
"Il faut que ça change" > une personne se rend compte qu'elle ne fait rien correctement
"C'est du propre !" > une maisonnée apprend qu'elle ne fait rien correctement
"Super Nanny" > des parents apprennent qu'ils ne font rien correctement
...et ce soir...
"Panique en cuisine" > un restaurant apprend qu'il ne fait rien correctement

Outre l'impression (vague et floue) de redondance, j'apprécie hautement ces émissions donneuses de leçons. C'est vrai, on a tous besoin d'émissions de ce type, pour remettre les choses en ordre.

Et en premier lieu, même en fond sonore, j'arrête de regarder ce type d'émissions.

17 août 2005

Pas de sentiment

J'avais eu pas mal d'entretiens étranges ces deux dernières années. Mais j''avais encore beaucoup à apprendre du grain de folie qui habite certains recruteurs.

Il y a quelques semaines de cela, j'avais eu ce rendez-vous dans une boîte de communication dirigée par deux personnes, A. et A., et qui avait viré au coup de foudre mutuel. J'étais étonnée de passer au tutoiement immédiatement, étonnée des déclarations d'Amour textuelles du type "nous on vous dit franchement, on a un coup de coeur pour toi", étonnée de la facilité à discuter de choses sans rapport avec l'entretien à la fin, pendant 20 minutes, sur nos loisirs.

Je ne m'étais pas inquiétée outre mesure. Peut-être parce que l'excès de recruteurs assis sur des balais m'avait donné envie de ce type de rencontre.

Aujourd'hui, réponse de A. au retour de ses vacances, au téléphone : ce sera non. Je m'apprête à raccrocher. Arrivée au "non", je n'aime pas prolonger.

Combien de fois m'est-il arrivé d'entendre "non" au téléphone ?! J'ai une aversion profonde pour ce qui suit cette réponse : "mais on garde votre CV", "vous comprenez votre profil ne correspondait pas tout-à-fait", "vous étiez deux et ça s'est joué à pas grand'chose" et ma préférée, mais elle ne s'est produite qu'une fois "on a peur que vous ne vous ennuyiez à ce poste". Bref tout un tas d'explications dont on peut fort bien se passer et qui ne sont que bavardages sans conviction. Un recruteur qui tente d'apporter un peu d'humanité à sa décision et de se donner bonne conscience. Même si, en réalité, il s'en bat l'oeil que sans lui vous creviez la faim, ce qui est normal puisqu'il ne vous a vu que 15mn dans toute sa vie. Lecture du CV y compris.

Je l'avais sentie venir, la réponse d'A., quand lui et A. m'avaient annoncé qu'ils avaient vu une autre personne et qu'ils hésitaient. J'attendais quand même la confirmation, au cas où.

Sans doute un des pires coups de fil de ma vie, et j'en ai eu des pas jouasses.

Je voulais m'arrêter au "on est vraiment désolés" mais A. était intarrissable. Si des violons avaient commencé à jouer derrière lui je n'aurais pas été plus étonnée que ça. "Mais ça nous fait un coup au coeur vous savez" (d'être repassés au vouvoiement indique que tout le monde devrait s'en remettre), "on avait vraiment le coup de coeur, on vous aimait beaucoup, ça me fait mal et encore plus à A. elle c'est encore pire"... "mais vous savez avec l'autre ce n'est qu'un essai alors qui peut dire ce qui va arriver ? On ne peut pas savoir de quoi est fait le futur, peut-être que plus tard on pourra travailler ensemble !"

J'ai eu des ruptures amoureuses moins fusionnelles que ça.

C'était presque malsain de voir tous ces bons sentiments dégouliner de mon téléphone et devenir une flaque de promesses sans lendemain.

Je suis pour nouer des contacts. A fond. Pour à 100%. Mais je ne suis pas pour m'en sentir prisonnière.

Et surtout je ne veux pas me lier autant avec des personnes qui font partie de ma vie professionnelle. Les deux doivent être soigneusement cloisonnés. De toutes façons je ne suis pas la même personne au boulot et au civil alors ce serait vain. Au boulot, pas de sentiment. Règle d'or.

Dans ma déception de ne pas avoir le job (on est toujours déçu même quand on s'y attend), je me dis que ç'aurait été étrange de travailler avec A. et A., et de ne m'apercevoir qu'ensuite qu'ils étaient aussi émotifs et fusionnels. Il y a quelque chose d'angoissant à cette idée. L'espace d'un instant et pendant que A. me parlait de mon énorme potentiel (qu'il n'avait pas voulu utiliser, quand même) j'ai entrevu une sorte d'avenir parallèle où j'aurais pu travailler avec eux et je me suis dit : "Wow. J'ai échappé à quelque chose, là".

Et puis il faut bien se trouver de maigres compensations lorsqu'on loupe un job.

18 août 2005

95C

Je risque un peu la "réputation" de mon blog sur ce coup-là, mais je me risque quand même.

Tout a commencé il y a quelques semaines lorsque ma mère, pendant un séance de shopping (=10mn dans une boutique, et mon quota de magasin de fringues est dépassé pour l'année) me fait la réfléxion que ma lingerie devient un peu juste pour moi.

Soyons clairs tout de suite : à part quand je ressens de la souffrance, mon corps, je n'en ai cure. Je veux dire : je n'y accorde pas de soin superflu (nan parce que quand même, j'entretiens le matériel, pas de méprise, mais juste le nécessaire pour faire tourner la machine). Je ne ressens pas le moindre plaisir à me fagoter avec des bouts de tissus exotiques, me faire des coiffures compliquées, etc... Le seul extra que j'offre à mon enveloppe physique c'est un coup de maquillage tous les matins (plus par réflexe qu'autre chose). Et on peut à la rigueur considérer être de la coqueterie le fait que j'aime à prendre plusieurs douches par jour (mais en vérité c'est pas pour me faire belle, juste pour me sentir propre) Et pus bien sûr, pour les entretiens j'ai une belle veste de costard et un beau chignon, mais au civil, vraiment, rien d'exubérant. Sur l'iar de "on va pas se torturer et devenir esclave de son corps, quand même !"

Je ne dis pas : je remarque les changements qui s'y opèrent, mais je ne m'acharne pas dessus ; exemple : j'ai pris du poids il y a deux ans, je ne me suis pas mise à un régime draconnien pour autant. (C'est pas non plus que je m'empiffre, j'aimerais quand même bien reprendre forme humaine un jour, mais ya pas l'feu et j'vais pas me mettre en quatre pour pareille connerie)

Il faut peut-être, pour expliquer cela, remonter au collège où tout le monde (y compris mes parents) me traitait en/de parfait laideron (tout en condamant systématiquement toute tentative d'amélioration). J'ai vite pris le parti de penser que j'étais laide, grosse et moche et ça a réglé l'affaire.

Au lycée je souffrais bien du manque de regard des autres, mais il était déjà bien ancré que ça n'avait rien d'extraordinaire : je me suis toujours considérée comme peu avenante. Ca faisait mal, mais c'était normal. On appelle ça, j'imagine, un acquis.

Ce qui explique que lorsqu'on me fait un compliment, je suis et reste convaincue que soit la personne n'en pense pas un mot, soit elle n'a pas les yeux en face des trous. Soit les deux. Ce qui est forcément un problème lorsqu'on a quelqu'un dans sa vie qui vous dit des compliments : j'ai l'impression qu'il s'agit de quelqu'un qui s'aveugle sur ma réelle apparence.

Bref, je suis partie de l'idée que j'étais laide, que j'avais peu de chance de devenir un canon un jour, et que si jamais ça devait être le cas, ça m'aurait coûté cher ! (bien que si je devais un jour passer sur le billard d'un chirurgien esthétique, je changerais quoi, en fait ? La liposuccion est une douloureuse mascarade qui bien souvent n'a qu'un temps, le silicone une superficialité extrême, et quant à mon visage, dans le fond... j'aime bien mes yeux, mon nez a du caractère, et ma bouche... bon bah tant que les muscles me permettent encore de papoter, ça me convient. Je crois qu'au pire je ferais une chirurgie des mains, j'ai toujours eu très honte de l'apparence des mes doigts, tous plats et carrés. Mais ça me priverait tellement de n'avoir pas mes mains pendant la convalescence que c'est même pas la peine d'y penser !)

Lorsque je me regarde dans un miroir, je pense que je vois encore mon corps d'adolescente. Je me vois petite, grosse, pas de poitrine et pleine de boutons. Mais dans le regard des autres je ne ressemble pas toujours à ça, apparemment. Il y a tous ces types qui se retournent (souvent des mecs de 30 ans et plus, d'ailleurs), me sourient, m'adressent la parole, tentent leur chance. Je ne comprends pas trop. J'avais coutume de dire, lorsque j'étais ado, que c'était parce que je bénéficiais de la comparaison par rapport à leurs femmes, mais vu qu'actuellement on me donne aisément du madame et qu'on m'octroie 30 ans allègrement, ça ne doit pas être l'apanage de mon âge. Bon. Je pensais que c'était parce qu'adolescente, je m'habillais souvent de façon moulante... actuellement c'est pas vraiment le cas non plus. Certes, ce n'est pas comme si je faisais la gueule mais je n'incite personne à m'adresser la parole, et je ne salue pas spécialement les inconnus. Donc ça ne doit pas être ça.

Il faut croire que tout ce monde voit quelque chose qui m'échappe totalement.

Donc avec ma mère qui, de but en blanc, m'annonce que j'ai pris des rondeurs bien placées, j'écarquille les yeux et pense "elle déraille la vieille". Elle reporte ses espoirs sur sa fille (ce serait pas la première fois). C'est tellement pas possible que c'en est risible. Personne ne fait une poussée de croissance à 23 ans.

Je pensais l'affaire oubliée. Oui c'est sûr, j'ai pris des formes : quand on grossit ça a tendance à arriver. Mais vu que je faisais un malheureux 75A au lycée, il n'y avait certainement pas de quoi pavoiser.

Pourtant me voilà avec des fringues que ma mère (insistante) a cru bon de me faire parvenir, et l'évidence est là : je déborde de ce fichu 95C. O_o

Quand au juste est-ce arrivé ??? Comment ai-je fait mon compte ?

J'ai filé devant le miroir. Mais pas moyen : je vois toujours deux oeufs sur le plat. Deux vagues machins dont je veux bien reconnaître qu'ils ont changé de forme, mais certainement pas de taille (chose que j'attribue aux fluctuations de poids).

Incrédule, j'ai même vérifié si ma mère n'avait pas truqué l'étiquette (oh elle a eu de bien pires mensonges par le passé, elle n'en est plus à ça près et ce n'est que justice d'être parano à présent). Mais c'est là et bien là (j'ai vérifié sur Internet si les tailles dans les autres pays correspondaient bien, mais rien à faire, c'est bien ça). J'en ai profité pour vérifier si j'ai pris du poids partout mais non, pas de changement côté taille de pantalon par exemple.

Je n'ai pas pu m'en empêcher : j'ai pleuré. Mon corps et moi on est fâchés depuis si longtemps que je n'arrive pas à croire ça. Et surtout je n'arrive pas à croire que je ne le vois pas.

Je sais bien que j'ai tendance à faire comme si je n'avais pas de corps, à ne rien mettre en valeur, à ne pas chercher à toute haleine à ressembler à quelque chose de précis. Mes fringues je les achète (quand j'en achète) parce qu'elles me vont, parce qu'elles sont noires et que le noir c'est classe et sérieux (et que ça sera mieux en entreprise), avant tout parce qu'il faut s'habiller. J'ai des cheveux superbes mais je ne cherche pas à les montrer et il faut me prier pour aller me les faire couper (quoi, comme si j'avais pas mieux à faire d'une trentaine d'euros qu'égaliser une frange -je n'en ai plus depuis des lustres- ou faire une fichue couleur ou Dieu sait quoi d'autre), je ne me fais pas les ongles, rien. Je suis consciente de faire partie de ses filles qui préfèrent passer leur temps libre à autre chose que s'occuper de l'extérieur (parce que se polir les ongles, se faire des masques et tout le toutim, ça vous bouffe du temps comme rien en plus ! Et si au moins ça allait vite mais même pas ! Il y a des temps de pause, et tout !)

Mais même lorsque je prends le temps de m'observer, je ne vois rien de rien et ça, ça échappe à mes facultés de compréhension.

J'ai tendance à me dire "toi, un 95C ??? ça va t'as pas les chevilles qui enflent ?!"

J'en sais rien, je ne les vois plus.

24 avril 2006

Girlish

Il y a quelques temps, on m'a demandé ce que j'avais de féminin. J'ai été estomaquée par la question : dans le fond, j'en sais rien. Ce qui fait que je suis une fille ? Eh bien bon, biologiquement parlant, je vous apprends (puisque je suis sur place pour en attester) que je suis bel et bien une fille. Ca c'est clair. On va pas revenir dessus. Mais me comporter comme une fille, ça n'a jamais été le cas à 100% et ce n'est pas du tout en voie de s'arranger. Pourtant actuellement, c'est aussi ça qui est à remettre en question, vu les évènements (très) récents (dont, non, n'insistez pas, je ne traiterai pas ici).

En fait à force de fréquenter majoritairement des garçons (je ne blâme personne, c'est totalement volontaire), je pense que j'ai pris le pli de ne pas assumer plus que ça les côtés féminins de ma personnalité. Je ne suis pas avare en blagues douteuses et/ou graveleuses, je parle très peu de sujets "féminins" et au civil, de toutes façons, je ne cherche pas vraiment à avoir l'air d'une fille, juste à me sentir au mieux. Certes, j'ai des fringues de filles, je ne suis pas plus que ça fan du unisexe, mais il faut bien reconnaître que je ne porte pas de jupes ni de talons, que mes ongles ne sont jamais vernis, et que je n'affectionne pas plus que ça les bijoux. Ca me facilite la vie et me convient à merveille. Et zut à ceux qui pensent que ça fait partie de la panoplie de base de toute nana qui se respecte.

Pourtant, soyons honnête, être une fille au milieu de garçons, et je le sais depuis des années, c'est bien satisfaisant quand même. Ca implique que même sans efforts soutenus, je reste la fille du lot. Ce qui ne manque pas d'être agréable. Et c'est à ce titre, peut-être, qu'on me garde tout de même deux ou trois égards particuliers... c'est en tout cas à cela que j'attribue la désormais célèbre "aura" qui me poursuit ça et là.

Je suis mon genre de fille, résolument, mais pas vraiment une nana.

Et pourtant... pourtant je pleure régulièrement devant la télé, j'aime les chansons larmoyantes et les peluches adorables, je tiens un blog qui me sert de journal intime maintenant que j'ai perdu le mien il y a un an et demi de cela (perte dont je n'ai pas encore tout-à-fait accepté le côté irrémédiable mais il faudra s'y faire un jour), etc... Il y a mes longs cheveux, aussi... J'ai des côtés féminins, si-si !

Rien que ce blog, par exemple, est ce qu'il y a de plus féminin chez moi. Mon écriture est ce que j'estime être de plus féminin, avec ces longues phrases, ces mots à la pelle et toutes ces pensées un peu tristes ou casse-tête. C'est ça mon côté fille, je pense, c'est quand même plus souvent le propre des gonzesses de se poser mille questions sur leurs sentiments. C'est un aspect, certes, que je ne donne pas souvent à voir aux autres, et encore moins aux gens avec qui j'aime à rire. Je me suis blondée, depuis un an et demi environ, et c'est plutôt naturel vu la suite d'évènements pendant ce laps de temps, mais en moi, la fille fragile existe toujours, simplement je ne la donne plus à voir. Est-ce une bonne chose ? Les gens recommencent à me voir comme une personne forte et toujours de bonne humeur (ou presque), et dans le fond c'est pas plus mal ; je réapprends à m'ouvrir petit-à-petit auprès de ceux qui ont su percer les défenses et ça par contre, ça m'est très gênant.

Ca ne me plaît pas toujours d'ébrécher la carapace mais en même temps une partie de moi a besoin de le faire, cette même partie que j'ai étouffée depuis ma précédente rupture, et qui renaît en ce moment (peut-être juste éphémèrement, parce qu'elle en a l'occasion, ou peut-être sur du long terme, je n'en sais rien).

La fille qui est en moi n'est pas partie avec le temps, elle est juste cachée, terriblement cachée, je ne sais pas si je veux la sortir de là où elle est, et je suis encore moins sûre de vouloir la déloger de là maintenant, dans les circonstances actuelles...

Etre une nana c'est avant tout laisser une chance à d'autres de me faire souffrir, et ça je ne le permettais quand même plus trop depuis quelques temps. Pas mal de gens pensent que vivre, c'est prendre des risques, mais jusqu'à quel point un risque n'est-il pas encore une folie inconsciente ?

Quand je me pose toutes ces questions, je me sens féminine. Mais aussi très friable. Ca ne me fait pas envie. Lorsque je me comporte de façon plus dure, c'est quand même mille fois moins inconfortable ! Qu'est-ce qui est mieux ?

Depuis un an et demi, je n'ai plus permis à personne de m'atteindre, petit-à-petit, j'ai fermé la porte à toutes les opportunités, quelle que soit la personne dont elle vienne. Je n'ai pas une seule fois remis en cause le bien fondé de ma carapace. Etre seule, c'était confortable, pratique, sécurisant, et franchement apaisant. J'avais sans doute besoin de prendre du recul avec les hommes sur un plan sentimental, mais je m'y suis rapidement plue. Etre seule, c'est le pied ! Simplement est-ce une raison pour le rester ? Quelles que soient les opportunités ? Redevenir la fille dans un couple, ça ne m'attirait plus, mais où était la peur, et où était l'envie ?

Si j'ai eu une leçon à tirer de ce qui est sorti de la relation avec le dernier ex en date (sinon le précédent également), c'est bien que lorsqu'on n'a pas une vie stable en solo, c'est pas facile de mener une relation stable. Et que lorsqu'on ne s'aime pas beaucoup soi-même (et actuellement comment avoir une bonne opinion de moi ?), on court à l'échec avec les autres.

Il y a peut-être des filles qui ne sont pas faites pour être avec des hommes, des filles qui, parce que c'est dans leur caractère, sont mieux seules. Comment savoir si je suis de celles-là ?

Le simple fait de me poser ces questions est déjà un signe que mes raisons précédentes pour rester seule ne suffisent plus. Je ne crois plus aux choses de l'Amour, mais que se passerait-il si je tombais sur quelqu'un qui a encore la fraîcheur d'âme d'y croire ? Dans le fond, je ne veux pas que tout ça soit mort en moi. Je ne veux pas ne plus être capable de rêver que c'est possible. Ca a pourtant bien été le cas depuis plus d'un an et demi maintenant.

En fait la question ce n'est bien-sûr pas d'être une fille ou non, bien que ça participe.
Et je ne suis pas plus avancée à la fin de ce post que je ne l'étais au début.

Parfois, face à certaines personnes, on est simplement faible et puis c'est tout, on a envie de se laisser aller, et comme je ne me laisse plus aller depuis bien des mois, c'est normal que lâcher un peu de ce précieux contrôle me fasse peur. Mais est-ce juste une question de peur ? Est-ce que je ne joue pas aussi ma sécurité en les circonstances actuelles ? Est-ce vraiment le moment de rejouer à tout cela, de tenter la malchance comme si je n'en manquais déjà pas ?

Il n'y a pas de bonne réponse. Je crois que je ne suis plus celle qui a le pouvoir de me rassurer sur tout cela maintenant. Le tout c'est de tomber sur quelqu'un qui ait la force de me rassurer quand j'en ai besoin. Mais c'est tout de même beaucoup demander à quelqu'un, non ?

Dans les jours à venir, sans doute d'autres posts à teneur tout aussi rébarbative, mais c'est plutôt normal vu le week end qui m'attend.

5 mai 2006

La chose dont je ne peux pas parler...

...Et qui si je la disais, n'empêcherais pas que je ne sache pas qu'en penser.

Parfois je me prends à rêver que je suis quelqu'un d'un peu plus simple, que je ne me pose pas tant de questions, et que je ne réfléchis pas tant à des choses qui semblent finalement simples.

Et puis après je me dis que ça enlèverait tout le plaisir d'être moi !

La chose dont je ne peux pas parler, et que je ne peux pas revivre. Et ne pourrai jamais, sans doute. Pas de cette façon. Est-ce que je veux qu'elle se reproduise, d'ailleurs ? Je n'en sais rien.

Ô joie d'être moi !!!

15 mai 2006

Mon rêve amourérotique

Je ne parle pas souvent de mes rêves ici. C'est une honte car j'adore mes rêves. J'adore en faire, j'adore y repenser, j'adore essayer de me souvenir de tout ce qui s'y est passé, et j'aime parler de ceux des autres... C'est un des petits plaisirs qu'on se fait à soi-même sans jamais rien préméditer, et ça fait partie du charme.
Alors allons-y !

Cette nuit, il y avait une voix. C'est comme ça que ça a commencé. C'était la voix d'un homme, grave, puissante, légèrement ronronnante et douce. Une diction rythmée. Je vivais dans une maison avec des amis (qui étaient totalement fictifs) et parmi eux il y avait cet homme auquel je n'accordais aucune attention mais qui n'était jamais loin de moi. Mes amis me disaient qu'il en pinçait pour moi, mais ça ne m'intéressait pas et je n'y prêtais pas garde, pensant aussi l'air de rien qu'il n'était pas à mon goût et que ça ne servait à rien de le lui dire juste pour lui faire de la peine.

Il faisait un peu peur, d'ailleurs, finalement, avec son visage long et émacié, son regard sombre (non pas la couleur mais par ce qui en ressortait), sa démarche bancale et ce corps démsurément long qui me suivait partout.

Et puis à un moment, je l'ai regardé. J'étais avec une de ces colocatrices au style excentrique, et j'ai ouvert la porte et il était là, comme d'habitude. Mais cette fois je l'ai regardé, en silence. Et j'ai eu envie d'être avec lui. C'était un sentiment très pur à ressentir, cette envie d'être avec cet homme d'une grande douceur et aux gestes lents, même s'ils étaient imparfaits. En fait tout ce qui m'avait laissée indifférente pendant le début du rêve m'a soudain touchée, comme si j'étais d'un coup, en ouvrant cette porté, été réceptive au fait que l'imperfection de l'homme était exactement ce qui était attirant en lui. Je me suis réveillée à ce moment-là.

Et pendant tout le rêve, ses mots, comme susurrés avec une voix profonde et gutturale, n'avaient cessé de servir de bande sonore avec un rythme lancinant. En me réveillant, j'ai tout de suite pensé : "l'homme, c'était Grand Corps Malade".

Mais vous et moi savons très bien que je n'ai pas rêvé de Grand Corps Malade, surtout que je n'écoute même pas ce qu'il fait et que je n'ai fait que voir des pubs à la télé. Je n'apprécie même pas plus que ça ce que j'ai entendu de lui. Et même si c'était le cas, on sait tous que je n'ai pas rêvé de Grand Corps Malade, c'était juste un alibi. Les rêves ont besoin d'alibis pour exprimer ce qu'ils ont à dire. Des métaphores, des déguisements... (il y a une très bonne nouvelle de Yasutaka Tsutsui à ce sujet, d'ailleurs)

Le rêve était doux, il était simple, il était ouaté, et on y respirait la même douce tiédeur que celle qui règne dans mes soirées depuis quelques jours.

Je savais bien que j'allais ouvrir la porte. Je ne pensais pas que j'allais apprécier toute cette douceur et je pensais encore moins que j'allais m'y complaire. Je n'avais pas envie de plus que la douceur et en me réveillant je n'ai pas pensé que je voulais absolument y retourner. Mais le temps que le rêve a duré, il était doux, j'avais su ressentir sa tendresse. Et ça suffisait. Cela avait quelque chose d'érotique sans que personne ne s'y touche. C'était simplement délicieux.

Je me demande juste jusqu'à quel point je dois l'interpréter. Mais peut-être que peu importe, puisque c'était un bon rêve.

25 mai 2006

A travers le rideau

La pièce était baignée d'une lumière douce et diffuse, il faisait tiède. J'ai laissé faire, parce que ça faisait du bien. Je ne promets rien, je ne promets plus rien maintenant, mais en cet instant précis c'était paisible et doux, et c'est tout ce qui importait, et je n'ai pas eu envie de me demander si ça durerait, ni même si j'avais envie que ça continue comme ça plus tard. Sans m'engager à rien j'ai juste profité de ce moment de calme.

La tête calée entre deux coussins, je l'ai juste posé près de moi et j'ai attendu que le sommeil vienne. Et il est venu. Comme si ça avait toujours été si simple. Il y avait de la fatigue, c'est certain, mais il y avait autre chose, aussi.

Et malgré le fait que je me sois réveillée une dizaine de fois pendant la nuit qui a suivi, je n'ai jamais aussi bien dormi.

J'ai entrevu quelque chose dans la lumière qui filtrait à travers le rideau, et pour la première fois depuis longtemps, je n'ai rien trouvé à y redire.

13 juin 2008

Le dedans, le dehors, et comment franchir les portes

Je me suis aperçue que ces derniers temps, j'avais tendance à lire des blogs et à me dire "ah, alors la vie des gens normaux, c'est comme ça".

Alors, bon, déjà, ces histoires de normalité, je sais que c'est des foutaises, mais je ne peux pas m'en empêcher. J'ai en tête le nom de gens que ça ferait hurler, une expression pareille... "mais les gens, ça n'existe pas, et puis c'est quoi des gens normaux ?". Ca va, je sais.

Mais il faut me comprendre, aussi. Je suis Jim Profit. J'ai grandi dans une boîte en carton en regardant à la télé ce qui me semblait être le vrai monde. Le dehors.

Je n'avais pas la possibilité de sortir, pas la possibilité de fréquenter des gens, ou alors en cachette comme par exemple profiter des 20mn de promenade du chien pour donner rendez-vous à ma meilleure amie qui m'attendait, cachée (autre alternative : il me fallait argumenter pendant des semaines avec mon père sur "pourquoi ce serait marrant d'aller faire du lèche-vitrine une demi-journée et sous surveillance de ma mère avec telle copine pour mon anniversaire", et même en procédant comme ça c'était pas garanti que je puisse voir du monde en-dehors de l'école), pas la possibilité de m'ouvrir à quoi que ce soit. Fallait voir la tête de mon père quand le téléphone sonnait ; quand il sonnait pour moi, et quand il sonnait tout court. De toutes façons, on explique vite aux gens qu'il vaut mieux ne pas appeler, ne pas inviter... pour éviter les conflits.

Qu'est-ce qui me restait ? La télé. Et seulement en cachette de mon père. Ou, quand il était là, c'était le journal de 20h ou des reportages sur son métier (ah, avoir 13 ans et se farcir un bon gros documentaire sur la dureté du métier de flic ! Si vous ne savez pas comment pourrir l'adolescence de vos rejetons, voici une très bonne technique pour leur faire voir la vie en noir et leur montrer que le dehors, c'est l'horreur !). Les alternatives pour avoir accès au monde extérieur n'étaient pas bien nombreuses, alors j'ai utilisé ce que j'avais. Ce que j'avais, c'était la télé.
J'y boulottais un peu tout et n'importe quoi, du coup, mais j'insiste, il faut me comprendre, j'étais enfermée. Et le pire c'est que je ne m'en rendais pas compte. Je n'ai commencé à réaliser que tard, et à lutter que plus tard encore. En fait, quand j'ai vraiment compris dans quel état de coupure avec le monde extérieur on avait été maintenues (probablement involontairement, en plus), ma soeur et moi, je vivais déjà ailleurs.

Mon Dieu, quand j'y pense, mais comment on vivait ! C'était l'école, les devoirs et le ménage. Il n'y avait rien à part ça. On ne voyait jamais personne, on n'appelait jamais personne (à part les grands-parents tous les dimanches à midi, et ô scandale et complications si c'était reporté d'une demi-heure pour cas de force majeure, et tout le monde devait parler, chacun son tour...), évidemment on ne sortait pas, et si vous essayiez de prendre un livre mon père vous tombait dessus dans la minute, avec un cinglant "t'as plus rien à faire ? tiens bah va désinfecter le porte-serviettes de la salle de bains" (voilà, barreau par barreau, comme ça il était sûr de nous tenir occupée une heure ; il aimait bien nous faire balayer les escaliers, aussi : c'est pratique, on ne peut jamais dire si c'est propre ou sale, un escalier en bois dans la pénombre). Inutile de dire que vu l'ambiance, on laissait tomber le bouquin sans broncher et on filait droit à la salle de bains...
Etonnez-vous que je me relevais secrètement la nuit pour lire... Il n'y avait pas de dehors, il n'y avait pas d'ailleurs. Et on n'était vraiment pas encouragées à savoir comment pouvaient vivre les autres gens (à moins qu'on ne parle de jeunes esclaves de 11 ans dans un pays sous-développé).
Et si mon père avait été un extrémiste religieux, il est fort probable n'en aurait pas été autrement (question qu'on me posera d'ailleurs plus tard, à ma grande surprise puisque jusque là je n'avais jamais même pensé que ça puisse être un comportement "hors normes"). Les prières en plus, éventuellement.

Alors pour moi, progressivement, certaines choses que je voyais à la télé sont devenues des normes. Mais heureusement, ce qui me marquait, ce n'étaient pas les choses les plus horribles ; je n'ai pas commencé à penser que la violence, les cas extrêmes, tout ça, étaient la norme. Non, en fait ce qui me fascinait, c'était comment d'autres pouvaient vivre leur vie quotidienne. Ca semblait extraordinairement captivant de voir la vie des autres. Mais j'étais jeune et encore imperméable aux documentaires, alors c'étaient les séries télé qui constituaient le gros de mon information sur la vie des autres (ça s'est arrangé depuis, même si la fiction garde ma priorité). Bah oui, les films, c'était juste pas possible, vu les horaires de diffusion : à 21h tout le monde était au lit (ou 22h, quand j'ai commencé à dire que je révisais pour le Bac).

Je crois que j'ai commencé à formuler consciemment ces généralités sur la vie des autres devant Friends. Je me disais "alors avoir 30 ans, c'est avoir un travail, des amis, et accumuler les expériences amoureuses !". Les personnages avaient plein d'aventures, plus ou moins sérieuses, et moi je me disais que c'était ça une vie d'adulte. Ils avaient des "dates" ! C'est comme ça que ça marchait alors ? C'était évident. Je me disais que si la série rencontrait aussi bien son public, c'est que ça reflétait quelque chose de vrai sur les comportements des gens. Et j'ai commencé à me dire que ma vie d'adulte ressemblerait à ça, plus ou moins.
Ha ha ha.
Mais quand on regarde plusieurs séries qui vous confortent dans cette idée (Sex & the City est venu quelques années après ma découverte de Friends), on pense que c'est un mode de vie général. La fameuse normalité.

Evidemment, tout le monde ne vit pas comme ça. La meilleure preuve ? Je l'avais sous les yeux. Moi. Je ne sortais pas. Quand Sex & the City est apparu sur les écrans français (les petits, à l'époque il n'était pas encore question de film), je ne fréquentais pas. Je n'allais pas dans les restos, les bars, les boîtes. Rien. Je trouvais normal que la Terre entière le fasse, sorte, embrasse, couche, un peu n'importe comment, mais pas moi. C'était normal et je ne l'étais pas. C'était une donnée de base. Mes histoires, elles ne se passaient pas comme ça. Elles n'étaient pas "normales". Et puis j'avais tellement de mal à me remettre de mes séparations, que je n'aurais jamais eu l'idée d'aller trainer avec d'autres jeunes quelque part dans l'espoir de me trouver un nouveau mec.
Pendant des années, je me disais "je veux une vie normale" en sachant qu'elle n'était pas faite pour moi. Je ne suis pas du genre à me ripoliner le visage et enfiler des tenues affriolantes pour lever un inconnu dans un bar. Ca ne me correspond pas. Mais j'aurais voulu. J'aurais voulu être comme tous ces gens qui sortent, s'amusent... Parfois j'essaye. Mais ça tourne mal (au resto la semaine dernière, ça a juste fini en engueulade puis en larmes, pathétique). Ou plus souvent je m'ennuie. C'est encore le plus fréquent. Comme la fois où on m'a forcée (oui, forcée) à aller en boîte. Ce n'était pas mon monde...

Depuis que j'ai réussi à sortir de chez mes parents, en fait, je me suis enfermée ailleurs, c'est tout. La force de l'habitude, le fait de ne rien connaître d'autre, mes propres loisirs qui ne me poussent pas tellement dehors... ça n'a pas aidé, c'est un ensemble de choses. Je me suis enfermée plus ou moins consciemment.
Mais le chômage a tout bouclé à double tour. Même quand je le voulais, je ne pouvais plus sortir. Quand on ne peut rien payer, quand on a l'air d'une loque parce qu'on est épuisée, affamée et/ou déprimée, quand on ne ressemble à rien parce qu'on a préféré s'acheter un paquet de pâtes plutôt qu'une crème de jour (j'ai découvert l'existence des crèmes de jour ya 6 mois, pathétique !), on ne peut pas envisager tout ça de toute façon.

Ces dernières années, quelque chose d'autres est apparu, aussi : j'ai fait de mon enfermement un choix ; ou bien on peut dire que je me suis adaptée. Ou bien les deux. Je me suis progressivement transformée en geekette. Et j'adore ça. La plupart de mes projets sont sur le net, mais je ne pense pas que je pourrais trouver un autre moyen d'être autant stimulée intellectuellement, et de pouvoir gérer mon emploi du temps avec autant de liberté, si ce n'était pas sur le net. D'un côté j'ai plein de choses à faire, mais d'un autre je fais très exactement ce que je veux quand je veux. Si j'étais, je ne sais pas, dans un club, une association, quelque chose, il y aurait des obligations plus rigides, et ça m'étoufferait. Là c'est ce que je veux, quand je veux, vraiment.
Et si je ne veux pas, il me suffit de faire comme si je n'avais pas encore ouvert mes mails, comme si je n'avais pas lu le message du forum, etc... Quand je veux être tranquille, je le suis. Quand je veux faire plein de choses, j'ai le champs libre.
Et quand on est bien dedans, bah ça fait un peu plaisir quand même.

Et le pire c'est que je ne suis pas vraiment timide, en plus. Je n'ai aucun mal à parler aux gens, sourire, plaisanter, raconter des conneries, soutenir une discussion... et même souvent me livrer. Parfois je me dis que je n'ai aucune intimité tant j'ai de facilité à mettre mon coeur sur la table devant des gens que je connais à peine (comme je le fais d'ailleurs ici même depuis des années) ; pour moi c'est plus facile de dire ce qu'il se passe en moi, que de raconter des évènements de ma vie (qui j'ai vu, ce que j'ai fait, ce que j'ai acheté), et je pense que ça se voit sur ce blog de toutes façons.
Ca m'est super facile de partager avec les autres ! Mais je ne sais juste pas comment rencontrer de nouvelles têtes avec qui partager toujours plus. C'est ça qui me bloque.

En ce moment j'ai envie de sortir, de voir du monde, d'aller au resto, de rigoler et de passer de bonnes soirées. Je ne vais pas toujours embarquer ma frangine là-dedans, quand même. Et même si je le voulais, on a quand même 5 ans d'écart, pas du tout la même expérience de la vie, et plein de choses qui nous sépareront toujours, même si on s'entend bien.
Mais là où le chômage n'a pas fait de tri dans mes pseudo-amis, c'est moi qui l'ai fait. J'ai voulu ne conserver dans mon entourage que des gens fiables. Manque de chance, personne n'était fiable selon mes critères, ils ont tous pris peur ou ont démontré qu'ils ne savaient pas faire face. Sauf une, qui était chiante et crampon. Mais je l'ai éjectée aussi. A l'époque j'allais tellement mal que je ne supportais pas de m'entourer de personnes qui n'auraient pas compris l'état dans lequel j'étais. Et hélas, la plupart des gens avec qui on s'amuse sont justement incapables de rester dans les temps difficiles. J'ai tellement déménagé que j'ai découragé les autres... Bref j'ai fait le nettoyage par le vide, et maintenant que j'ai envie de sortir, de (re)prendre une vie normale, eh bien, il n'y a plus que des "connaissances", des gens avec qui je peux travailler sur mes projets, plaisanter sur des forums, échanger des mails marrants, mais... pas des gens que je pourrais embringuer dans une sortie. Et puis, précisément, ils sont sur le net, avec mes projets. Donc souvent, à des centaines de kilomètres. La barbe !

Aujourd'hui, la télé n'est plus ma seule fenêtre sur le dehors. Il y a aussi internet. Je lis donc plein de blogs, et je me dis "c'est ça la normalité". A nouveau.
Eh bien admettons, et vous savez quoi ? Eh bien ces gens, ils sortent, ils s'amusent, ils vivent. Je lisais hier le blog d'une nana... pas tout le blog, mais quelques posts, comme ça... elle ne se livre pas beaucoup (au contraire, ça lui est plus facile de parler de futile que de personnel, et c'est marrant, moi c'est complètement l'inverse), mais elle se raconte. Elle parle de ses sorties, ses achats, ses rencontres... Elle voit du monde, elle s'achète des fringues, elle va à des évènements. C'est pas un blog d'une nana spéciale, c'est juste une fille... normale. Elle vit, quoi. Alors évidemment je ne suis pas en train de dire que sa vie est parfaite et idéale (même si ya un "petit" quelque chose qu'elle a qui est bien sympathique, mais comme je l'ai dit, ça me passera), évidemment on ne sait pas tout de ce qu'est sa vie en lisant son blog, même si par petites touches on sent que tout n'est pas toujours rose, mais il n'en reste pas moins que, voilà, c'est un exemple de ce que vivent les gens qui ont à peu près mon âge (parce que l'air de rien, dans 3 ans et demi, moi aussi j'aurai la trentaine).
Et moi pendant 5 ans je n'ai rien fait de tout ça.

Mais maintenant la porte est ouverte.
Et je reçois toujours toutes ces informations, à travers les blogs et la fiction, en plus de tout ce qui s'est gravé dans mon cortex auparavant. C'est dur de réussir à comprendre, sans avoir jamais eu de modèle sous les yeux, sans pouvoir aller constater maintenant, comment vivent la plupart des gens. Peut-être que je me focalise sur une forme d'existence qui n'est en fait qu'une exception. Peut-être que la plupart des gens de mon âge ne vivent pas comme ça, si facilement, à sortir, fréquenter, décrocher des rendez-vous. Comment le saurais-je ?
Je tente de faire la part des choses avec tout ça... pas facile.
Mais les gens dont je vois la vie, ou au moins une partie, parce qu'ils la dévoilent... eh bien ils font plein de choses, ces gens, ils tentent leur chance. Je n'appartiens pas à leur monde, je n'y appartenais pas avant et ces 5 ans m'ont définitivement fait adopter un esprit différent. Je ne serai jamais aussi insouciante qu'eux. Mais comment je peux faire pour quand même essayer de mener une vie normale ? Comment je peux quand même un peu entrer dans la danse ? Comment je peux concilier mon envie de m'ouvrir au monde, et mon envie de ne pas tirer un trait sur l'univers geek qui me tient à cœur ?

Ca fait des mois, des années, que je rêve d'avoir une vie équilibrée. Pas juste stable : équilibrée. Avec un peu de tout dedans. Ca fait des mois que j'imagine ce que sera ma vie lorsque je serai sortie de la mouise dans laquelle je patauge depuis 5 ans. Je préparais mentalement toutes les choses qui me faisaient envie et dont j'avais dû me priver. J'avais pensé à tout ! Tout envisagé ! Tout prévu !
Je sais ce que je vais faire, ce que je ne vais pas faire, comment je vais m'organiser, comment je vais vivre ces changements...

La seule chose à laquelle je n'avais pas pensé, c'était la phase de transition.

7 février 2011

Dommage

La douleur ? Encore vivace, mais atténuée. La colère ? Au fil des heures, elle a fini par ne plus se tourner que vers moi-même.
La bête blessée commence à lécher ses blessures et à reprendre le contrôle d'elle-même. Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais plus noyée dans mes émotions comme ça. Une chance qu'entretemps, j'ai fait ce travail sur moi qui consiste à ne plus autant exprimer ma douleur avec violence. Ma colère s'est exprimée uniquement : sur ce blog, en parlant avec une amie, en dépassant un peu ma limite habituelle en alcool, et en m'offrant des mcnuggets. Ah, et en ressassant quelques vieux souvenirs désagréables, généralement morbides parce que, bon, par association d'idées, quoi.
On peut dire que franchement, le choc aurait pu être plus rude. Il l'a d'ailleurs déjà été. Et je me surprends moi-même à finalement garder un certain contrôle. Dans une certaine mesure, disons. Réaction un peu irrationnelle, certes (je suis rouillée !), mais pas tellement excessive. Je n'ai pas hurlé, je n'ai pas menacé, je n'ai débarqué nulle part, j'ai respecté mon engagement de ne pas me montrer avant d'en avoir le feu vert (et le respecte toujours), en gros, je gère relativement "normalement" ma peine de cœur.

Alors qu'est-ce qu'il en reste, de tout ça ? De cette souffrance vive (que j'avais oubliée) et de cette colère sourde ?
Bah, je crois que je commence à arrêter de me laisser aveugler par la douleur qui m'a prise par surprise, et que je reprends mes esprits pour trouver juste ça... dommage. Et là je ne sais pas comment le tourner sinon en une sorte de lettre ouverte, alors allons-y, prenons le risque de lancer quelques "tu" imprudents.

Oui, c'est dommage. Parce que je pensais avoir été claire et pourtant tu n'as pas compris. J'ai dit, textuellement, que ça faisait plusieurs semaines que je me demandais comment t'inviter à sortir. Et toi, tu l'as tout de suite pris pour quelque chose de tellement plus entravant, c'est à n'y rien comprendre. Je ne veux pas me marier avec toi, ni porter tes enfants (je ne le veux ni maintenant ni jamais, pour commencer), je veux juste passer un peu de temps seule avec toi, pour voir. Parce que chaque fois qu'on se voit, il y a toujours une tierce personne, minimum, et que j'aurais voulu voir si on s'entendait bien tous les deux, juste nous. Alors évidemment, pas sur un plan strictement amical, parce que la réponse à cette question je crois qu'on la connaît déjà, quand même, avec le temps, mais en tous cas, voir si ça collerait, si on aurait des affinités.
Je comprends bien la problématique de ton côté, qui est, en gros, que tu ne veux pas perdre ton indépendance. Mais je tiens aussi à la mienne !
Pourrait-on juste faire l'effort d'éviter les généralités un instant et essayer de prendre les choses pour ce qu'elles sont : pas un absolu, pas un cliché, juste quelque chose entre toi et moi, ce qui fait que tu es toi, ce qui fait que je suis moi. Je suis quelqu'un d'au moins aussi casanier que toi. Si ce n'est plus parce que sincèrement, le nombre d'heures que tu passes chaque semaine avec ta voisine de chambre, pardon, mais je n'en passe pas la moitié avec quelqu'un, moi. Je crois sincèrement être bien plus casanière et indépendante que toi, et j'y tiens. Ô combien. Mes blogs en sont remplis de preuves. Alors du coup, il ne s'agit pas de devenir siamois, par pour moi en tous cas. Il s'agit simplement que, quand nous sommes ensemble, eh bien...
D'ailleurs combien de fois avons-nous été ensemble ces derniers temps ? Qui m'invitait encore quelques heures avant à venir passer une nuit chez vous, le weekend ? Pour la, combien... quatrième semaine consécutive ? Crois-moi, pour y avoir veillé, je ne me suis pas incrustée (bon, le dernier weekend, j'avais pas fondamentalement besoin de la sieste de l'après-midi, non plus, c'est vrai), mais au contraire, qui proposait quelque chose à faire pour retarder le moment où je rentrerais chez moi ? Pas vraiment moi. Les Starbucks et les balades et les gyouza, pardon, pas mon idée. Alors finalement, tu vois, tu aimes bien passer du temps avec moi, en fait, vu que, un nombre incroyable de fois, c'est toi qui as fait la démarche de prolonger le temps passé avec moi. Je le sais parce que j'en ai été surprise de nombreuses fois, et que j'ai voulu te donner une chance à chaque fois de me mettre dehors (j'ai bien compris que c'était pas ton style de le dire franchement, alors à chaque stade je posais la question), et tu ne l'as jamais fait.
Je ne voulais donc pas passer tellement plus de temps avec toi. Je voulais juste le passer légèrement différemment.
Je veux dire : c'est de moi qu'on parle. Il n'y a vraiment pas besoin de me supplier pour passer du temps devant un écran ! Mais ce temps-là, tout ce que je voulais, c'était le passer dans tes bras, ou toi dans les miens, ce genre de choses. Quoi qu'on regarde (et même si je t'en remercie, ça n'a pas à être toujours quelque chose qui me plait comme l'enfilade SNL+Pushing Daisies+Showgirls de l'autre soir), juste pouvoir en profiter pour se témoigner un peu de tendresse... C'est idiot, mais tu vois, simplement quand je vous regardais jouer tous les deux à GTA, j'avais simplement envie, quand c'est elle qui avait la manette, de mettre ma tête sur ton épaule et, attention ça va être très osé, te prendre la main. Pas plus. Et rentrer chez moi tout pareil au bout de quelques heures.
Bon alors, je ne te mens pas, il ne m'aurait pas été déplaisant qu'on s'échange un ou deux textos par semaine, si les choses étaient venues à se faire. Mais comme d'un autre côté tu le fais avec ta voisine de chambre à longueur de journée, ça ne me semblerait pas abusif de s'échanger un ou deux textos, dans la mesure où j'habite dans un autre département (d'ailleurs rien que pour ça, niveau indépendance, t'es plutôt peinard pour le moment).
Je ne sais pas ce que tu t'imagines, si le fait que j'ai un peu plus d'expérience que toi signifie que j'attends forcément beaucoup. Je dirais que c'est même l'inverse. Quand j'avais quelques années de moins, oui, la relation fusionnelle c'était mon truc. Et puis, eh bien, on en revient, je dirais. Parce que quand c'est fusionnel, ça ressemble peut-être à une romance de grand film de Victor Flemming, les premiers mois, mais après justement, c'est tout ce que tu déplores, ça te pourrit la vie. Une relation, aussi terriblement décevant que ça puisse paraître sur le papier, ça marche mieux quand on prend son temps, quand on respire chacun de son côté, et quand on se laisse aussi respirer quand on est ensemble.
Et pourtant, on pourrait penser que je suis blasée, mais ce que ces dernières années m'ont appris, depuis que je me suis séparée d'avec G., c'est qu'en réalité, je ne suis pas moins fleur bleue que... toi. Peut-être au contraire. Les appréhensions qui sont tiennes et dont nous avons parlé... je ne pense même pas au sexe d'abord pour me laisser effrayer par lui. Le sexe vient au contraire ensuite, s'il vient, ce n'est pas la donnée de départ, je te l'ai dit, ce n'est pas ce sur quoi c'est fondé. Dans ce domaine, j'ai gardé mon côté Bisounours, en réalité, j'espère toujours quelque chose de pur et de doux, je ne pense qu'aux mains enlacées et aux baisers, à la façon dont je vais caresser tes cheveux ou embrasser tes pommettes ou ton arcade sourcilière, vraiment, je ne suis pas aussi usée par les expériences que tu pourrais le penser, je n'ai même pas envie de t'entrainer sur ce terrain-là dans l'immédiat. C'est ridicule, ou ça ne l'est pas, je n'en sais rien, mais la vérité c'est que si je ne suis pas amoureuse, je ne laisse personne aller si loin, ça fait des années que c'est comme ça, et même toi avec ton regard sombre tu n'y changerais rien.
Et toi tu te barricades derrière la peur d'une chose à laquelle je ne pense même pas ! Ni à passer plus de temps ensemble, ni à forcément aller très loin... au nom du ciel on ne se connaît que depuis six mois !

Alors, je sais, ça ne se négocie pas. Et je sais aussi, un petit oiseau me l'a dit (suivez mon regard), que tu crois avant tout au coup de foudre comme pré-requis. Et je sais que je suis plutôt le genre de fille qui s'apprécie sur le long terme, disons-le franchement. Je sais tout ça. Je sais que je ne te forcerai jamais à rien même si je voulais essayer, parce que ce serait vain.
Mais quand même, accorde-moi une faveur. Reconnais que je ne suis pas celle qui piétinerait ton indépendance, qui forcerait l'entrée de ta bulle, qui mettrait par terre tes beaux projets. Parce que tu commences à me connaître et qu'au fond de toi tu sais que je ne serais pas comme ça, pas moi. D'accord, ne le reconnais pas devant moi, reconnais-le juste entre toi et toi. Ça me suffit si tu es simplement honnête avec toi-même.

Tout ce que je demandais, ce n'était pas de te sauter dessus ; juste de sortir, toi, moi, et c'est tout, et voir ce qui se passe. Un resto (chez Clément ?). Un ciné. Un verre. Une balade. Ce que tu veux.
A date that we both know is a date. Contrairement à Noël qui en avait toutes les apparences mais c'est tout.
Je ne demandais pas grand'chose sinon tester l'eau, un orteil à la fois, et voir où ça mène. Si ça mène quelque part, d'ailleurs. Et je crois que, une fois que je digère un peu tout ça, ta réaction excessive et la mienne posée, puis ma réaction excessive et la tienne posée, je crois donc que, ce qui reste, au fond, comme problème pour moi, c'est de trouver infiniment dommage qu'au nom d'un principe très général et par peur un peu aveugle, tu refuses même de tenter le coup.
Soit ça, soit quand tu m'as répondu, tu m'as menti. Mais c'est une éventualité que je n'ose envisager.

24 avril 2011

Jusqu'au mariage

En fait toute la question est de déterminer ce qu'on cherche dans une relation. Ce qu'on attend et ce qui est superflu.

Il y a plusieurs degrés, certainement, et il ne peut pas nuire de se poser les questions qui y correspondent.
De quoi ai-je besoin ? De quoi ai-je envie ? De quoi puis-je m'accomoder ? De quoi ne puis-je pas me passer ? Que m'est-il impossible d'accepter ?
Dans toute relation, il faut faire des concessions, la chose est entendue... mais pas forcément n'importe lesquelles. Alors j'essaye de chercher, en moi, ce qui définit les limites de l'acceptable et de ce qui ne l'est pas. Ce que je veux vraiment, et ce qui finalement n'est pas si vital. Trop peu de fois par le passé je me suis posé ces questions, j'ai l'impression.
Et parmi ces questions : pourrais-je me passer de sexe dans une relation ?

Ce n'est évidemment pas la même chose lorsqu'on est seule et lorsqu'on ne l'est pas. Prétendre qu'après une période de célibat, je n'en suis plus à ça près, serait évidemment mentir, et prétendre qu'être avec quelqu'un ne me semble pas aller de paire avec une certaine intimité serait plutôt la preuve d'un aveuglement.
Pour autant, si cette intimité me semble naturelle, je ne suis pas convaincue de la considérer comme obligatoire.

Je crois que je peux d'autant plus respecter ce choix qu'il a été le mien à une époque. Il n'a pas été motivé par quoi que ce soit de religieux (c'est peut-être la différence qui fait que je ne me suis pas tenue à ce choix). Je voulais être la femme d'un seul homme, nous nous sommes fiancés, j'ai eu confiance en ces fiançailles et je n'ai pas tellement plus attendu. Puis les fiançailles ont été rompues et j'ai simplement continué ma vie : je n'étais plus vierge, à quoi bon rester fidèle au premier homme, quand lui était parti ? Quelque chose dont je n'aime pas me souvenir, c'est que pendant de nombreuses années, je me suis sentie tellement mal de ne pas m'être tenue à ma décision première... Peut-être que le fait que je ne sois du tout intéressée par les histoires d'une nuit est le reliquat de cette époque où je pensais ne connaître qu'un homme pendant toute mon existence ; quelque chose qui subsiste, même maintenant que j'ai évolué de cette position initiale, et que je considère qu'il n'y a pas de raison d'en faire tant d'histoire. Ce n'est pas grave, mais voilà, il y a 10 ans de ça, j'aurais préféré, avouons-le ; aujourd'hui je vis ma vie de femme sans me sentir sale comme je l'ai ressenti après la rupture, mais peut-être que si c'était si important pour moi de m'envoyer en l'air, je n'attendrais pas de tomber amoureuse, non plus. Il y a des questions qu'on ne se pose pas parce qu'on n'est pas sûr d'aimer la réponse...
Quand je gratte un peu, je réalise que même si je ne trouve pas révoltant d'avoir connu plusieurs hommes, pour autant je n'ai pas tellement envie d'allonger la liste de beaucoup. A mes collègues qui s'écrient qu'il n'est pas normal ni sain de ne jamais avoir eu de coup d'un soir, je n'arrive pas à extirper d'autre explication que "parce qu'il faut vivre sa vie !" ; j'ai l'impression de vivre ma vie, mais je n'ai pas l'impression qu'il soit nécessaire pour cela de coucher avec des inconnus avec qui on ne vivra rien. C'est normal pour d'autres, et je ne les juge pas, c'est juste que je ne pourrais jamais en faire autant, ça ne me correspond pas ; mais ça me rappelle combien de degrés il existe en la matière ; qui suis-je pour trouver un peu extrême un tel choix quand le mien n'apparait pas plus évident à la majorité de la population ?

Alors, pourrais-je vivre une relation comme celle-là, simplement en me rappelant que ce choix n'est pas si incongru, et pas si éloigné du mien ? Au pire, je pourrais me dire, les jours un peu plus électriques que d'autres, que c'est une façon de reprendre le chemin où je l'ai laissé, que c'est le chemin que je voulais il y a 10 ans après tout.

Mais dans ce cas il me faudrait quand même définir cette relation.
Car une relation amoureuse chaste... comment l'empêche-t-on de ne devenir qu'une simple amitié ?

Je crois que je demanderais encore plus, étrangement, sur un plan affectif. Si on ne peut pas me toucher, il faut me prouver autrement ce pour quoi je n'aurais jamais demandé de preuve en d'autres circonstances. Ou bien l'envie qu'on me prouve son affection est-elle quelque chose qu'implicitement j'associe au sexe ? Sans doute aussi, mais ça fait partie des questions qu'on ne se pose pas, qu'on garde tues, et qui peut-être causent bien plus de malentendus et de ravages qu'on ne le croit. Tout serait à redéfinir, à repenser.
A la vérité, je crois que ça me ferait le plus grand bien d'être avec quelqu'un qui me permette de poser les choses à plat sans me laisser m'aveugler par les papillons dans le ventre. Bien-sûr la chasteté n'est pas obligatoire dans pareille relation, mais si elle faisait partie du package je pense sincèrement que je pourrais la tourner à mon avantage pour me rappeler de ce qui compte, et non de ce qui manque.

La vérité c'est que, bien que je ressente de plus en plus lourdement la solitude, je commence à me demander à quoi ressemblera la prochaine relation. Comment, après avoir tant souffert d'être seule, après avoir tant souffert des abandons et des trahisons, pourrai-je me lancer sainement dans une relation ? Avec quelqu'un qui a fait ce choix, j'ai l'impression que je serai obligée de prendre les choses avec plus de calme. C'est peut-être faux mais c'est comme ça que je l'imagine. J'ai peur de me perdre encore plus dans la prochaine relation, simplement à cause de l'écart entre elle et la précédente, à cause de tout ce qui ne s'est pas passé, et tout ce qui s'est passé, entre les deux. Je ne sais pas comment je serai à ce moment-là.
C'est peut-être aussi pour ça que je ne précipite rien et que je ne tombe plus amoureuse, que je me contente de simple béguins, ces derniers temps. C'est bien plus que je ne ressentais à une époque, au plus fort de ma solitude, mais c'est quand même tellement peu, comme si je ne m'accrochais plus vraiment. S'il n'y avait pas le sexe, j'ai l'impression que je pourrais tirer les choses au clair. Peut-être que c'est une idée confortable parce que j'ai peur, aussi, de ce que l'avenir me réserve en la matière.

Alors, bon, peut-être que la question n'a pas de raison d'être dans les circonstances actuelles. Mais j'apprécie les multiples interrogations, dont celle-ci, que ce choix réveille en moi. C'est aussi cela, faire des rencontres : se poser des questions qu'entre soi, on ne se poserait pas. Et tant pis si elles restent pure théorie.

3 octobre 2004

J'ai oublié aussi

Je viens de regarder la fin de Sept à Huit sur TF1, où une jeune fille expliquait son enfance malheureuse, qu'elle a consignée dans un livre. J'ai reconnu beaucoup de choses en elle qui sont en moi, au niveau du comportement principalement puisque je n'ai pas été battue à proprement parlé. Je regrette de n'avoir noté que le titre de livre et pas le nom de cette jeune fille...

EDIT : j'ai réussi à trouver le lien vers Amazon, la fiche de ce livre est ici.

4 octobre 2004

C'est une question d'éducation, avant tout

En ce moment, mon éducation me turlupine beaucoup. Je n'avais jamais réellement fait attention, mais en définitive, sur la majorité des sujets, des domaines, et des aspects de ma vie, je me suis éduquée toute seule.

Ok, ce n'est pas tout à fait vrai dans un premier temps. Mes parents m'ont appris tout un tas de choses qui répondaient parfaitement à leurs exigences morales, et à leurs critères. Se taire. Respecter la famille par-dessus tout (souvent en confondant respect et peur). Avoir le sens des priorités (la n°1 étant, je vous le donne en mille : eux). Etre polie. Travailler. Beaucoup travailler. Vraiment beaucoup travailler. Mépriser le plaisir. Culpabiliser. Se rendre responsable de tout sauf de soi. Voyons, quoi d'autre ? C'est déjà bien.

Brillants enseignements en vérité. Alors sur le coup de 15, 16 ans, ce qui germait tout doucement dans mon esprit s'est épanoui d'un coup : ce n'est pas parce que ce sont mes parents que ce sont de bonnes personnes. Et s'ils se trompaient ? Et si toutes ces valeurs étaient mauvaises ? Ou seulement certaines ? Ou aucune, en fait ? Qui peut dire ? Eh bien, moi et seulement moi, et finalement c'est là que mon éducation a commencé.

Je me suis éduquée à discerner ce qui était une valeur acceptable, de ce qui ne l'était pas. Parler. Ecrire. Respecter les gens qui vous le rendent bien. Avoir le sens des priorités (la n°1 étant moi). Etre polie. Etre très polie (mais jurer un peu de temps à autres). Travailler. Beaucoup travailler. Rechercher le plaisir. Déculpabiliser. Se rendre responsable de tout et de soi. Etre exigeant. Avoir des rêves. Des projets. Avoir un avis sur tout. Se faire un avis sur ce sur quoi on a pas déjà un avis. Etre curieux. Etre compréhensif. Etre tolérant. Donner tout ce que l'on a dans l'âme sitôt que quelqu'un cher à votre coeur le demande.

Mais au fond, qui peut dire si ce sont de meilleures valeurs ? Qu'est-ce qui prouve que mes choix sont meilleurs que les leurs !? Et si j'étais encore dans le faux, si j'étais une mauvaise personne, juste différente d'eux, pas meilleure ? Cette seule pensée me fait horreur.

Finalement je n'ai pas fini de m'éduquer, il reste encore une valeur principale à apprendre : avoir des certitudes.

5 octobre 2004

Pardon ?!

Pardonner, pardonner, pardonner. Aujourd'hui on ne vous demande plus que ça. Les termes se sont mêmes insinués dans notre langage courant. On vous demande pardon pour tout : parce qu'on vous a bousculée dans le bus, parce qu'on veut vous obliger à laisser passer quelqu'un, parce qu'on veut vous demander quelque chose, parce qu'on se sent pas bien, pour excuser son comportement, enfin bref, pardonner est, si l'on en croit nos contemporains, une joie de tous les instants.

Sans déconner ?!

Pardonner me semble requérir un peu plus de moi-même chaque jour. Je suis sensée pardonner depuis toujours, pour ainsi dire.

En premier lieu, il fallait pardonner à mon père son comportement. C'est vrai, ce n'est pas sa faute. D'abord la vie était injuste avec lui, et ensuite je le poussais à bout. Enfin, c'est ce que me répétait ma mère. Il fallait lui pardonner à elle aussi, d'ailleurs, de toujours prendre la défense de celui qui était déjà en position de supériorité et qui en abusait sitôt que le reste de sa vie l'écoeurait. Pardonner à ma soeur, ensuite. Elle est petite, elle se rend pas compte. Ensuite on pardonne, dans la lancée, à tout un tas d'autres gens. Ceux qui vous piétinent, ceux qui vous ignorent, ceux qui veulent partir, ceux qui vous promettent un avenir et volent votre présent.

Et sans s'en rendre compte, on prend le pli de pardonner à tout le monde la moindre chose. Tout écart se trouve expliqué : oui mais la journée a été dure, oui mais la vie a été dure, oui mais son caractère fait qu'il est perdu, oui mais, oui mais, oui mais. Et en fin de course, me voilà qui m'aperçois que j'ai passé le plus clair de ces 22 années à pardonner à tout le monde, excepté moi.

Les gens n'ont vraiment aucune honte, n'est-ce pas ? Vous déployez des trésors dans votre coeur, pour être ce que vous pensez une bonne personne, et vous voilà couronné roi des dindons. Vous culpabilisez de n'avoir pas pardonné.

Le pardon est une valeur à la mode. Films, séries, livres, tout vous rappelle qu'il faut pardonner. Tout cela est pétri de croyances chrétiennes qui s'obstinnent à vous faire croire que pardonner à un autre, c'est lui donner une chance, et tuer dans l'oeuf toute velléité de méchanceté et de rancoeur en vous. Mais en réalité, si tout cela avait du bon ?

Pardonner, oui, mais si au moins les gens autour de vous voyaient que vous en avez fait l'effort ! Nenni ! En fait, il voient que vous en êtes capables et ne se figurent pas un instant que vous ne saurez pas le refaire. Et les gens commencent à abuser de votre patience et de votre bonté.

Ce soir, une fois de plus, j'ai puisé en moi la force de pardonner. Bon gré, mal gré. Après une haine si forte qui m'a possédée tout l'après-midi, me voilà face à une part de moi-même qui réclame la Paix, et qui n'a rien trouvé de mieux que pardonner à celui qui m'a tant blessée, et de revenir à lui, gaie, pimpante, plaisantant et l'embrassant. Cette part de moi, je ne suis pas dupe, réclame une paix que je ne peux apporter à moi toute seule. Il ne dépend pas de mon pardon que nous nous entendions bien, il dépend de ce que je ne sois pas la seule à râcler les dernières bonnes volontés qui pourraient traîner ça et là en moi.

Mais je l'ai encore fait. Et je me demande si je ne prépare pas ainsi le terrain d'une haine encore plus farouche. C'est vrai, quand je n'avais pas encore pardonné à mon père (ça fait à peine 3 mois l'exploit a été accompli, tout de même), je ne m'en portais pas plus mal. Je lui en voulais tant que je me défiais de lui comme la peste. Certes, mes barrières étaient trop élevées, d'un autre côté elles me protégeaient très bien (sur la fin. Mais vous n'imaginez pas le temps qu'il a fallu pour les dresser). Je n'ai jamais eu à m'en plaindre. Et puis un jour j'ai touché en moi de quoi le pardonner, ça m'a semblé naturel, et également utile pour tourner cette page de ma vie. Mais aujourd'hui, si ma soeur me rapporte quelque chose sur lui, je souffre à nouveau.

En fait, le pardon évite la souffrance à celui qui le reçoit, pas celui qui le donne.

5 octobre 2004

Trust

Apparemment et si j'en crois mon expérience récente, il n'existe rien de plus fragile que la confiance. De fait, je vis en ce moment une série de déceptions personnelles, où les gens m'écoeurent un tant soit peu de par leur comportement.

Quand je regarde en arrière, je m'aperçois que je n'ai jamais eu la confiance de mes parents. J'ai longtemps cherché pourquoi, mais il s'est avéré que ça ne venait pas, comme je le pensais, de moi, mais bien de mes parents. La vie les a blessés à un tel point qu'ils ne sont capables de faire confiance à personne, pas même leur propre fille. Bon, ça, c'est réglé. Mais ce que je sais sans avoir pu le soigner, c'est que moi-même je suis incapable de confiance en moi. Je le voudrais mais en général, ça ne dure pas. C'est un fait et j'y travaille.

Mais pourquoi le reste du monde semble-t-il se défier de moi ? Et pourquoi me donne-t-il toutes les raisons de lui rendre la pareille ? Mystère.

Hier encore, j'apprenais que les parents de Lord T se défient de moi, ils ont peur que je reste seule dans leur appartement, comme si j'allais les voler. C'est tout de même incroyable, ça : chaque fois qu'ils m'ont proposé de l'argent, des frais faramineux ou ce genre de choses, j'ai refusé. Quand ils ont refusé mes chèques de loyer, j'ai pesté (sans succès). Et aujourd'hui, ils croient que je vais leur subtiliser quelque chose en leur absence. J'en conclus que pour avoir l'air honnête en ce monde, il ne suffit pas de l'être. Je trouvais mon comportement clair pourtant. Depuis que je sais que Lord T est pêté de pognon, je me surveille afin qu'il ne puisse jamais être dit que j'ai profité de lui. La plupart du temps, je fais des frais incroyables pour faire plaisir, et je radine quand c'est le tour de Lord T de payer, sacrifiant l'agréable comme l'utile histoire de minimiser sa note.

La seule chose de valeur que Lord T m'ait jamais offerte est le jeu des Sims 2, qu'il m'avait promis alors que nous étions encore amoureux, et qu'il savait pertinemment que, vu le prix, je ne l'aurais pas acheté moi-même en ce moment, vu ma situation financière (ç'aurait alors paru hautement suspect vu qu'il est clair que je suis juste financièrement). Bref, j'ai toujours fait très attention.

Nan bon, ok, j'ai volé quelque chose UNE FOIS à Lord T. Il venait de me larguer, je lui ai piqué une photo d'identité sur son bureau (il est anti-photo et depuis près de 5 ans que je le connais je n'en avais pas encore), et encore il en restait deux autres rigoureusement identiques (sans quoi je ne me serais pas permis)... Si c'est que ça je la leur rends.

Pourquoi sitôt qu'on manque d'argent, qu'on n'a ni revenu ni famille sur qui s'appuyer, est-on immédiatement soupçonné des pires intentions ? Voilà qui me dépasse. Les gens pauvres seraient forcément malhonnêtes ? Je ne comprends pas comment ils ont pu se mettre une telle chose dans la tête. A quel moment mon comportement a-t-il pu être équivoque ? Quand j'ai refusé leur argent ? Quand j'ai refusé toute aide financière superflue ? Je n'ai demandé que le strict minimum : pouvoir garder un toit au-dessus de ma tête. Là comme ça, ça ne me semble pas être un caprice follement excentrique comme souhait ! Si ? Ou est-ce que je fonctionne sur un système de valeur erronné ?!

Pour ce qui est de la famille de Lord T, j'ai mon compte. J'vous jure que si je peux me couper d'eux...

En fait la confiance, sincèrement, je n'imagine pas ressentir cela à nouveau un jour. Ni confiance dans les gens, ni dans la vie, ni dans quoi que ce soit. L'expérience a prouvé que c'est le meilleur moyen de subir de lourdes désillusions.

Je n'ai pas envie de m'endurcir, je n'ai pas envie de me blinder, je n'ai pas envie de me fermer, je n'ai pas envie de devenir froide. Mais est-ce que j'ai vraiment le choix... Combien de fois la vie va-t-elle me violer encore ?

6 octobre 2004

Solution

J'étais en train de me dire, suite à un coup de téléphone inattendu de ma mère (à qui je n'ai pas parlé depuis le début du mois de juin environ), que parfois, quand une solution se présente d'elle-même, il faut se permettre d'ouvrir son coeur pour la recevoir, plutôt que de se dire, non sans orgueil, qu'on devrait être capable de trouver une solution par soi-même, ce qui semble toujours préférable au premier abord.

Peut-être que dans le cas présent, ce qui semble un retour en arrière est peut-être un pas en avant ? Cela mérite en tous cas réflexion.

7 octobre 2004

Lettre à Papa et Maman T

Depuis l'appel de ma mère, j'ai un peu de mal à distinguer ce qu'il serait bon de faire ou non. J'ai ressenti le puissant besoin de me replonger dans des écrits passés afin de savoir ce que j'en pense lorsque je ne suis pas troublée. Voilà celui que j'ai trouvé. Il est adressé aux parents de Lord T (dont j'ai parlé précédemment), et je vous le livre sans trop de coupes (le document original faisait tout de même 8 pages Word...)

Je ne sais pas trop comment commencer cette lettre. Je me suis sentie si furieuse l’autre jour, et puis j’ai réfléchi et j’ai décidé de canaliser ma rage dans un courrier qui vous expliquerait…

Je conçois, mais alors complètement, qu’on ne puisse pas comprendre ce que je ressens, puisqu’il est très difficile, sans l’avoir vécu, de comprendre ce par quoi je suis passée. Ce que je conçois en revanche avec beaucoup de difficultés, c’est qu’on n’essaye pas de l’imaginer…

Pendant plusieurs mois, j’ai essayé de vous mettre à l’abri de toutes ces choses. Je crois que chaque fois que j’entrais chez vous ou que je me trouvais en votre présence, j’avais une telle impression que vous nagiez dans le bonheur, que je ne voyais pas comment aborder le sujet de mes problèmes, des choses qui me font tant souffrir et depuis si longtemps. Je ne me voyais ni expliquer toutes ces choses, ni tenter de vous les infliger. Parce que non seulement à l’oral les mots me semblent difficiles à produire devant vous, mais en plus je ne m’en sentais pas le droit.

Pendant tout ce temps, vous m’avez invitée à m’ouvrir à vous, mais je n’y arrivais pas. La seule idée de faire confiance à des parents me semblait insurmontable. C’était comme d’affronter la mort. Parce que pendant des années, mes parents, je les redoutais plus que la mort elle-même, ils en étaient plus porteurs que toutes les situations désespérées où il m’a semblé m’enfoncer par ailleurs. Les parents sont dans mon esprit capables de trop de pouvoir. J’ai pourtant essayé. A mon rythme ; selon Lord T c’était insignifiant, pour moi les efforts étaient monstrueux. J’étais trop impressionnée par la sérénité et l’insouciance qui émanaient de vous tous.

Là d’où je viens, à table, on parle de problèmes d’argent, de problèmes de travail, de problèmes d’études, de problèmes avec d’autres personnes parfois, on s’engueule, on s’épie, on se fait la tête, on guette les réactions des autres, leurs faiblesses, leurs silences, on se surveille même soi-même pour ne pas mettre le feu aux poudres… Jamais, jamais de la vie, on n’imaginerait parler de choses positives, de culture, de hobbies, de choses normales, en somme. C’est forcément difficile, quand on sait que nous ne nous intéressons à rien qui intéresse les autres, mais ça devient un vrai challenge quand ce que nous apprécions est jugé comme néfaste et forcément inintéressant. Si l’un de nous développe un intérêt pour une chose, quelle qu’elle soit, elle sera dénigrée. Nous évitons donc toujours les sujets dits culturels. Nous n’échangeons rien, à part des reproches. Nous vivons dans la méfiance constante des mouvements des autres, et des nôtres propres. Nous dépassons le stade du self-control et atteignons quasiment la paranoïa collective. Si l’un de nous soupire un peu fort, les autres le prennent immédiatement comme un signe de mécontentement, de colère, et la guerre est déclarée. En somme, nous ne connaissons pas votre Paix, votre calme, votre insouciance.

Ce seul exemple suffit à décrire l’atmosphère oppressante de la maison. Rien à voir avec la vôtre. Je ne me voyais pas essayer de vous expliquer tout cela ! Comment exprimer, précisément, la peur qui plane à chaque repas, chaque minute passée en famille, et le soucis constant d’avoir l’air parfaitement heureux de ne pas être heureux ? Comment expliquer notre réflexe d’afficher un masque de tranquillité quand on est terrifié par la moindre interaction avec les autres ? Et de contrôler chacun de ses gestes, jusqu’au plus bénin (comme de poser un verre, de croiser les bras, ou encore de regarder par la fenêtre songeusement) ? Ça ne s’explique que très difficilement.

Il faudrait pour mieux décrire tout cela remonter aux sources, au début de ce genre de situations de crise, et montrer le lent cheminement de la frustration à la folie pure et simple. Mais je ne le peux pas, parce que je n’ai pas fait attention depuis le début, parce que je n’ai pas tout compris tout de suite, parce que tout simplement je ne connaissais rien d’autre. Non pas que je pensais que ça se passait de la même façon ailleurs, moins que ça encore : il n’y avait pas le choix. Tout juste s’il y avait un ailleurs.

Depuis l’enfance, je partageais mes journées entre l’école et la maison. Je n’allais jamais aux fêtes, je n’en avais pas le droit. Si j’avais des amies (ça n’est pas arrivé avant la fin de l’école primaire, nous déménagions trop souvent), mes parents ne voulaient pas en entendre parler, ça ne les intéressait pas. Si j’en parlais tout de même, ils se mettaient en colère, ou les dénigraient. Sur toute ma scolarité, jamais une seule n’a trouvé grâce à leurs yeux. Il n’était bien sûr par question d’inviter qui que ce soit. Cela a vite fait le vide autour de moi. J’étais donc toujours seule en cours, ou à la maison. Pas de sortie, pas même éducative avec la famille. Pas le droit de lire, sous prétexte que cela abîme les yeux, et qu’il y avait toujours du ménage à faire, ce qui est forcément plus important. Il n’y a pas eu, ou très peu, d’ailleurs ; et ce pendant une bonne quinzaine d’années. Ça n’avait pas lieu d’être : le plus important c’était l’école, et juste derrière, la famille. Jamais l’individu, encore moins ce qui aurait pu l’enrichir. Tout ce que j’ai appris, c’était au travers des livres chapardés dans la bibliothèque de ma mère (autant dire que ce n’étaient pas des lectures pour une enfant, exceptés les rares livres de sa propre enfance…) ou à la télévision, que je regardais en cachette. Toute ma culture vient de là, j’ai du développer seule ma curiosité intellectuelle, et avant même cela, apprendre à imaginer qu’il y avait un dehors, ce qui semblait inconcevable avec la vie que je menais.

En parallèle de tout cela, mon père, qui vivait de lourdes frustrations (je ne l’ai compris que plus tard), notamment de par son métier, mais aussi à cause de sa difficulté à gérer les relations avec d’autres personnes, vivait dans un état de fatigue avancé voire critique. J’avais 7 ans quand nous avons déménagé de notre appartement pour une maison, mais il y avait beaucoup de travaux à y faire, et là encore c’était une source de soucis supplémentaire pour lui. En plus des dettes accumulées pour réaliser leur envie d’avoir un foyer idéal, il fallait compter sur la frustration venant de l’âge de la maison, des travaux que mon père a réalisé quasiment en totalité lui-même lors de son temps libre, du manque de commodités (il nous a fallu environ 6 mois avant d’avoir une salle de bains…), du fait que ma sœur était encore bébé, des horaires de travail alambiquées dues à son travail dans la Police, des changements de postes réguliers (environ tous les 3 ou 4 ans) parce qu’il n’arrivait jamais à s’entendre avec ses collègues… C’était trop pour les nerfs de mon père, pour qui jusque là les choses n’avaient jamais été si compliquées. Mon père est né à la campagne, dans une famille de 4 enfants au sein de laquelle on ne faisait que travailler pour vivre, et cela semblait suffire à tout. Il n’avait jamais eu besoin d’avoir des responsabilités, et je crois qu’il n’a jamais rien fait pour une autre raison que parce qu’il le fallait, parce que c’était dans l’ordre des choses. Faire des choix et devoir en assumer de lourdes conséquences n’entrait pas dans le cadre de sa vie avant d’être marié et de nous avoir.

Autour de la période du déménagement, peut-être un peu avant, peut-être un peu après, les relations avec lui ont commencé à être vraiment difficiles. Dans mon souvenir j’ai 7 ou 8 ans quand les choses se compliquent, mais là encore, je ne pense que je n’ai commencé à m’apercevoir des choses que lorsqu’elles ont été vraiment évidentes. Sans doute que les choses ont empiré doucement, et j’avoue que je n’avais pas les yeux braqués sur mon père et ses problèmes.

C’est le genre de reproches que j’ai commencé à entendre : qu’il avait la vie dure (à cause de moi principalement, puisqu’il avait acheté cette maison pour moi, se démenait pour mon gîte et mon couvert, etc.…) et que je ne le voyais pas. Selon lui, je faisais tout pour ne pas m’en apercevoir et même lui rendre la vie plus difficile. Quand je rentrais de l’école, j’accentuais sa fatigue avec mes babillages, apparemment exprès ; si j’avais de mauvaises notes (pour lui, en dessous de 15 c’est la débâcle, et bien des fois il a hésité à m’envoyer en pension, mais ça l’aurait obligé à se serrer encore plus la ceinture ce qui était, il faut le dire, impossible) il entrait dans une colère noire, disant qu’il se saignait aux quatre veines pour rien ; il passait des heures à me forcer à lui réciter mes leçons pendant qu’il travaillait dans la maison, et je le suivais avec mes cahiers dans la pièce de la maison qu’il rénovait. Je me rappelle avoir scandé, à moitié en larmes, à moitié en transe, pendant tout un dimanche après-midi, des tables de multiplication, au son du marteau, hurlant pour couvrir le bruit des outils et de mon père qui, perché sur son escabeau, dans l’escalier qu’il retapait, râlait que j’étais une incapable et que lui se tuait à la tâche pour une gourde (c’étaient ses termes). Imaginez le tableau. Pas évident que ce soit la table de 8 qui m’ait le plus marqué ce jour-là.

Les évènements de ce genre étaient de plus en plus fréquents, ou en tous cas de plus en plus évidents pour moi. Les choses ont atteint leur paroxysme quand mon père a entrepris de passer sa colère définitivement sur moi, au lieu de prendre sur lui. C’est-à-dire que la moindre bourde (et à 8 ans environ, on les accumule déjà facilement, alors selon les critères de mon père…) devenait une formidable excuse pour m’incendier pendant tout le repas. Comme cela suffisait de moins en moins, j’ai commencé à me faire engueuler en sortant de table, puis en allant me coucher. En quelques mois, à peu près, l’habitude était prise : j’en avais pour 2 heures chaque soir. Le calvaire commençait pendant le repas, et ne finissait pas avant qu’il ait vidé sa colère, en général dans les 2 heures qui suivaient. A table, je n’avais rien le droit de répliquer à ce qu’il me disait, et dans les premiers temps je n’y pensais même pas. Tout cela était ma faute, à n’en pas douter.

D’abord, comment en aurait-il été autrement ? Vous avez moins d’une dizaine d’années, et votre père (pas n’importe qui, mais votre père, et à vrai dire une des rares personnes que vous côtoyez dans la vie courante) vous assène des reproches du type : « Tout ça, c’est ta faute / tu es méchante / tu fais rien pour aider / tu nous gâches la vie / je me tue à la tâche pour toi / tu n’essayes même pas de comprendre tout ce qu’on fait pour toi / tu ne le mérites pas ». Et il ne fait aucun doute que c’est la plus stricte vérité, et comment oser le contredire ? Le simple fait de penser le contraire de tout cela n’est qu’une preuve flagrante de mauvaise volonté, et prouve la véracité de chaque mot. Je ne me figurais pas être autre chose que le Mal incarné, puisque j’osais causer du souci à mes parents, alors qu’ils auraient du être ma priorité. Pendant les heures de disputes que je subissais, je pleurais, mais uniquement parce que c’était désagréable, pas du tout parce que je trouvais ça injustifié.

J’ai donc passé des soirées entières, allongée dans mon lit, à écouter mon père me traiter de tous les noms d’oiseaux possibles et imaginables, avec le plafonnier de la pièce dans son dos, aveuglée et en larmes. Et je trouvais ça normal ; pire encore : je ne pensais même pas à la chose : c’était comme ça. Je ne voyais même pas l’utilité de revenir dessus. Pourquoi aurais-je remis en question la normalité de la réaction de mon père ? Pourquoi ses reproches, ses colères, n’auraient-elles pas été justifiées ? D’abord, avait-il besoin d’une quelconque justification ? Il avait raison puisqu’il était mon père, cet homme qui se sacrifiait à longueur de journée pour une ingrate. Il y avait de l’admiration pour lui ! Il avait le courage de me supporter, malgré tous mes travers, malgré le mal que je lui faisais.

En bref la situation a commencé à se dégrader de plus en plus. Rien n’arrêtait la progression des évènements. Et c’est environ à ce stade qu’en général, on s’interroge sur le rôle de ma mère…

Ma mère n’a pas connu son propre père, il vivait sa vie en-dehors du foyer avant que ma mère n’ait un an, elle ne l’a vue que trois fois dans sa vie. Pour elle, le père est tout-puissant. Un homme qui a la capacité de détruire une famille aussi vite qu’il l’a bâtie ne peut connaître de limite. Elle s’en est toujours remise à mon père pour les décisions de la famille ; elle collecte les renseignements utiles à la prise de décision mais jamais n’interfère. Son avis à elle ne compte pas et ne comptera jamais. Elle se sent à l’abri, de cette façon ; puisqu’elle ne peut pas déplaire à cet homme, il ne lui viendra pas l’idée de partir. Il restera auprès d’elle, quoi qu’il arrive, même si cela veut dire qu’elle mènera une vie étriquée, et même si pour avoir le moindre loisir elle est obligée de lui mentir et de faire certaines choses dans son dos (aller déjeuner avec des collègues, passer une heure ou deux chez sa mère qui habite à 500m, nous emmener faire les magasins quand nous sommes entrées dans l’adolescence, etc.). C’est un sacrifice nécessaire au vu du confort de la situation : elle n’a pas à se retrouver seule comme ça a pu être le cas pour sa propre mère. Rien ne lui fait plus peur que de déplaire, en particulier à mon père.

Partant de là, facile d’imaginer son genre de réaction. Elle reste dans mon esprit plus une épouse qu’une mère, la femme auprès de laquelle j’ai toujours eu le réflexe de me réfugier, mais qui me trahissait toujours au bénéfice de mon père. Un jour que j’avais eu le malheur de répliquer à ce dernier, une petite phrase dans le style de « Arrête de crier, essayes de parler normalement » (simplement parce que j’ai toujours eu des problèmes d’audition, ce n’est pas facile quand les gens crient, ils ont tendance à ne pas articuler et placer toute leur énergie dans la puissance de leur voix ; tout ça pour dire : je ne pensais franchement pas lui parler mal, je voulais juste comprendre), j’ai vu une lueur de rage dans les yeux de mon père, et j’y ai lu le danger. Mon réflexe a été de me précipiter à l’étage et de me cacher derrière ma mère. Celle-ci s’est écartée de devant moi, m’a prise par les épaules, m’a poussée vers mon père qui arrivait comme une furie et qu’on pouvait entendre hurler de colère dans l’escalier, et m’a dit : « Assume la conséquence de tes paroles ». Pourtant j’ai mis beaucoup de temps à cesser de me fier à elle. J’ai passé le plus clair de mon enfance et de mon adolescence à penser qu’elle était « de mon côté », que je pouvais me confier sans crainte. Et à chaque scène de mon père, je réalisais au travers de ses mots qu’elle lui disait toujours tout, et qu’il l’utilisait ensuite pour me faire de la peine et m’atteindre. Elle me dira une fois : « Stéphanie ne me parle pas à moi, toi tu es assez bête pour continuer. »

Pendant des années, le quotidien ressemblait à ce que je vous ai expliqué plus haut. Avec des mots toujours très blessants, et parfois des scènes d’une intense fureur pendant laquelle mon père perdait tout contrôle de lui-même (pas étonnant quand on sait à quel point il était obligé de se contenir dans le cadre de sa vie professionnelle, entouré de gens qui ne l’appréciaient pas et faisant un travail qu’il détestait). Il lui arrivait fréquemment de me dépeindre mon avenir ; j’allais devenir caissière dans un supermarché, si j’avais de la chance, et me faire engrosser par le premier venu. Je mènerais toujours une vie minable. C’étaient là ses mots, et j’ai commencé à les entendre vers 8 ou peut-être 10 ans.

Parfois cela dépassait le simple stade des insultes ou des horreurs verbales. Mon père en venait à lever la main sur moi, surtout si je le regardais de travers, si je pleurais trop longtemps pendant ses colères, si je le relançais dans sa fureur en disant quelque chose qu’il n’appréciait pas, ou même si je débarrassais la table différemment de ce qu’il aurait fait (en commençant par les couverts au lieu des verres, par exemple…). Je vivais dans l’absurde obsession de mesurer mon moindre geste, la portée du moindre mot. Même par temps d’accalmie, je devais peser chacun de mes sourires pour n’avoir pas l‘air de moquer de lui, de le chercher. Il est arrivé une fois, alors que nous fêtions le 1er de l’an avec ma Grand’Mère maternelle, que je fasse deux plaisanteries sur l’alcool, la veille et le jour de l’an, et mon père a fait tourner cela au drame, a claqué la porte, hurlé devant tout le monde, a décrété que pour lui il n’y avait pas de fête, et s’est isolé à 5 mètres de nous, devant la TV. Pourtant, nous sommes de souche bourguignonne, alors le vin, c’est dans notre culture, mais tout d’un coup c’était tabou, alors que ce n’était qu’une plaisanterie parmi tant d’autres, que je n’étais pas la seule d’ordinaire à en rire, et qu’à 11 ou 12 ans, je ne pensais pas à mal. Et d’ailleurs je les avais faites sans même y penser, je m’amusais et j’ai fait une plaisanterie quand elle se présentait. Mais il était persuadé que je l’avais pris pour cible et que j’avais cherché à l’humilier devant sa belle-mère… Il était imprévisible mais nous avions des codes implicites qui nous permettaient de limiter la casse et de prévenir la plupart des crises de colère.

Ses colères verbales étaient impressionnantes, mais les fois où elles sont allées plus loin, on frisait la démence dans la maison. Ma mère le regardait faire sans rien dire, avec l’expression la plus neutre possible sur son visage, et ma sœur a commencé par pleurer en voyant ce genre de choses (ce qui ne faisait qu’accentuer mes torts, puisque ma sœur avait la bonté de pleurer pour moi, alors que je faisais du mal à la famille), puis avec le temps, elle a pris le parti de faire comme si de rien n’était et de se noyer dans son assiette ou une occupation quelconque. Et moi je me voyais comme de l’extérieur, incapable de réagir, me laissant manipuler. Je méritais tout cela, de toutes façons. Les premières réactions de panique, lors des 2 ou 3 premières fois, avaient vite cédé la place à l’acceptation la plus totale. Mon seul geste significatif pour me protéger était d’avoir changé de place à table : au lieu d’être assise à côté de lui, j’étais assise en diagonale par rapport à lui, donc plus loin. Qu’il m’attrape par les cheveux pour cogner le coin de la table, m’écrase le visage contre un mur, ou me soulève de terre pour que je sois au niveau de son nez quand il m’insultait, je ne réagissais pas. S’il me giflait je n’éloignais pas ma tête ; il me serrait le bras de toutes ses forces et je ne cherchais pas à le retirer. S’il montait dans l’escalier, en furie, même en hurlant qu’il allait « avoir ma peau », je restais sur ma chaise ou mon lit à l’attendre, le regardais franchir la porte et me tomber dessus. Il m’envoyait des objets au visage et je ne parais même pas.

Sauf un soir. J’avais 16 ans depuis peu. Ce soir-là, je ne me souviens pas plus que pour les autres de quoi la rage est partie, mais on était en plein dedans. Il hurlait, m’insultait, récapitulait tous mes torts connus (une chose qu’il pratiquait presque toujours pour aller bien jusqu’au bout de sa colère). Aucune réaction spéciale, ni de lui, ni de moi, ni de mes voisines de table. Rien d’inhabituel, mais tout d’un coup, il a commencé à me lancer des objets à la figure. Le contenu de son verre, d’abord, mais ça c’était un classique. Puis une bouteille d’eau en plastique. Puis une assiette et son contenu. Et là j’avais réellement peur, je ne savais pas jusqu’où il pourrait aller. Quand il a voulu attraper le dessous de plat (un carreau de carrelage d’environ 1cm d’épaisseur avec un cadre de bois, pesant autour de 3 à 4 kg), là ma mère a réagi, pour la toute première fois, et la dernière d’ailleurs aussi. Elle lui a hurlé de s’arrêter, qu’il allait finir par casser quelque chose. Et là, je ne sais pas pourquoi puisque les choses tendaient à s’améliorer à première vue, j’ai réalisé qu’il y avait un problème.

Le lendemain j’ai raconté la scène à quelques une des mes amies, elles étaient horrifiées. Elles n’avaient jamais compris, quand je disais que j’avais des scènes avec mon père, que cela dépassait les récriminations classiques pour mon âge : elles haussaient les épaules en disant que tout le monde s’engueulait avec les parents. Et elles me confortaient dans l’idée que j’allais vraiment chercher midi à quatorze heures, mes premières questions étaient tuées dans l’oeuf…Mais cette fois c’était différent, elles étaient complètement alarmées, parce que pour la première fois j’avais pensé à expliquer en détail les évènements. Et à ce moment, à ce moment seulement, j’ai pris conscience qu’il y avait un réel problème, et que, peut-être, il ne venait pas de moi. Peut-être seulement, mais c’était déjà quelque chose.

Mon principal but a dés lors été de m’en sortir. Donc de partir, au plus vite. Au départ je pensais prendre mon temps, finir mes études à leurs frais, et profiter de leurs finances le plus longtemps possible pour m’assurer une situation. Les faits étant ce qu’ils étaient, ça n’était pas possible ; la situation à la maison, depuis que j’avais commencé à en prendre conscience (et donc à y réagir) devenait invivable. Je me suis vite rendue à l’évidence que, maintenant que je ne pensais plus que j’étais coupable mais plutôt quelque chose qui s’approcherait de la victime, j’allais répondre de plus en plus à ses attaques, et donc stimuler sa fureur. C’était en effet le cas, et après quelques fois où il a été surpris de mon comportement (répondre, crier aussi fort que lui voire plus fort), il a vite repris ses marques, et on est passé dans une phase de surenchère constante de violence verbale et même physique pour lui, il estimait devoir me « mater ». Voyant tout cela, je n’arrivais pas à trouver raisonnable de rester longtemps. J’ai commencé à négocier la possibilité de faire mes études loin de la maison, ça n’a pas été accepté, mais à la place, ils ont acheté un petit appartement sur Paris, dans lequel ils m’ont envoyé sitôt les épreuves du bac passées. Je suppose à propos de ce coûteux investissement que mon père avait vaguement conscience que si nous ne prenions pas de la distance, les choses pourraient mal tourner ; personnellement je m’imaginais sans peine mourir d’un jour à l’autre, c’était une donnée depuis longtemps : il avait le pouvoir de me tuer. Pendant la recherche et les négociations, ils m’ont dit que je devais travailler dés que je le pourrais pendant les vacances (en l’occurrence, trois jours après la fin des épreuves), et qu’ils ne s’occuperaient plus de moi comme avant.

C’était rien de le dire, parce qu’à peine mon sac posé dans l’appart, nous sommes passé par une longue période (environ 3 ans) d’indifférence mêlée de ressentiment. Pour eux, je ne faisais plus partie de la famille, mais je devais continuer à ménager les apparences, leur rendre visite tous les week end, les aider au ménage, etc.… Faire comme si rien ne s’était passé, même si dorénavant ils me traitaient comme une étrangère. Dans les deux semaines qui ont suivi, ma chambre chez eux est devenue un débarras, ensuite annexé par ma sœur qui me dira vite : « De toutes façons tu n’es plus de la famille, tu ne vis plus ici ». Je suis sommée de les appeler 3 ou 4 fois par semaine et leur faire un rapport circonstancié de mes activités, et si jamais j’ai passé un bon moment, déjeuné au restaurant universitaire avec une amie, passé une soirée avec Lord T ou n’importe qui d’autre, ils me font comprendre que j'abuse de leur patience, sachant que je loge gratuitement et que si j’avais le sens des réalités (mais ils ont pitié de moi) je devrais payer un loyer ; donc j’avais pour interdiction de me relâcher et j’étais enjointe à fournir un maximum d’efforts (comme si ce n’était pas déjà le cas !). D’ailleurs quand je suis chez eux le week end, je fais leur ménage...

Tant d’hostilité que je ne comprends pas, mêlée à d’autres éléments (je ne réussis pas mon année de fac d’Anglais aussi brillamment que je l’espérais, et abandonne avant d’être confrontée à un échec que je sens imminent mais qui en réalité ne l’était pas, je romps avec Lord T, puis subis une lourde peine de cœur qui me plonge dans la solitude…) me mènent petit à petit vers la dépression. J’ai arrêté les cours avant même d’être certaine d’avoir raté certaines UV, je m’isole, ne sors que pour aller chez mes parents le week end, alterne les périodes où je ne me nourris pas et celles où je dévore, prends 10kg en 6 mois, dépense des fortunes en babioles et choses inutiles ainsi qu’en cadeaux pour des amis sans qu’il n’y ait rien à célébrer, passe mes journées à pleurer dans mon lit… Bref c’est la débâcle.

Rien de brillant, l’éloignement de mes parents n’est pas la réussite totale à laquelle je m’attendais. Et pour cause : je ne connais rien d’autre ! Ne plus dépendre de leurs mesquineries jette un vrai trouble. Je suis perdue sans leurs critiques incessantes, je réalise que je m’étais construite dans l’adversité et qu’aujourd’hui je vis dans l’indifférence la plus totale. Je me déteste à leur place, je perds tous mes repères et réalise leur fantasme de ratage complet en ruinant mes efforts avant de les commencer vraiment. Mes parents me manquent, même si je ressens clairement le besoin de m’en détacher. Je ne suis simplement pas prête.

Quand quelques mois plus tard je finis par dire à mes parents par quelle genre de phase je passe, et à quel point j’ai été proche de l’autodestruction, la seule chose que mon père trouve à répliquer c’est : « Je le savais, demande à ta mère je lui ai dit, j’étais sûr que tu vivais ça ». La discussion n’a pas été plus loin. Quelques jours plus tard ils m’ordonnent de trouver quelque chose à faire l’année suivante, de préférence un travail parce qu’ils ne doutent pas un seul instant que je vais arrêter mes études. Je me débrouille donc comme je peux pour étudier en alternance et concilier les deux. Il n’est pas question que je n’aie pas de diplôme. Ils sont certains que je vais échouer ; pour rien au monde ils ne m’encouragent (de ce côté-là rien de très nouveau), ils m’empêchent parfois de travailler le week end quand je suis obligée de leur rendre visite. Je commence donc à faire des heures la nuit à l’école, au travail ou chez mes camarades de classe, et ne dormir que 4 heures par jour. Je connais en plus des mois difficiles avec mon premier employeur, qui me hurle dessus et me traite d’incapable, m’exploite de temps à autres, l’air de rien, et ne veut rien m’apprendre. Pour mon père, c’est l'évidence même : non seulement je ne suis pas faite pour les études, mais en plus je le mérite. Je tombe encore plus en dépression, pleure au travail et refuse de m’alimenter, tombe malade toutes les semaines. Les choses s’arrangent un peu quand mon école me prend en pitié et trouve un nouvel employeur…

La suite, vous la connaissez, je décroche finalement mon diplôme et pars rejoindre Lord T à Nantes… Mes parents ont toujours jugé que Lord T n’était qu’un gosse de riche pourri gâté, comme on dit chez eux, s’il est avec moi c’est par pitié, pas par Amour puisque je ne mérite rien qui y ressemble. Ils n’ont de ma vie qu’une idée très négative, et amener Lord T de temps à autres pour un déjeuner n’aide en rien parce qu’ils ne cherchent pas vraiment à parler avec lui, à apprendre à le connaître. Pour eux, mon désir de partir n’est qu’une futilité d’adolescente retardée, une rébellion tardive contre mes parents, et qu’avec un peu de jugeote je rentre vite fait, je m’excuse platement et je suis leurs consignes mot pour mot. Ce serait sans doute vrai avec n’importe quels autres parents. Avec eux, je souffre à l’idée de leur parler ; chaque semaine, je dois leur téléphoner, je n’ai rien à leur dire, et eux que des reproches à formuler. Dans le cas présent ils sont incapables d’imaginer que j’essaye de faire des choix de vie. Et ce, même si je reconnais qu’ils ne sont pas toujours judicieux, mais en même temps comment saurais-je que je suis dans l’erreur si je ne faisais pas ce genre de choix dangereux ? Je suis bien obligée de me tromper parfois, je préfèrerais éviter mais je dois comprendre que je ne pourrai pas toujours.

Et si je les laissais faire de moi ce qu’ils veulent, je serais chez eux, à briquer les escaliers comme il y a 10 ans, à endurer les humeurs changeantes de mon père, à me rendre folle de douleur à l’idée que ma famille me méprise… Je serais forcée de passer outre mes souhaits, mes désirs, mes rêves, simplement parce que je leur serais redevable du toit sous lequel je vis. C’est une concession que j’ai faite trop longtemps. J’en paye encore le prix aujourd’hui, je souffre toujours (et je ne pense pas que cela cesse jamais) de ne pas avoir des parents aimants, mais des ennemis près de moi, prêts à me dire les pires horreurs et m’en rendre systématiquement responsable. Je ne veux plus mener cette vie-là.

Voilà pourquoi, même dans la pire panade, je ne retournerai pas auprès d’eux, encore moins dans la situation de faiblesse de quémander de l’aide. Parce que cela signifie pour moi encore plus de souffrance. Que me détacher complètement d’eux m’a demandé un grand travail sur moi-même, pendant des années, seule et avec de l’aide. Cela m’a pris des années avant d’admettre que je n’avais plus rien à attendre d‘eux, qu’ils me feraient toujours du mal, exprès ou pas. En repartant de chez nous à Pâques, mes parents ont juste trouvé à se dire : « Elle devrait revenir à la maison » « C’est mieux comme ça, c’est une incapable, au moins on ne l’aura pas sur les bras jusqu’à 36 ans… ». Je ne suis pas sûre que ce soient les pensées qu'ont des parents dignes de ce nom quant à leur enfant. Je me fais peut-être une image naïve des parents, je ne sais pas, mais pour moi ce n’est pas normal. Et à vrai dire, inacceptable. Je ne peux pas, en étant en période de faiblesse et de désespoir, les laisser me traiter de la sorte. J’ai au moins gagné cela au cours des dernières années : un peu d’estime pour moi-même et un profond besoin de respect et de dignité.

Je ne suis pas sûre, au juste, de pourquoi je vous explique tout ça. Il y a sans doute 2 ou 3 pages que cela a cessé de vous intéresser. J’en ai ressenti le besoin en parlant avec Lord T, en rentrant de ce week end où j’ai été tellement furieuse contre vous. Nous parlions de votre accord avec ma mère de lui dire si quoi que ce soit d’important se produisait, et je l’ai ressenti comme une réelle trahison alors que vous m’aviez amenée à m’ouvrir à vous et vous faire confiance. Quand Lord T a dit « Mais on n’arrive même pas à imaginer que ce soit vrai, moi je le sais parce que je l’ai vu mais j’ai mis du temps », j’ai été frappée : je passe pour une mythomane. Dans mon esprit, ne pas me croire était impossible. Alors, je crois que d’essayer de tout vous raconter, avec même les détails qui ne plaisent à personne quand ils sont évoqués, ça me tranquillisait. Je m’imagine que vous comprendrez mieux. Je n’en suis pas sûre, je ne suis même pas certaine que ça ait une quelconque utilité.

Je crois que dans un coin de ma tête, je pense que dans quelques temps, quand les orages seront passés, que j’aurai une situation et Lord T son diplôme, nous essayerons de voir si nous pouvons nous remettre ensemble. D’ailleurs c’est un peu comme ça que nous pensons la séparation actuellement. Nous voulons prendre du temps pour régler les points sur lesquels nous sommes encore fragiles. C’était une sale année pour moi, j’imagine à peine pour Lord T qui n’a jamais eu tant de choses à affronter, tandis que j’ai plus ou moins l’habitude d’avoir des problèmes (même si là c’était un record, d’une certaine façon !). Je ne pense pas que je pourrais aimer qui que ce soit aussi fort que je n’aime Lord T, avec qui je veux vraiment faire ma vie. Ça me paraît ridicule parfois de penser de la sorte, mais pourtant c’est bien ce que je veux. Seulement, et Lord T a tout à fait raison là-dessus, ce n‘est absolument pas le moment. Nous ne sommes pas prêts, avec les épreuves actuelles, à envisager l’avenir posément. C’est dur à avaler mais d’accord, on va se séparer temporairement, stabiliser nos situations respectives et en reparler d’ici 2 ans. Alors dans cette perspective, je n’imagine pas rester en colère contre vous tout ce temps, en plus d’être particulièrement négatif et stérile, ça n’aidera personne en quoi que ce soit.

Cette lettre, c’est parce que depuis des mois vous me poussez à m’ouvrir à vous, et que par écrit, c’est encore ce que j’ai trouvé de plus facile, même si je reconnais que sur Word ça paraît impersonnel (mais je sais que ça aurait été plein de ratures, de larmes, complètement froissé… enfin bref, pas digne d’être envoyé).

Je me suis sentie bousculée pour entrer dans votre monde et vous faire partager le mien, j’espérais pouvoir y aller à mon rythme, je ne savais pas que le temps m’était compté. J’aurais essayé de trouver la force de tout raconter plus tôt, je crois, si j’avais su que je n’avais pas la possibilité d’y aller à mon allure. Je pensais sincèrement avoir toute la vie pour vous apprendre quel genre de personne j’étais, quel genre de famille j’avais, quel genre de vie j’ai menée avant ma rencontre avec Lord T et après. Je me voyais très mal vous raconter toutes ces choses au premier abord. Et pas beaucoup plus au second ni aux suivants…

D’abord parce que cela reste quelque chose de très vivace et intime pour moi, étant donné que je ressens toujours une sorte de culpabilité… Et puis, je déteste l’idée de faire pitié, ce n’est pas ce que je voudrais inspirer aux gens que je croise dans ma vie ! En plus j’ai l’impression, chaque fois que je le raconte et le partage, que c’est tellement horrible que ça appartient à la vie d’une autre, et m’en détacher me fait peur, je crains d’oublier la souffrance de mes 20 premières années (en gros) et de répéter certains schémas si j’oublie la gravité des choses ; mais bien sûr ce n’est pas la vie que je veux, donc je veux garder la douleur la plus intacte possible, la garder vivante et en tirer mes leçons chaque jour.

Et enfin, parce qu’évidemment, j’avais envie que vous me considériez bien, pas comme une fille tirée du caniveau et une source d’ennuis, ce dont j’ai finalement eu l’air, quelle ironie… Je voulais que vous m’aimiez, tout simplement, et un peu naïvement je pensais qu’on peut aimer une personne pour ce qu’elle est au moment où on la voit, plutôt que pour ce qu’elle a pu faire ou être auparavant. C’était un peu stupide de ma part, mais je voulais ne pas être mes problèmes, et encore moins être mon passé. Je pensais que d’être juste gentille, polie, et de montrer à quel point je peux aimer Lord T, ça aurait pu suffire. Je l’espérais parce que rien de ce que je pouvais vous dire sur moi n’aurait joué en ma faveur, et dans mon optique, les choses auraient dû durer avec Lord T ; je n’aurais pas voulu que mes « beaux-parents » aient une image si négative de moi. Et à vrai dire, que quiconque ait une image négative de moi est une idée qui me traumatise. J’ai besoin de penser que je ne suis pas une mauvaise personne, et que les gens qui me connaissent le pensent aussi.

Je vous ai mis quelque chose comme 85% de la lettre. A sa lecture, ce qui m'a frappée, c'est à quel point j'étais, il y a quelques mois, fermée à l'idée d'avoir un jour, à nouveau, des parents, et donc à reprendre contact avec ceux qui sont, soi-disant, les miens. Il semblerait que le coup de fil d'aujourd'hui ai jeté le flou sur ce point.

Ma soeur, grand bien lui fasse, m'a appelée dans la soirée, étonnée que je veuille reprendre contact, et que je l'aie promis à ma mère. C'est du moins ce qu'elle a appris en même temps que mon père. Comme il n'en est rien, je comprends que là-bas, peu de choses ont changé.

Maintenant, c'est une question de priorités. Et d'orgueil sans doute aussi. Ma famille m'a toujours fait comprendre (ou dit frontalement, telle ma grand'mère maternelle) que l'orgueil, on en avait toujours trop, que c'est une chose qui n'aide pas. Pourtant j'ai du me forcer toutes ces années pour trouver en moi un tantinet d'orgueil, me permettant, pour le moins dans certains domaines, d'avoir quelque chose qui ressemble à de la dignité et une certaine confiance dans mes qualités. Piétiner tout cela au nom du désir d'avoir un toit au-dessus de ma tête me semble un immense pas en arrière. Qui plus est, ce serait effectivement revenir en perdante et perdre définitivement toute crédibilité dans ma famille.

Quelle horreur, je m'aperçois combien mes calculs ressemblent à ceux de personnages de séries politiques (là tout de suite je pense à A la Maison Blanche et Babylon 5). Voilà à quoi ressemblait ma vie et un seul coup de fil me fait replonger dans ces tractations.

Si seulement j'arrivais à mettre cela de côté et si je réussissais à résoudre les choses par moi-même, sans une quelconque aide... Ca serait idéal, mais apparemment utopique...

8 octobre 2004

Courber l'échine

Dans quelles conditions peut-on se permettre de courber l'échine et de s'incliner devant quelqu'un sans mettre en péril son honneur et sa dignité ? Faire son mea culpa, c'est forcément abdiquer un peu de pouvoir ? Où se situe la différence entre perdre une bataille et perdre une guerre ?

J'ai du mal à discerner ce que je suis sensée faire. Ma situation est tellement pathétique que ça en devient grotesque. Accumulerai-je tous les clichés d'un Dickens toute ma vie ?! Ce serait bien qu'à un moment, comme tant de gens me le promettent depuis des années, cette douleur prenne un sens et se transforme en récompense. Mais apparemment, je dois gagner jusqu'à ce qui me semble dû : la Paix.

La période n'est pas facile. Je perds goût à tout. Je suis en larme, je dors, et j'écoute de la musique : c'est à peu près tout ce que je suis capable de faire. Si je ne me connaissais pas je dirais que je suis en dépression. Attendez ? Ah non c'en est une. Je n'aurai pas l'audace d'affirmer que ce seul appel m'a valu cet état. C'était de loin antérieur à cela, mais j'ai clairement replongé depuis (être malade n'aide pas, naturellement). Subir les changements d'humeur et d'envies de Lord T (rarement en adéquation avec les miennes) ne me facilite pas la tâche.

Je merends compte à quel point l'orgueil me domine à présent, chose que je n'avais pas remarquée plus tôt. Ne pas perdre la face est de la plus haute importance. En même temps, j'ai vaguement conscience que montrer une partie trop exposée et faible de moi à mes parents serait comme de dévoiler une plaie sanglante à une bête affamée : c'est s'assurer qu'ils se jetteront sur vous sans rien laisser.

Je ne veux pas revenir et dire : je me suis plantée. Parce que tout le monde a de sales phases, tout le monde passe par le chômage, tout le monde a des peines de coeur, et si tout cela est tombé en même temps pour moi, ce n'est tout de même pas de mon ressort. Certes, j'ai fait des choix contestables (il n'y a que ceux qui ne décident de rien qui ne font jamais de mauvais choix) mais je ne peux pas être tenue responsable de ma malchance, si ? J'ai fait des erreurs mais elles ne sont pas à elles seules coupables de mon échec. Donc, en fait, on ne peut pas parler d'échec, pas vraiment.

Alors pas question de demander pardon ou quoi que ce soit de ce genre. J'avais raison de tenter de m'en sortir, raison de faire ce qui me semblait, et me semble encore d'une façon générale, juste et bon.

Mais alors pourquoi ai-je l'impression qu'il faudra pour rentrer en grâce et obtenir l'aide tant nécessaire, faire une mea culpa que je considère comme hors de propos ?

En fait la question est la suivante : jusqu'où peut-on aller pour s'assurer la survie ? De quelles bassesses est-on capable pour garder un avenir, fut-il indigne et méprisable ?

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