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ladytherapy
23 juin 2008

Promesse, mes couilles

Messieurs,

Nous savons que vous avez une queue.
De temps à autres, montrez-nous aussi que vous avez des couilles.

Tenez vos promesses.

Ce n'est pas toujours facile, ce n'est pas toujours marrant, mais vous recevrez, au terme de vos efforts, quelque chose d'inédit : le respect.

Appel à tous les mâles qui fréquentent ce blog : lorsque vous faites une promesse qui commence par "quoi qu'il arrive" (exemple : quoi qu'il arrive entre nous, ce projet n'en pâtira pas"), ça veut dire que, même si vous êtes en colère, même si vous êtes blessé, même si vous avez envie de laisser tomber, vous avez promis que vous iriez jusqu'au bout. C'est comme ça.
L'autre possibilité, ce serait de ne jamais rien promettre. Mais force est de constater que vous faites quand même des promesses. Et c'est fou, nous, en face, on prend ça pour des promesses et on s'attend à ce que vous les teniez !
Il y aurait peut-être autant à dire de notre naïveté que de votre lâcheté, c'est vrai.

Appel à tous les hommes qui fréquentent ce blog (et commencent peut-être à le regretter) : ne faites pas de promesses, mais tenez-les.

Un jour, un jour peut-être, je rencontrerai un homme avec des couilles. Mais ni au privé, ni au professionnel, je n'ai eu cette chance jusqu'à présent.

Vous dites ? Si, vous, dans le fond ! "Oh moi, je suis différent, je ne suis pas comme ça !".
Oh si. Oh si vous l'êtes. Ne vous pensez pas différent. Les hommes sont tous lâches, ils attendent juste, pour le prouver, d'avoir fait des promesses puis baisé. Mais vous ne m'avez encore rien promis, et nous n'avons pas baisé, mais si ça devait se produire, vous me démontreriez que vous non plus, comme les autres, vous n'avez pas de couilles.

Un jour, un jour peut-être, je rencontrerai un homme avec des couilles. En attendant ce ne sont que des queues sur pattes, et je les méprise.
Ce qui est ennuyeux c'est que je n'aimais pas beaucoup plus les filles avant.

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30 septembre 2009

It's a work story, lady, just say yes

Lundi matin. Après un weekend d'abandon total à l'une de mes deux passions. De dépaysement complet. Mon patron m'appelle dans son bureau. Je sens qu'on va parler de la semaine dernière.

Que s'est-il passé la semaine dernière. Un peu tout et rien. Ce n'est pas encore bien digéré. Je manque de recul. J'ai encore mal.
C'est compliqué.

Il faudrait commencer par expliquer que j'ai plusieurs patrons. Il y a Mr Parano, qui m'a engagée en avril dernier après 10 jours, pas un de plus, passés dans un autre service. Apparemment ça lui avait suffi pour juger de mon travail et décider qu'il me voulait à son service. Quand en juin, suite au remaniement gouvernemental, rien ne l'y obligeait, il m'a demandé de le suivre et s'installer avec le cabinet à Matignon. Je l'ai fait. C'était compliqué, ça a créé des jalousies (pourquoi la petite qui vient d'arriver ?). Tout ça pour qu'au bout de quelques jours, pour apaiser les tensions, il réalise le souhait de ma collègue, et me mette au service de son nouvel adjoint, Blue. "Mais lady travaillera toujours pour moi", rappelait-il fermement à ma collègue qui se croyait débarrassée de la concurrence. Et puis début septembre, à mon retour de congés, on m'a apparis que j'avais une troisième patronne, Schtroumpf Grognon, qui a perdu toute sa joie de vivre depuis qu'elle fait l'objet d'une mise au placard particulièrement brutale. "Mais lady travaillera toujours pour moi", rappelait-il à mes deux autres patrons, histoire de se garder une prérogative sur certaines de mes compétences qu'il ne compte solliciter que très ponctuellement. Je n'avais pas compris que cette phrase que j'assimilais à des louanges était simplement une façon de me posséder ; il aurait aussi bien fait de me pisser sur le mollet pour marquer sa domination.

Pourtant Blue représente 99% de ma charge de travail réelle, au quotidien. Schtroumpf Grognon ne me demande rien, si ce n'est de passer à peu près un appel par semaine ; ma mission auprès d'elle consiste essentiellement à l'écouter se plaindre entre 30mn et 1h chaque jour avec un air désolé (et je suis vraiment désolée de la façon dont on la traite, mais passées les 10 premières minutes ma compassion s'effrite et il n'en reste plus qu'un mur de lassitude... je ne plains pas les gens qui le font déjà pour deux).
Une fois de temps en temps, Mr Parano glisse une tête dans mon bureau (puisque j'ai hérité de mon bureau à moi toute seule), principalement pour me demander ce que je fais, et pour lire ce qui traine sur mon bureau (le dossier sur lequel je bosse, le dernier mail que j'ai imprimé, mon tableau des numéros téléphoniques utiles... peu importe, il veut juste savoir). Puis il repart comme il était venu. Il y a les variantes : il fait semblant d'être drôle, et ouvre ma porte brusquement comme s'il espérait me surprendre en prosition compromettante ; il m'écoute passer mes coups de fil jusqu'à la fin même quand ce n'est pas captivant, comme si je revendais les codes nucléaires à prix d'or à l'Iran ; il fronce les sourcils exagérément en disant "qu'est-ce que c'eeeest ? lady, qu'est-ce que c'eeeest ?" et attend qu'on rie poliment (mais qu'on réponde). C'est toujours mon patron, alors je ris poliment. Plus rarement encore, il a une urgence, ma collègue n'a pas envie de s'en occupe (ou pas la compétence si c'est en anglais), et j'ai 5 minutes pour lui donner entière satisfaction, après quoi il se retourne de l'autre côté du bureau et s'endort... euh, non, il disparait et remarque à peine ma présence jusqu'à la prochaine urgence. Ou la prochaine crise de suspicion.

Cet été, il y a eu un grave mic-mac, et depuis Mr Parano pousse Schtroumpf Grognon à la démission (et d'après ce qu'elle me dit, il va obtenir ce qu'il veut dans quelques semaines). Blue voulait la retenir et m'avait demandé de la soigner un peu, mais vu l'ampleur du harcèlement, suivi de complaintes mélodramatiques proportionnellement volumineuses, il a abandonné. Il ne peut plus rien. Il n'est que l'adjoint de Mr Parano.

Pourtant, pour la première fois depuis longtemps, j'avais l'impression que j'avais atteint un certain seul de stabilité et d'équilibre. Rien de grave ne semble plus vraiment se produire depuis avril. J'ai un peu baissé ma garde. C'était la lune de miel.
Je me rends bien compte que j'ai une relation particulière au travail. Après 5 années de chômage, j'aime mon travail plus que de raison, c'est évident. Je sais que je fais bien plus que beaucoup de mes collègues, et je sais que je pèche par naïveté (plus ou moins volontaire d'ailleurs). Je sais que contrairement à ce que je veux bien croire, ça déséquilibre ma vie. Mais je me sens infiniment bien comme ça, parce que, depuis mon tout premier job en 2000, je suis comme ça dans la plupart de mes emplois, je donne tout et ça me fait plaisir. Je m'abandonne. C'est fusionnel. Rien, jamais, n'a été plus important que faire mon travail. De le faire bien. De le faire dans les temps. Voire avant.
Ce n'est pas l'envie d'être promue qui me motive, ce n'est pas le salaire, et pour tout dire ce n'est pas non plus la profession que je n'ai jamais vraiment choisie. Je veux juste donner le maximum. Je veux juste me donner. Ce pourrait presque être sexuel.
Une urgence, une mission compliquée, un dossier à soigner aux petits oignons, 12 réunions à monter en un temps record, des personnalités du gouvernement à booker en même temps pour un rendez-vous dans quelques jours... plus j'ai de travail, plus il va me demander d'effort, et plus ça m'excite. Je pourrais presqu'en jouir.

J'aime travailler. C'est physique. J'en ai besoin. Et à hautes doses.

Alors évidemment, comme j'aime travailler, j'aime mes patrons. Mais alors là, pour le coup, ça n'a jamais rien eu de sexuel. Ce serait plutôt le genre de reconnaissance animale qu'aurait un chien adorant n'importe qui lui lançant une balle. Ce qui implique que si on me donne du travail, on devient instantannément mon patron préféré de toute la Terre et de tout l'univers. Mais qu'un patron ait la moindre velléité d'indépendance, ou qu'il délègue ne serait-ce qu'une tâche à quelqu'un d'autre, et je me sens aussitôt blessée. Quoi, je ne suis pas assez bien pour ce travail ? Pourtant je peux le faire, regarde, allez, lance-moi la balle, donne-moi des trucs à faire en moins de temps que je n'en ai, regarde, je peux travailler ! Occupe-moi.
Je me rappelle de Monsieur Patron, me surprenant un jour absolument accablée par le manque de travail, et qui m'avait dit avec commisération qu'il allait voir s'il ne pouvait pas me trouver un petit quelque chose à faire. J'ai l'angoisse des jours creux.
Jouons encore, s'il-vous-plait. Lancez-moi la balle.

Evidemment, l'histoire d'amour avec le travail, l'effort, la fatigue, connait des hauts et des bas, comme toute chose. Mais étrangement, la plupart des mauvais souvenirs que j'ai d'un emploi donné, viennent non pas du travail mais de ce qu'il y a tout autour. Car ce qui me rend moins sûre de moi, c'est que le travail ne se contente j'amais d'être une to-do list. Et pour cet angle-là, il faut le dire, je suis nulle. J'ai beau être d'une bonne humeur constante, gentille, joviale et serviable, il reste quand même évident que j'ai souvent du mal avec mes collègues, principalement parce que je ne sais pas gérer les non-dits, les jalousies, les intrigues, bref cette nébuleuse d'interactions qui n'ont rien à voir avec le travail, mais constituent à mon grand désespoir une large partie de la vie de bureau. Il faut dire que j'ai beaucoup de mal à admettre que tout le monde n'envisage pas le travail comme je le fais ; entrent en jeu des intérêts personnels, des jalousies, des copinages, tout ce qui dépasse mon entendement. Je suis une extrêmiste du travail, je ne comprends pas de tels blasphèmes.

Oui, ma relation à mon travail est comme mes autres passions dans la vie : extrêmen, entière, absolue. Avec les inconvénients que ça ne manque pas d'entraîner, j'en suis consciente.

Alors la semaine dernière, que s'est-il passé ? Je devais organiser un déplacement pour Blue, Mr Parano, et dollie (une jolie conseillère). Je demande à Mr Parano si je peux mettre Blue et Dollie dans le même train, et il me répond sèchement "non", avec ce regard qui dit que ce qui se joue me dépasse largement, mais que ça ne souffre aucune discussion. Dont acte. Plus tard, Blue me demande où en sont les réservations de train, surtout que c'est simple, ça se fera dans le même train. "Euh... non, pas le même, Dollie et toi ne serez pas ensemble"/"Pourquoi ?"/"Mr Parano a dit non"/"Pourquoi...?"/"C'est Mr Parano, il n'a pas à argumenter".
Plus tard, alors que je viens le voir pour mon dossier de titularisation, Mr Parano me dit "Moi je veux bien ce que vous voulez pour votre titularisation, c'est pas un soucis, mais quelque chose que je veux vous dire, et je le dis une fois, pas deux, c'est que quand je vous dis quelque chose, vous n'allez pas le répéter à Blue. C'est mon adjoint, je suis son supérieur. Quand je veux je peux le virer. Demain il fait ses valises si je veux. Vous comprenez ? Et vous, vous travaillez pour moi. C'est plutôt vous qui devriez venir me rapporter ce qu'il fait". La dureté du ton comme du propos m'ont lacéré le coeur. Être mise dans une telle situation est inconcevable pour moi. D'abord, et c'est le plus important mais qui semble être totalement perdu de vu par Mr Parano (pourquoi croyez-vous que je lui ai choisi pareil pseudo ?), il n'y a rien à raconter, je n'ai que des instructions de travail et les implications sur les intrigues interpersonnelles et/ou politiques ne me sont pas dévoilées, et ça tombe bien, parce que rien ne m'intéresse moins au monde. Ensuite, être menacée indirectement (je parle de la titularisation et j'enchaîne sur un "une fois, pas deux") ne me met pas du tout dans de bonnes dispositions. Et enfin, ou plutôt et surtout, je ne devrais pas avoir à choisir entre mon supérieur hiérarchique, qui me garde sous le coude mais n'a que faire de moi au quotidien, et le patron qui me donne 99% de ma charge de travail, évolue au quotidien avec moi, collabore réellement, communique. Le soir de ce petit micro-évènement (c'est dire), j'étais si abattue que je me suis quelque peu enivrée. J'étais comme sous le coup d'une peine de coeur, d'un déchirement.

Blue a vue dans quel état ça m'a mise. Il en menait à peine plus large, d'ailleurs. Il m'a envoyé un texto le soir même, pour me reconforter, me disant que je faisais de l'excellent travail et que tout cela n'était pas ma faute, que je n'aurais pas dû me trouver dans une telle position. Mais le moral n'est pas revenu pour si peu. Car pour pouvoir me donner à mon travail, j'ai découvert qu'il faut un pré-requis : la confiance. Si je me méfie, je ne peux pas bien travailler. Et là je me disais que j'allais devoir espionner les uns et les autres, me méfier de ce que je dis et fait, bref dépenser une énergie que je ne suis pas habituée à dépenser dans de telles bêtises, quand faire mon travail devrait suffire. C'est ma conviction profonde : faire mon travail avec la motivation que je montre et l'implication que je fais, ça devrait suffire. On ne devrait jamais rien demander qui excède ce cadre.

Le lendemain, Blue est venu dans mon bureau ; il a refermé la porte, et il s'est passé quelque chose de très fort. Il était aussi déçu que moi que les choses se passent ainsi, déçu que Mr Parano ait ouvertement menacé mon avenir pour faire pression sur moi, déçu de comprendre que le fait de bien travailler, pour tous les deux, n'était pas une garantie d'être laissé en paix, bien au contraire. Nous voir tous les deux dans ce tout petit bureau, en train de s'ouvrir l'un à l'autre, de raconter notre déception et notre abattement, se réconforter comme deux animaux blessés, ça m'a touchée. C'était un peu "Blue et lady contre le monde entier" et je n'avais pas vu arriver une telle conséquence. Blue m'a dit "pendant quelques temps, on va faire profil bas toi et moi, on se fait oublier, et on verra bien". Cette simple hypothèse m'a fait rêver. Bien que, comme souvent, je l'aie trouvé naïf et exagérément positif sur les causes de ce petit imbroglio (qui a répété à Mr Parano que j'avais dit à Blue l'histoire des trains séparés ?), je me suis dit que j'avais trouvé là, sans le faire exprès, une relation professionnelle inédite, et même prometteuse. Je me suis surprise à fantasmer, tout le weekend, sur une collaboration qui s'étendrait au-delà du prochain remaniement. Peut-être qu'il pourrait m'emmener ? Le genre de choses dont je sais qu'il n'est pas bon d'y songer à l'avance ; si ça se fait c'est bien, sinon il faut éviter de rêver.

Après un dimanche passé à vider mon coeur de sa peine (si preuve devait être faite que j'investis exagérément mon travail), je suis remontée en selle lundi matin avec... à peu près de l'enthousiasme, disons. Mais Blue m'a rappelée dans son bureau, portes fermées. Alors que je me disais de mon côté que reparler de la semaine passée ne ferait rien de bon, et serait la preuve d'une sensibilité exacerbée de ma part au lieu d'aider à aller de l'avant, c'est lui qui a remis le sujet sur le tapis. Il y avait vraisemblablement beaucoup réfléchi. Et même si j'ai fait mon possible pour n'en rien montrer, j'ai été stupéfaite de ce qu'il m'a alors dit, le regard bleu le plus ferme, sincère, décidé et sérieux que je lui aie jamais vu :
"Ce qui s'est passé n'est pas correct, et ça en dit long sur l'ambiance ici. Pendant quelques jours, peut-être quelques semaines, on va se mettre en retrait toi et moi. Et puis on verra. Sache juste qu'il ne peut rien me faire, je suis le représentant de Y [quelqu'un d'influent bien au-delà des limites de notre cabinet ministériel] et il ne peut pas me faire sauter. Moi je suis protégé, et toi aussi. S'il touche un seul de tes cheveux... il n'a pas intérêt. Ne t'en fais pas ; pour toi l'horizon c'est la titularisation. C'est quand, ta titularisation ? Mi-novembre ? Bon, on attend mi-novembre. Tu sais pour moi ce ne sont pas les propositions qui manquent, et je reste au moins jusqu'au prochain remaniement. Si je dois partir plus tôt... on va attendre novembre. Une fois que tu seras titularisée... mais pour le moment, le plus important, c'est la titularisation".

A moins d'être l'acteur le plus brillant de sa génération, Blue venait, avec son regard d'acier bleu, de me faire une déclaration professionnelle, presque un pacte. A la suite de quoi il m'a dit que j'avais accès à tout : sa boîte mail, son agenda, ses documents, ses contacts, ses listings professionnels, tout quoi. Qu'il me faisait confiance même si on me posait des questions. J'ai compris qu'il me demandait de prendre partie, et je crois qu'en moi-même j'en avais décidé dés que Mr Parano m'avait menacée, mais avec un énoncé pareil, la décision était encore plus évidente. Il me faisait une proposition bien plus raisonnable que toutes celles que Mr Parano était en état de faire : loyauté contre loyauté.
Je me suis dit qu'on avait dépassé depuis longtemps les frontières du pays des relations professionnelles de base. Le territoire qui s'étend au-delà, dont nous avions commencé l'exploration depuis quelques temps déjà (et qui comprend les villes "je garde ton chat si ça t'arrange","on s'envoie des textos parfois le weekend" et "quand je suis en déplacement au loin, je t'appelle pour te dire que tout va bien") est complètement inconnu en ce qui me concerne, mais soudain l'aventure professionnelle se complète d'une aventure humaine. Je me dis que, peut-être, j'ai trouvé un patron avec qui je ne suis pas obligée de me dire que dans quelques mois, il faudra le quitter. Peut-être qu'un parcours insoupçonné est en train de se dessiner ici. Peut-être que, comme d'autres assistantes dans certaines légendes urbaines, j'ai trouvé un patron à suivre dans la course des années.

Mais pour le moment, du calme, ne nous emballons pas. Voyons déjà ce que donne cette titularisation, cette étape qui est le pivot annoncé de ma vie depuis bientôt 1 an et demi, depuis que j'ai passé mon concours. Ensuite, peut-être que je vais m'embarquer dans l'histoire professionnelle la plus surprenante que j'aurais pu imaginer, ou peut-être pas, il va encore se passer de longues semaines d'ici là.
Mais quoi qu'il arrive, la satisfaction d'avoir, un jour, entendu de pareilles choses, me conforte plutôt dans mon workaholisme et mes valeurs qu'autre chose. Quand on se laisse guider par le désir de faire droitement les choses, on en ressort avec une satisfaction dépasse le seul cadre du travail.

Blue, save me, they're trying to tell me how to feel
This work is difficult, but it's real
Don't be afraid, we'll make it out of this mess
It's a work story, lady, just say yes

29 novembre 2009

Nöel blanc

J'ai demandé la traditionnelle liste de Noël à mes parents. Ma mère m'a envoyé quelque chose de très bref, avec une échelle de prix assez basse. Bon, apparemment, ils ne veulent pas de beaux cadeaux. Ça les regarde, je suppose.
C'est dommage parce que quand j'ai de l'argent, je ne suis pas pingre. C'est d'autant plus dommage que même pour eux je suis prête à mettre de l'argent dans les cadeaux. J'aime faire de gros/nombreux cadeaux, je trouve que ça participe à la fête. Et pour moi, elle n'est jamais assez belle. Malgré tout, Noël reste ma fête préférée, et il faut qu'elle soit réussie, ça ne se discute pas.

Si j'organisais un jour Noël chez moi, ce serait une constante surenchère de cadeaux, de guirlandes lumineuses, et de mets fabuleux, et j'aurais envie que tout le monde passe la soirée à se dire "wow, bah dis donc, elle a fait les choses en grand, ça c'est un vrai Noël magique comme il faut". Pas un Noël où on compte ses efforts, où on se force un peu ici et un peu là, et où tout le monde vient parce qu'il le faut et non parce que ça va être superbe. J'en ai trop vu, des comme ça.

Alors d'un autre côté, ils savent aussi et justement très bien que depuis que j'en ai les moyens, chaque fois qu'on me donne une liste, j'offre en plus plein de trucs qui n'étaient pas dessus. L'an dernier, ma soeur avait dit "une paire de boucles d'oreilles fantaisie", et elle s'est retrouvée avec une dizaine (bah oui mais à moins de 10 euros la paire, je trouvais que c'était trop peu... et puis yavait vraiment plein de choses sympa pour une petite nana comme elle). Donc peut-être qu'ils s'attendent à ce que de toutes façons j'aille au-delà de la liste.

Mais enfin l'impression est têtue, et il me semble que Noël a pris un mauvais départ.

J'ai aussi constaté qu'à ce jour personne ne m'a demandé de liste, à moi. Ce qui me vexe à mort, mais d'un autre côté il faut bien avouer qu'après avoir passé 15 jours consécutifs au boulot et à l'Assemblée Nationale, à raison de 15 heures de travail par jour en moyenne, j'ai pas spécialement eu le temps d'en faire une. Le problème c'est que c'est l'intention qui compte et en l'occurrence, personne ne semble avoir l'intention de me demander ce que je veux. Notez bien la contradiction : je n'ai rien préparé. Mais ils ne peuvent pas le savoir avant de me l'avoir demandé, on est d'accord ?

C'est ça qui est merveilleux, finalement. C'est que, encore moins que l'année dernière, il n'y a pas grand'chose que je veuille pour Noël.
L'an dernier, il y avait une chose, et une seule. J'ai fini par l'obtenir en février. Noël raté de ce point de vue. C'était encore partie remise.
Cette année c'est pire : tout ce que je veux du fond du cœur ne s'obtient pas sous un sapin. Je veux que les choses se passent bien au boulot (et notamment que ces deux pétasses qui m'empoisonnent la vie professionnelle reçoivent un bon coup de pied au cul, histoire qu'elles bossent un peu ou que, au moins, elles ne m'empêchent pas de le faire), je veux recevoir mon arrêté de titularisation (je vais peut-être avoir le temps de m'en inquiéter cette semaine), je veux avoir tous les documents pour me lancer dans la rechercher d'appartement, je veux continuer à bien manger, je veux...

Comment ai-je réussi à éliminer de ma liste toutes les choses matérielles ?
J'aimerais dire que c'est grâce à une vie ascétique et une élévation morale, mais c'est uniquement parce que quand je veux quelque chose, je me l'offre moi-même. Ou je me promets de me l'offrir plus tard, et comme je sais que j'ai un salaire qui tombe tous les mois, ça ne me fait rien d'attendre. Ça viendra forcément. Ce qui est merveilleux c'est que moi au moins, je tiens les promesses que je me fais.

Et pourtant, je veux bien d'un cadeau de Noël, n'allez pas croire. C'est pas parce que je me suis déjà acheté le mien que je boude les traditions. Mais, après mûre réflexion, la liste serait en fait libellée ainsi : "Cette année, pour Noël, je voudrais que quelqu'un m'offre quelque chose qui me fasse plaisir sans me demander ce qui me ferait plaisir".
Parce que la seule chose que je ne peux pas m'offrir à moi-même, c'est une surprise.

Bon, avec tout ça, on dirait que mon contentieux avec Noël ne va pas encore se régler cette année.

Le problème, ce n'est pas qu'il existe des frustrations insolubles dans ma vie ; même si je râle, je sais bien qu'il y a eu un net mieux depuis quelques mois que j'ai intégré ce nouveau poste. Dans de nombreuses conversations, j'ai remarqué que mes phrases commençaient encore par "quand j'étais au chômage pendant 5 ans..." ; un indicateur assez clair que j'ai gardé en mémoire le sens des proportions. Cette blessure-là ne guérira jamais, et même quand je suis dans une colère noire comme mercredi soir, même quand je suis épuisée au-delà des mots comme vendredi après-midi, même quand je suis frustrée, déçue, inquiète, triste ou juste mélancolique, je sais que j'ai largement de la chance maintenant. Il y a toujours dans un coin de ma tête celle que j'étais il y a quelques temps, qui avait l'impression de manquer de tout.

Aujourd'hui je me gâte. Je trouve que je le mérite. Je mange bien, très bien même. Japonais deux à trois fois par semaine, par exemple. Avec la satisfaction de voir mon corps apprécier autant que mes papilles, en plus. J'ai besoin qu'on prenne soin de moi, je le fais beaucoup moi-même, je paie des gens pour le faire dans un restaurant ou un magasin où les gens seront obligés d'être tous sourires avec moi, je sais que j'ai un gros manque de 5 ans à combler, je l'ai gagné, j'y ai droit. Vendredi, pour la première fois depuis deux ou trois mois, j'ai été m'acheter des DVD, je ne me suis pas dit "ce n'est pas raisonnable", non, les seuls DVD que j'ai reposés en rayon, je les ai reposés parce que je n'avais qu'une envie modérée de les voir, pas parce que c'était trop cher. Je ne me refuse rien. J'ai pleinement conscience que je mène une vie solitaire, où les gens glissent sur moi mais n'accrochent jamais plus, et il n'y a que moi qui ai le pouvoir me faire tous ces plaisirs et ces faveurs. Alors je fonce. Parce qu'outre les 50 euros de Japonais par semaine, et les semaines de courses à 60 euros le caddie, et les sorties ici à Mogador, là à la FNUC, le plaisir ultime n'est pas de dépenser de l'argent mais de ne pas aller consulter mon compte bancaire trois jours plus tard, mais plutôt d'attendre la fin du mois, et alors voir qu'il restait un peu d'argent quand la paie suivante est tombée. Quand j'ai payé mes impôts en une seule fois, j'ai ressenti une fierté immense : non seulement c'étaient mes premiers impôts, ceux qui veulent dire que cette fois je suis sortie de tout ça, mais en plus, il restait encore plusieurs centaines d'euros pour finir le mois.

En fait c'est ça le truc. J'ai déjà la chose la plus importante au monde. Père Noël, j'ai déjà mon cadeau. C'est de n'avoir eu aucun jour de chômage depuis le 7 décembre 2007. Et c'est mieux qu'une lampe magique avec des souhaits à volonté.

31 mai 2010

Les menteurs

Quand j'étais petite, j'étais très curieuse sur les choses du sexe. Je harcelais ma mère de questions, et les réponses ne suffisaient jamais. Ses réponses manquaient de détails. Je ne visualisais pas assez bien. Ça restait trop obscur. J'aurais certainement aimé une sorte de compte-rendu seconde par seconde, mais les propos de ma mère restaient vagues, généraux, elliptiques. Arrivée à l'âge de 11 ans, je n'avais qu'une seule hâte, avoir mes règles, être une femme. Je n'avais pas la moindre idée de ce que ça pourrait bien m'apporter de plus mais ça m'obsédait, je voulais que ça se produise. Je me jetais sur les livres de biologie, et en toute sincérité ils ne m'aidaient pas plus, mais voilà, je voulais percer le mystère, déchiffrer le code, découvrir le secret.

J'avais la conviction que les adultes mentaient. Un mensonge par omission. Mais un mensonge tout de même.

Je ne cherchais pas à faire mes propres expériences. Je ne cherchais même pas non plus à m'en faire une représentation visuelle (j'ai mis un temps fou avant de voir mon premier porno et on ne peut pas dire que je sois coutumière de la chose même maintenant). Au contraire, j'ai toujours pris plus que mon temps de ce point de vue.
Ce que je voulais, c'était le savoir théorique des émotions qu'on ressentait à ce moment-là. Sans avoir à le vivre. La technique ? Ce n'était pas la question, la technique ; j'avais compris le concept général de base. Je ne voulais pas spécialement qu'on me touche non plus. Je voulais juste savoir...

Et ça se bornait exactement à ça.
C'était l'impression que les adultes faisaient semblant de rien. Ils usaient d'euphémismes, ils essayaient d'éviter de trop expliquer quoi que ce soit, et pendant qu'ils me laissaient dans l'ignorance, ils continuaient de s'envoyer en l'air. C'était ça qui était horripilant.

Régulièrement, je regardais mes parents, mes profs, ou les inconnus dans la rue ; ils vaquaient à leurs occupations, ils mangeaient une tartine, ou bien ils écrivaient au tableau, ou ils s'apprêtaient à monter dans le bus, et je me disais : ils font semblant de rien. Alors qu'ils savent, pourtant, ils savent ! Ils savent quelque chose qu'ils ne veulent pas que je sache. Et le soir, tous ces gens sont dans leur lit, moites et tout, et là ils sont calmes et ils font semblant de rien.
Et je me demandais : "mais pourquoi ? Pourquoi ils font comme si je ne savais pas qu'ils ont une vie sexuelle ?"...

Parfois ça m'arrive encore. Moins souvent, mais d'une certaine façon, c'est aussi plus violent. Je regarde des gens qui font partie de mon quotidien et je me demande quelles sont leurs préférences personnelles. Plus quelqu'un a l'air sage et posé, plus je me dis qu'il doit être pervers et faire des choses particulièrement "dégueulasses", avoir des fétiches étranges ou des pratiques surprenantes.

Je ne suis pas très sûre, au juste, de ce que tout ça dit de moi, ni éventuellement de mon rapport au sexe. Jusque là, je n'avais pas trop essayé de réfléchir à cette pensée relativement obsédante qui est la mienne depuis près de 20 ans.
Et puis, un jour, comme ça m'arrive très souvent depuis que je suis partie de chez mes parents, je sens quelque chose se rompre dans ma tête et je me dis : "tiens mais au fait pourquoi je n'ai encore jamais remis cette chose précise en question ?". Depuis bientôt dix ans, il y en a eu beaucoup, des moments où j'ai eu le courage de remettre en question des évidences. Mais je n'en ai toujours pas fait le tour.
Aujourd'hui je regarde les adultes, dont pourtant je fais partie, à peu près comme je les regardais il y a 20 ans (sauf que maintenant je maîtrise plus que le savoir théorique, quand même), en me disant qu'ils ont une vie secrète et qu'ils ne sont pas assez honnêtes là-dessus. J'ai beau comprendre le concept de vie privée, apparemment je ne le possède pas aussi bien qu'eux. J'attends une certaine transparence des gens sur ce sujet. J'ai l'impression d'une vaste hypocrisie. Pourtant ma curiosité a été satisfaite il y a un bon bout de temps maintenant. Je suppose que c'est un peu immature de ma part...

Mais je persiste à dévisager les gens en me demandant pourquoi ils parlent à leurs enfants comme si la veille, ils n'avaient pas taillé une pipe à leur mari ou pris leur petite amie par derrière... ou autre.

19 avril 2010

Tic tac tic tac

Le temps passé : ça fait 3 jours que l'enterrement a eu lieu. Ça fait 12 jours qu'elle est partie. Ça fait 14 jours que je ne lui ai pas parlé.
Mais surtout, j'ai l'impression que ma vie est centrée autour de la gestion du temps qu'il reste. Je m'en suis aperçue hier soir.

Hier j'ai pourtant passé une plutôt bonne journée, vu les circonstances. En fait, si on essaye de faire comme si vendredi ne s'était pas produit, ce que, soyons honnêtes, je me suis efforcée de faire ces deux derniers jours, c'était un plutôt bon weekend dans l'ensemble.

Samedi, je me suis levée tôt, je suis allée voir ma psy, j'ai fait mes courses, et j'ai cagoulé des videos de Jmusic une bonne partie de l'après-midi. Vient le début de soirée et sur le coup de 19h30, je me dis soudainement en levant le nez : tu peux pas laisser ce bureau comme ça. Pas si dans un avenir proche, il doit y avoir cet ordinateur dessus. C'est quand même son ordinateur, merde. Alors comme ça, juste comme ça, je commence une désinfection de tout le secteur du bureau, j'ai tout vidé, j'ai tout déplacé, j'ai tout nettoyé, j'ai tout décapé, j'ai tout briqué, j'ai tout trié, j'ai tout rerangé, et aux alentours de minuit, le dos rompu, enfin, j'avais fini. Même pas vraiment satisfaite de moi d'ailleurs. Mais bon, c'est un peu mieux comme ça. C'est pas Byzance mais je rangerai un autre coin de l'appart la prochaine fois, pour stocker des trucs qui actuellement sont sur le bureau, et ça fera de la place pour son ordinateur et ce sera mieux. Voilà, ça sera le programme du prochain weekend, tiens, faire la même chose dans l'armoire pour faire encore plus de place sur le bureau.
Finalement, tout va bien, je n'ai jamais passé que plus de 5h sur le nettoyage d'un bureau. Faut dire que j'ai passé des lingettes désinfectantes jusque sur les câbles de l'ordi, de la télé et du téléphone. Mais non je n'ai pas atteint un stade psychotique de mon deuil, mais non quelle idée.

Donc une fois que j'ai eu descendu les poubelles (descendre les poubelles à minuit et demi un samedi, rien de plus normal) avec tous les papiers que je garde pas (moi ! moi qui jette des trucs ! des papiers en plus !), j'ai même pas su m'arrêter, j'ai passé la serpillère par terre (et par serpillère je veux dire que je nettoie le sol à l'éponge comme dans un Dickens, Dieu merci je ne le fais plus à la brosse à dents depuis plusieurs années), j'ai changé les draps du lit, j'ai mis de l'encens à brûler, bon, ça sentait le propre, ça avait une gueule propre (du moment qu'on regardait pas dans l'évier parce que la vaisselle n'a pas eu l'honneur de tant d'attentions), mais rien à faire je n'étais pas satisfaite de moi. J'ai pris une douche avec un shampoing, et le temps que les cheveux sèchent, je me suis regardé deux épisodes de sitcom mais ça collait toujours pas. J'ai pas pris mes somnifères en me disant qui si mon dos éclaté ne me faisait pas m'évanouir, l'heure avancée (2h45 du mat, tout va bien) devrait quand même pouvoir s'en charger... J'ai dû fermer l'oeil vers 3h30, par là.

Le réveil était programmé pour 10h30 le dimanche ; à 10h15 je bondissais hors de mon lit, partais faire un complément de courses because rupture de stock de jus d'orange, revenais à la maison, et me recalais à nouveau devant des videos de Jmusic. Sur le coup de 18h00, tout d'un coup je me dis que je me lancerais bien dans une salve de lessives. Je descends à la laverie, une machine se libère dans les 10 minutes, je mets mon chargement en route, manque de bol l'autre machine est occupée, pas grave en attendant je nettoie la salle de bains, je fais un peu de vaisselle (juste un peu faut pas exagérer, je suis pas à ce point désespérée), je redescends pile pour la fin de ma machine, hop, lancement du séchage, je remonte, je prends une douche type décrassage intense de l'enfant sauvage (parce que non contente de prendre deux douches par jour en moyenne, il faut aussi que je me décrasse avec trois savons différents et un shampoing une fois de temps en temps, comme si j'étais la plus dégueulasse des créatures rampantes de la planète ; faudra que j'en discute avec ma psy à l'occasion, je suppose), le temps que les cheveux sèchent pouf le linge était sec aussi, résultat des courses il était 21h00 et yavait plus rien à faire (j'omets volontairement la vaisselle qui, bon, bah, c'est pas à ce point non plus hein). J'ai allumé un bâton d'encens et je me suis remise devant un écran, j'ai vaguement joué à deux ou trois conneries online, j'ai regardé des videos de Jmusic, ce genre de choses. Je suis allée me coucher vers 23h00, le cocktail de pilules censées être magiques et me faire dormir n'a fini par faire son effet que vers 1h30 du matin où j'ai eu la tête qui a vaguement tourné (c'est bien, 4 heures après la prise, quand même, belle performance), je me suis forcée à dormir et comme par miracle ça a marché, et ensuite, réveil le lendemain matin pour aller au boulot.

Si je raconte tout ça, alors que d'ordinaire j'exècre écrire des posts qui racontent de façon chronologique un évènement donné, c'est parce que tout d'un coup, hier, en remontant mon linge tout sec de la laverie, je me suis dit : t'as passé ton temps à calculer tout ce que tu faisais.  T'as plein d'équations toutes prêtes dans ta tête pour savoir ce que tu vas pouvoir faire en même temps qu'autre chose.
Un cycle du sèche-linge = douche + shampoing + temps de séchage. Le téléchargement d'une video de Jmusic = préparation du dîner. Plus fou, quand tu joues à des putains de jeu en ligne, tu calcules que dans 7 minutes tu pourras récolter tes patates, ou que dans 30 minutes ton personnage sera sorti de la salle de gym. Même dans les trucs censés être divertissants, tu es une machine à calculer le temps qu'il reste !

Le temps qu'il reste.
La formulation ne peut pas être innocente dans les circonstances actuelles, évidemment.

Avant, je n'étais pas comme ça. Pas avant, "il y a 12 jours", mais avant, "avant". Avant que je me prenne ce crochet dans la mâchoire il y a quelques années. Avant, je m'en foutais, du temps. Ma mère me disait "va prendre ton bain parce qu'à 19h00 on dîne" ou "termine tes révisions parce qu'il ne te reste plus que 10 jours avans le bac" et je m'en battais royalement l'oeil parce que très franchement, ça viendra quand ça viendra. Bien-sûr que l'heure du dîner approche et faut pas s'inquiéter, mais je serai propre pour le dîner faut pas se mettre dans cet état-là, et oui, évidemment que le bac est dans quelques jours mais je serai prête ou je ne le serai pas, c'est pas maintenant que ça se joue mais ces trois dernières années.
Et c'était reposant de penser de la sorte. J'aimais cette forme de je-m'en-foutisme que j'avais vis-à-vis du temps. J'ai longtemps refusé d'apprendre à lire l'heure, je devais être sur la fin de l'école primaire, peut-être même le début du collège quand j'ai accepté d'apprendre. Regarder une montre, ça ne m'intéressait pas. D'ailleurs quand mes parents ont arrêté de me forcer à en porter une, je n'en ai plus jamais porté de ma vie.
Parce que mes parents semblaient passer leur vie à surveiller l'heure ; et je me disais, mais ma parole, ils ont un don pour se stresser pour des conneries. Le temps passe et on n'y peut rien, l'heure avance et c'est comme ça. Au pire je serai un peu en retard. Quel mal à ça ? Je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon pour une histoire de temps qui passe. Et du coup j'ai passé beaucoup de temps dans ma vie à être en retard à des rendez-vous ou en cours ou au travail, par refus de regarder l'heure. Finalement c'était une autre façon de regarder l'heure (ah tiens, il est 8h20 sur la pendule de la pharmacie et je suis encore dans le bus, je vais être à la bourre), mais quand même, je ne voulais pas que tout ça ait de l'importance, et ça en avait le moins possible.

Il y a quand même des choses plus graves dans la vie que cette angoisse permanente de ne pas être à l'heure pour le futur.

Mais voilà, aujourd'hui, j'ai changé, et maintenant moi aussi j'apprends à regarder l'heure, pas pour savoir l'heure qu'il est maintenant mais pour savoir le temps qu'il me reste avant que telle action soit finie, ou que tel évènement minuscile de ma vie se produise, comme la fin d'un cycle du sèche-linge.

Calculer le temps qu'il reste. Il faut que je m'ôte cette idée de la tête.

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12 mai 2010

Comme un dimanche

Un dimanche de plus.
Je crois que si je devais trouver un synonyme au mot "famille", un mot qui symbolise les mêmes choses pour moi, un mot qui doive résumer la somme de tous mes sentiments envers elle, un mot qui garde la même signification... je choisirais le mot "dimanche".
Un dimanche, ça ne se passe pas forcément en famille. Mais une journée passée dans ma famille est forcément un dimanche, et même quand elle ne tombe pas un dimanche, cette journée ressemble, le plus possible, à tout ce dont un dimanche peut avoir l'air. Le dimanche, mon cauchemar ultime. Et pourtant mon plus grand fantasme.

Et ce dimanche-là n'était pas anodin, pas plus qu'un autre il est vrai car il n'existe plus de dimanche anodin, et quand je passe un dimanche chez mes parents, c'est toujours parce qu'ils ont trouvé une raison de me faire venir.

Ce dimanche, donc, on fêtait le départ à la retraite de mon père.
Départ à la retraite qui s'est en réalité fait début février, et qui, je dois le reconnaître, a remis pas mal de choses en question de mon côté, et qui semble être l'évènement majeur de ce premier semestre 2010 (oh, sauf si on prend en compte le fait que mon père m'a annoncé le soir de Pâques avoir un cancer de la gorge, évidemment, et qui est d'ailleurs un peu le non-évènement majeur de ce premier semestre 2010 puisque tout le monde fait comme s'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter et, d'ailleurs, ça semble avoir stoppé net les projets de divorce, ma mère préférant sans doute être veuve que divorcée, ce serait tout elle).

Flashback.
Pourquoi cela a remis quoi que ce soit en question pour moi ? Pendant des années, mon père avait une maîtresse, c'était "la rousse". C'était à cause d'elle que notre maison souffrait. C'était en tous cas elle la fautive désignée chaque fois qu'il venait s'excuser : "tu comprends, j'ai un travail difficile", "tu sais, c'est parce que j'ai des soucis au boulot", "tu vois, je ne m'entends pas bien avec mes collègues". Alors, il y avait d'un côté mon père qui travaillait (et il le faisait avec rigueur mais aussi avec toutes les peines du monde), et d'un côté moi qui subissait les conséquences d'un travail qui semblait être le pire des fardeaux. Mon père était indissociable de son travail. Il voyait tout par les yeux de son travail de policier, comme quand j'ai commencé à faire brûler de l'encens dans ma chambre, et il était sûr que je fumais ou que je me droguais ou pire (sic), alors que je me passionnais simplement pour la culture asiatique. Oh tous les sermons sur la drogue, l'alcool, les mauvaises fréquentations, la délinquance... quand je ne mettais de toute façon pas un orteil hors de la maison !
Sans compter, et c'est peut-être le plus important, l'obsession de mon père pour le travail bien fait, pour les vertus du travail (par opposition à la détente qui était dans notre maison synonyme de fainéantise)...
Mon père voyait la vie à travers son travail. Il a déformé sa vision de tout, il a changé mon père, il était responsable de mes maux.
Alors, une fois mon père à la retraite, qui blâmer ?
C'était la seule chose que je pensais avoir en commun avec lui : la valeur-travail. Aimer le travail bien fait (à défaut de pouvoir aimer le travail qu'on fait). Être honnête dans sa relation au travail. Mériter son salaire.
Peut-être qu'en fait j'ai imaginé avoir ça en commun avec mon père. Peut-être qu'il m'a inculqué quelque chose qui ne lui appartenait pas. Après tout ça ne serait pas la première fois.
Un soir qu'il me ramenait chez moi, peu de temps avant le départ à la retraite en février, je lui ai demandé ce qu'il ressentait, et je pensais qu'il allait me dire quelque chose du genre "ça me fait drôle", ou "ça me rend un peu triste" si vraiment j'étais en veine de confidences. Mais il m'a dit qu'il était content, parce que ses collègues, ça ne marchait vraiment pas avec eux, et qu'il n'avait pas hâte mais presque. Je dois avouer que ça m'a choquée parce que, ses collègues, il ne s'est jamais entendu avec eux, quels qu'aient été les collègues ; et je m'étais toujours imaginé que c'est parce qu'il était trop travailleur et droit et honnête (et c'était aussi à cette particularité que je m'identifiais), et que ça ne changerait jamais sa vision du travail. Et pourtant, c'était ce qui lui donnait envie de partir.
Mais en tous cas, c'était la première fois que nous avions une vraie conversation. Et peut-être que parler pour la première fois avec mon père avec sincérité et sans s'invectiver, sur un sujet autre que "nous", ça valait bien de mettre au panier mon image d'Épinal du papa qui a sacrifié sa famille sur l'autel du travail bien fait. Mais que voulez-vous, même quand on a eu un père comme le mien, on a envie de lui trouver un ou deux traits de caractère nobles. C'est difficile d'imaginer qu'il n'y avait même pas ça pour compenser la vie qu'il me menait à la maison.

Et donc, mon sujet de départ : dimanche. Un long dimanche de retraite. Avec plein de gens que je ne connaissais pas. Pas des amis à lui, au contraire : le voisin d'en face, le voisin d'en face à côté, le père de mon futur beau-frère, la mère et le beau-père de mon futur beau-frère, et au rayon "votre visage me dit quelque chose", ma sœur et mon futur beau-frère, une tante et une cousine, et ma mère. Pas d'ami. Juste des voisins qu'on invite parce que ça fait 10 ou 15 ans qu'ils sont là, et d'ailleurs mon père me dira, dans la voiture, au retour : "Oui, A on l'a invité parce que ça fait des années que c'est le voisin". Le voisin d'en face à côté... mais comme les autres on s'est fâchés avec eux ou bien on ne leur a jamais parlé, forcément. My dad in a nutshell.

Flashback.
Je ne sais pas pourquoi, mais ce dimanche m'a stressée tout le samedi. J'ai passé en revue fringues, maquillage, soins corporels... je me suis fait les ongles au moins 5 fois ce samedi-là avec trois vernis différents (pour finalement trouver la combinaison parfaite le dimanche une heure avant de partir), j'ai racheté du fond de teint, j'ai... je ne sais pas ce qui s'est passé, pourquoi ce dimanche m'angoissait. Peut-être que c'est parce que ma cousine qui est née la même année que moi (mais elle en décembre et moi en janvier) a annoncé qu'elle allait se marier cet été, et que j'ai toujours l'impression d'être en mode lapin blanc quand j'entends ce genre de choses. Ou peut-être que c'est parce que ma sœur et celui qui vraisemblablement sera mon beau-frère un jour vont emménager dans quelques jours dans leur propre appart, et que j'aurai toujours l'impression d'être en mode lapin blanc face à ma sœur désormais.
Toujours est-il que je voulais avoir l'air grande et adulte et soignée, et pas d'une ado attardée qui n'a toujours pas sa propre vie. En tous cas je devais ressentir ce dimanche en compagnie d'inconnus et de relatifs qui avancent "plus vite" que moi comme un grand jugement parce que je n'ai jamais autant passé de temps à me préoccuper d'améliorer ma propre apparence, ça m'a vraiment pris tout le samedi, et plusieurs fois en me faisant les sourcils au cordeau comme si je devais suivre des plans d'architecte, ou en me faisant des masques et des machins, les trucs que tout le monde semble trouve normal de faire tout le temps avec autant de précision, je me disais mais punaise, ce que ça peut bouffer comme temps, comment font les gonzesses pour faire ça toutes les semaines, que de temps que je pourrais passer à faire quelque chose de plus intéressant et constructif ! D'habitude j'en fais un peu, mais pas autant.
Mais je stressais trop devant ce dimanche. Alors que c'était un dimanche où il n'allait que très peu être question de moi. D'ailleurs je suis allée à ce truc dimanche alors que je me remettais à peine de mon intervention à l'oreille quelques jours plus tôt, c'est dire si même moi je ne faisais pas grand cas de moi.

Et donc, on y revient, mon sujet de départ : dimanche. Il s'est passé une bonne heure, voire deux, avant que je ne me sente à ma place à cet évènement. Nous avons levé nos verres une fois, deux fois, trois fois, à la santé de mon père, et j'étais assise exactement en face de lui, et je me disais... je suis en train de lever mon verre en l'honneur de mon tortionnaire.

Flashback.
Je sais bien que chaque année qui passe, on grignote un peu sur ces souvenirs-là, et qu'il est très arrangeant de faire comme si c'était de l'histoire ancienne. J'aimerais bien, moi aussi, faire comme si c'était de l'histoire ancienne, une anecdote drôle à raconter, un vague mythe fondateur à raconter à ceux qui me rencontrent et à qui je dis, en riant, parce que je le dis de façon un peu drôle, que mon père m'a dit une veille de Noël que mon copain était trop bien pour moi, ou qu'une fois, il a failli me jeter un dessous de plat dans la tête mais que ma mère l'a arrêté parce que sinon il allait "casser quelque chose". Et j'aime être cette fille qui, bravache, rigole de choses atroces.
Mais d'un autre côté... il y a la tête que fait ma psy quand elle me voit aborder le sujet puis faire une embardée pour passer à autre chose "de plus urgent". Et il y a le fait qu'elle finisse toutes nos dernières séances par un "la prochaine fois on parlera de votre père, quand même", avec l'air de dire que quoi que j'aborde c'est toujours de ça qu'il faudrait qu'on parle. Et d'ailleurs il y a le fait que même quand je décris l'enterrement auquel j'ai assisté il y a peu, je finis par dresser des parallèles entre son père et le mien. Il y a tout ça et je me rends bien compte qu'il faudra crever l'abcès à un moment. Ne plus chercher à faire comme si le dossier était classé, et toutes les plaies cicatrisées.
Oui, tout le monde, y compris moi, a peut-être l'impression qu'on a fait le tour du sujet dix fois, et qu'il est acquis pour moi que ci, et pour eux que ça, mais dans le fond ça fait toujours mal. Je suis toujours la petite fille terrifiée par ce qu'il pourrait me dire. Et même si je voudrais croire que les choses changent, que je grandis et que je n'ai plus peur comme avant de tout ce qu'il pourrait démolir en quelques mots, je reste en suspens en sa présence, et ça ne peut pas être anodin. Comme quand, par manque d'inspiration et mise au pied du mur, j'inscris sur sa carte à propos de la retraite que "c'est le moment d'apprendre à se détendre" et qu'il souffle en lisant ce message "ah, c'est la connaisseuse..." en riant, et que je ne parviens pas à me dire qu'il n'y a pas malice, et ainsi de suite, je décortique chaque mot dit avec minutie et terreur).

Et donc, je disais, mon sujet de départ : dimanche.
Cette impression de n'avoir rien à faire là. Mais surtout, l'impression qu'on a passé un nouveau seuil dans l'acceptation collective des évènements passés. Pas dans le sens que je voudrais. Dans un sens bien trop arrangeant.
Au moment de porter un énième toast, mon père dit de la retraite qu'elle va "lui permettre de passer du temps avec sa famille et de, peut-être pas rattraper le temps perdu, mais au moins un peu, quoi". Et moi je l'ai entendu comme à la fois un aveu et un désaveu. Mon père m'a jeté un bref regard et j'ai pensé : mais non, ce n'est pas une question de temps.

Flashback.
Ce n'est pas le temps qui a manqué. Je ne sais pas précisément ce qui a manqué, mais ce n'était pas le temps. Et je ne veux pas que tu passes plus du temps. Je ne veux pas que tu penses que le temps passé avec moi dorénavant est proportionnel au pardon que tu peux t'octroyer sur tout ce que tu m'as fait. Et jamais, jamais, jamais tu ne pourras compenser les 20 années pendant lesquelles tu m'as brisée, au point que je suis en thérapie à presque 30 ans, et que je ne comprends que progressivement tout ce que tu m'as volé pendant tout ce temps. Du temps ? Tu n'as même pas de temps. Tu as un putain de cancer de la gorge. Personne ne veut le dire mais c'est quand même vrai. De temps point. De guérison jamais. De pardon, tout juste.
J'ai plus ou moins décidé, un beau jour, que je t'avais pardonné. Un jour, j'ai dit à T (à l'époque j'étais avec T) que je t'avais pardonné, et c'était vrai mais ça m'a semblé assez soudain, j'ai réalisé tout d'un coup que la haine avait disparu. J'étais à la fois surprise et apaisée. Peut-être que ce n'était que temporaire parce que mes souffrances d'alors étaient ailleurs, mais j'avais aussi besoin de penser cela, j'avais besoin d'extirper la bête visqueuse, la nappe de noirceur qui me dévorait et qui recouvrait tout le reste. A partir de là j'ai avancé, et décidé que tu étais pardonné, pour toujours, quoi qu'il arrive, que la haine ne me possèderait plus jamais, j'avais trop à gagner à éloigner cette haine si puissante de moi. Finalement, je t'ai pardonné pour moi, mais pas pour toi. Et de toutes façons, je ne te l'ai jamais dit. Je ne t'ai jamais dit que je t'avais pardonné. Parce que je ne suis même pas sûre que tu comprendrais la portée de cet acte pour moi. Te pardonner quoi ? Pendant si longtemps tu as nié faire quoi que ce soit de mal. Pendant si longtemps toi et maman m'avez soutenu mordicus que j'exagérais tout, vous arriviez à me nier mes souvenirs, et c'était encore pire que de ne pas avoir conscience de tout le mal qui avait déjà été fait. Et ensuite, ensuite j'ai fini par revenir vous voir, un dimanche après l'autre, et il a semblé acquis qu'on fonctionnerait différemment. Les choses semblaient aller mieux, c'était oublié. En apparence. Alors si je te disais, aujourd'hui, que je t'ai pardonné il y a quelques années à peine, est-ce que tu comprendrais l'effort que ça m'a demandé ? Pas sûr.

Et donc, nos moutons, mon sujet de départ : dimanche.
Ce sentiment lapin blanc, cette terreur d'être la petite fille déguisée en grande, cette impression que tout le monde fait semblant pour le bien commun.
Mais je me suis amusée. Et j'ai même apprécié passer du temps avec l'un de nos voisins.

Flashback.
Je ne me souviens pas précisément de l'âge que j'avais. Je me souviens juste que la petite vieille en face de chez nous est morte, et que le voisin a acheté sa maison. Est-ce qu'il vivait avec son père à trois maisons de là, ou bien est-ce qu'il lui rendait seulement visite ? Je ne me souviens plus. Mais ce n'était pas un inconnu. On le saluait avant qu'il emménage. Mais là il est arrivé et je me revois regarder à travers les rideaux odieux de la cuisine, le voir rentrer chez lui, et me dire... ne rien me dire, juste ce sourire intérieur dont j'ai appris plus tard qu'il traduit une attirance physique qu'on ne concrétisera pas. Je ne me donne pas plus de 15 ans à l'époque. Et ça n'a rien changé dans ma vie. C'était juste, une fois de temps en temps, depuis la fenêtre de la cuisine, un petit eye candy pour une ado qui n'avait encore même pas vraiment idée de ce que c'était que l'attraction physique et qui confondait tout et rien. Je me disais juste, ah, tiens, voilà le voisin que j'aime bien voir. Je ne rougissais pas, je ne rêvais pas de lui, je ne m'imaginais rien. Il n'a jamais figuré au palmarès des Hommes-Sans-Visage. C'était juste pour le plaisir de l'œil. Il a juste participé à la construction de mes références masculines, si bien qu'en le voyant dimanche, j'ai connecté les points et je me suis dit qu'il ressemblait vachement à "mon type d'hommes", qui n'est pas un type à proprement parler vu la variété d'hommes qu'on y trouve, mais qui est ce grand sac dans lequel on trouve essentiellement des hommes entre 35 et 50 ans qui me plaisent, et me plaisent depuis souvent 10 ans quand il s'agit d'acteurs. Il a participé sans que personne le sache, pas même moi, à l'élaboration de mes critères masculins, et je l'ai vu dimanche en me disant, oh dis donc, ah oui, ça me revient et je vois pourquoi.
Ma mère me dira plus tard que c'est un vieux garçon qui a l'âge de papa et qui a pris une retraite anticipée, et qu'il vit avec une retraite de commandant (je m'en fous de ses sous, c'était pas ma question maman, ça c'était la tienne). Mon père me dira dans la voiture qu'il n'a aucun soucis d'argent et que c'est un type bien qui aide notre autre voisin à l'occasion. "Oui, ça a l'air d'être un type sur qui on peut compter", tente de glisser innocemment sa fille. "Oh c'est un vieux garçon tu sais", fait mon père comme si ça le rendait dangereux. "Non mais je veux dire, en amitié, ça a l'air d'un type solide", insiste la fille qui aime bien le côté taciturne et calme du voisin qui a décidément bien vieilli.
Mais qui a l'âge de papa, faut arrêter les conneries. Même si, il m'a regardée deux ou trois fois, non ? Non. Si ? A mon âge, je crois que je sais quand même reconnaître quand un homme regarde d'un air intrigué, quand même. Mais comme à 15 ans, ça s'arrêtera là. Il y avait de toutes façons trop d'émotions pour ce jour-là sans ajouter cette petite intrigue hors du temps. lady décrète que c'était agréable mais que les regards bleu acier disparaitront avec l'eau de la douche. Que ça commencera comme ça finira, complètement innocemment, juste pour le plaisir des yeux et avec quelques images en tête.
Tout cela participait de la même plongée 15 ans en arrière, finalement.

Parce qu'au-delà de la douche bouillante que j'ai prise en rentrant, il y a encore, indélébiles, toutes les autres préoccupations amenées par ce dimanche et qu'il y a déjà trop de questions à régler sans chercher à penser à cet aspect-là de ma vie en ce moment. Il n'y a pas de place pour ça au milieu de ma thérapie pour guérir de mon enfance, du cancer de mon père, de la mort de mon grand-père, de la mort de mon amie, de ma surdité temporaire... toutes ces choses qui m'ont fait passer les 4 dernières semaines les plus atroces depuis longtemps.

Un dimanche plein d'inquiétude, de rancœur, de tristesse, de fatigue et de questions. Un dimanche qui a duré une vie, finalement. Un long dimanche éprouvant qu'il m'a fallu plusieurs jours pour emprisonner dans des mots, et enfin le coucher sur ce blog... et même après plusieurs jours de relecture, je ne suis pas encore certaine que toutes les phrases aient du sens. C'était un trop long dimanche pour lady.
Et peut-être, juste peut-être, un dimanche de trop.

25 février 2012

Do I look different ?

Les anniversaires sont toujours plus symboliques qu'autre chose. Je le sais, vous le savez, tout le monde le sait, et pourtant, les dates ont toujours une grande importance à mes yeux. L'anniversaire de ci, l'anniversaire de ça. Et évidemment le mien.
Tout ne change pas du jour au lendemain parce que j'ai eu 30 ans. Mais après avoir tant attendu cet anniversaire si symbolique, que je n'ai pas toujours pensé atteindre, il était évident que j'y accorderais une attention soutenue.

Alors voilà, j'ai 30 ans depuis un mois, et qu'est-ce qui a changé ? Eh bien, rien, en vérité. Et tout.
Difficile de dire où est l'oeuf et où est la poule dans ces changements, puisque cela fait 6 mois que je m'efforce de faire le plus grand ménage de ma vie. Dégager mes parents ? La décision la plus difficile à mettre en oeuvre et pourtant, la meilleure que j'aie jamais prise. Un grand changement en tous cas. L'ai-je fait parce qu'il était temps, parce qu'enfin j'en avais la possibilité matérielle, ou parce que je savais que j'allais avoir 30 ans et que je voulais aborder mes 30 ans avec l'impression d'avoir mis les choses à plat ? C'est plus compliqué à déterminer. Sans doute un peu de tout ça.

Ce qui est certain c'est que ces 30 ans tenaient une immense place dans mon imaginaire. C'était l'objet de beaucoup de fantasmes, qui eux-mêmes ont énormément changé en 15 ans.
A l'époque où ça a commencé, je pensais que je voulais une famille, un gentil mari, c'était très important qu'il soit gentil voire même exagérément conciliant, une grande maison, 5 enfants (oui, 5), des chiens dans le jardin, un boulot d'enseignante ; que j'aurais tout ça à 30 ans. C'était l'époque où je n'avais pas encore fait la différence entre ce que je voulais pour le présent et ce que je voulais pour le futur. J'avais même commencé à écrire du point de vue de ces enfants ce que ce serait de vivre cette vie où papa est gentil, où la maison vibre de l'énergie d'enfants qui grandissent sainement et où tout va bien ; c'était bien un signe. Ce n'est pas avant quelques années que j'ai réalisé que je ne voulais pas avoir ces enfants, mais que je voulais être ces enfants. Et qu'aucun gentil mari ne remplacerait jamais le fait que je n'ai pas eu un gentil papa. Même si j'avais 5 enfants, je serais alors la maman, et je ne profiterais pas de la même façon de ce bonheur idéalisé. Avoir une jolie enfance parfaite, ce serait toujours pour les autres. On ne revient pas là-dessus.
Quand j'ai voulu mourir, il semblait clair que je n'atteindrais jamais cet âge canonique, que cette période incroyablement faste ne serait jamais pour moi. Et puis j'ai survécu à la tentative de suicide, sans savoir qu'il viendrait plus difficile encore, et lentement je me suis remise en branle, sans vraiment avoir l'objectif d'atteindre 30 ans mais déjà en essayant d'arriver à 20.
Une fois que je suis passée par ces deux stades (comprendre qu'avoir 30 ans ne me donnerait jamais l'enfance idéale que je n'avais pas eue, et passer à deux doigts de mourir), le rêve de mes 30 ans est devenu plus flou. Il n'y aurait pas d'enfants, parce qu'en réalité j'ai réalisé avec quelques années supplémentaires que je ne voulais pas en avoir, il n'y aurait probablement pas de gentil mari parce que le mariage m'attirait de moins en moins, et quant à la maison, eh bien, à Paris, c'est rare, les maisons, et j'étais depuis tombée amoureuse de Paris. Qu'y aurait-il à la place ? C'était compliqué à déterminer.
Mais ce qui était sûr, c'est que ce serait une époque faste. De luxe.
Le luxe de ne plus s'inquiéter.

30 ans ou le rêve de la stabilité. La décennie précédente aurait été celle des transitions, des privations, des efforts, des douleurs. Je ne sais pas au juste quand je l'ai décidé mais 30 ans, ce devait être le point d'arrêt de tout ça. Il faudrait avoir un travail, un logement, ne plus avoir faim, ne plus avoir peur, ne plus avoir mal. Quand je suis passée par cette période atroce où je ne mangeais plus, pendant le chômage, je voyais le temps passer et la situation ne pas beaucoup s'améliorer, un CDD par ci, une période de disette par là, et je me disais qu'il faudrait que ce soit réglé pour mes 30 ans. Les heures de thérapie pour se sortir les souvenirs insupportables de la tête, les mettre sur la table et les écraser d'un coup de maillet, ça aussi, je crois que j'avais décidé que ce serait fini à 30 ans. Pas de façon claire, nette et consciente, mais c'était là, quelque part : les errances se finiraient à 30 ans.
Ce devait forcément être dans un coin de ma tête toute l'année dernière, quand j'ai procédé à tant de changements. Il y avait des facteurs extérieurs mais pas seulement. J'avais décidé que je serais prête pour mes 30 ans.

Alors oui j'ai 30 ans et plein de choses ont changé. Elles n'ont pas changé d'un coup de baguette magique le jour de mes 30 ans, mais elles ont changé en prévision de ce jour et c'est un peu la même chose.

Pour la première fois de ma vie, j'ai passé Noël et le réveillon de la nouvelle année seule, et c'était voulu, et ça m'a fait le plus grand bien. Pour la première fois de ma vie, mes résolutions (si on peut les appeler ainsi) n'étaient pas des prières du genre "allez, cette année il faut que ça cesse", c'étaient des défis créatifs.
Comme anticipé, parce qu'il y a une part évidente de wishful thinking, mes 30 ans sont le début de quelque chose.
J'ai toujours pensé que ce serait la meilleure décennie de ma vie, même quand je n'étais pas sûre de la forme qu'elle prendrait. Je crois avoir plutôt bien préparé le terrain pour modeler cette décennie au mieux. Il y a du boulot encore avant que je n'aie la vie rêvée ; je me suis trompée, sans doute, sur ça : la transition est permanente, elle ne s'arrête pas avec les 30 ans. Mais j'ai toute une décennie pour m'y mettre et j'ai réussi à faire en sorte de n'être liée par rien ni personne qui m'en empêche. Et au moins, contrairement aux précédente, cette transition-là n'est pas subie ; j'en suis maîtresse.

Pour une fan de symboles comme moi, difficile de ne pas remarquer que le mois de février a été difficile, pourtant, et que cela prouve que je ne suis pas à l'abri des coups durs, même arrivée à ces fameux 30 ans. Le rappel tombait mal, d'une certaine façon : la lune de miel avec ma nouvelle décennie a ainsi tourné court. Mais en même temps, c'était le bon moment pour se rappeler qu'il n'y a rien de magique à atteindre 30 ans.
Mais peut-être qu'avoir 30 ans, avec ce que cela suppose à la fois d'expérience, d'assurance et surtout de foi à présent, m'a permis de mieux le gérer, de ne pas sombrer dans l'impression que tout allait mal et que la situation était insurmontable. Et puis maintenant, j'ai un travail, et ça aide beaucoup à ne plus avoir l'impression d'avoir la tête plongée dans une cuve de pétrole, aussi : la fonction publique ne m'offre sans doute pas grand'chose intellectuellement, mais j'ai l'assurance de revenir le mois prochain et c'est ce qui me sauve.
Après tout, c'est ce que j'attendais pour cette décennie, la stabilité ; pas parce que je voulais qu'il ne m'arrive plus rien et que ma vie reste la même à jamais, mais parce que je voulais une protection contre les changements les plus difficiles et/ou imprévisibles, et une garantie pour pouvoir me lancer dans des projets positifis. C'est pour ça, je crois, que j'associais aussi une certaine forme de routine à cette décennie : à l'intérieur de la routine, on est plus libre que quand il faut se soucier de toutes les contingences du lendemain. J'avais la vue si courte quand j'avais faim ; je réapprends à regarder à moyen terme, et peut-être que, bientôt, je réapprendrai à penser sur le long terme comme il faut ; je commence déjà pour certaines choses.

Je pense aussi à toutes les choses qui n'ont pas changé pour mes 30 ans, qui n'étaient pas prêtes.
Je l'ai senti quand j'ai compris la façon dont se déroulerait la célébration elle-même : il me manque du monde. J'ai des gens bien dans ma vie, mais j'en ai trop peu. J'ai l'impression d'avoir finalement assez peu de choix quand il s'agit de pratiquer telle activité ou telle autre. Peut-être que j'ai trop cloisonné pendant la décennie précédente ; à l'époque ça semblait important. Aujourd'hui, si je ne veux pas changer la proporition de temps que je passe seule et la proportion de temps que je passe avec de la compagnie, je crois que je voudrais pouvoir faire appel à des personnes différentes quand j'ai un projet ou une envie. Probablement que ça les soulagerait un peu aussi, je ne leur ai pas demandé mais je le soupçonne. Après avoir passé la décennie précédente à faire régulièrement du nettoyage dans mes amis pour ne pas garder ceux qui n'étaient pas capables de tenir le coup en cas de coup dur, privilégiant la qualité par rapport à la quantité, je devrais peut-être changer mes critères ; il n'y en aura plus vraiment, des gros coups durs pendant lesquels on demandera aux amis de se comporter en amis solidaires. J'en ai eu, des comme ça, j'en ai un qui a tenu 12 années de ma vie, et lui et moi savons combien ces années n'ont pas été faciles, mais les critères d'hier n'ont plus de raison d'être. Je ne compte plus sur mes amis comme avant, et je n'ai plus de raison d'avoir besoin de leur soutien comme certains me l'ont apporté à des moments critiques. Il serait logique que je sois moins sélective dans leur capacité à rester dans mon entourage même quand les choses vont mal, non ?
C'est compliqué parce que le pli est non seulement pris de longue date, mais en plus je n'ai pas envie de gens qui me traineront dans des activités qui ne m'attirent pas. Je ne veux pas tout changer, je veux juste changer ce qui ne me semble pas me correspondre assez. Il ne s'agit pas de devenir une autre, il s'agit de devenir plus "moi" ; aussi je ne veux pas soudainement me mettre à avoir plein d'amis qui vont absolument vouloir faire la fête, je veux plus d'amis qui aient les mêmes envies que moi, au moins de temps en temps (quand les actuels veulent faire la fête, ils savent que ce n'est pas à moi qu'il faut faire appel, après tout, et tout va très bien ainsi). C'est le gros défi de cette nouvelle décennie, celui dont je n'ai pas encore bien pu déchiffrer le mode d'emploi : m'entourer plus, mais pas m'entourer moins bien ou de personnes qui vont chercher à me faire faire des choses qui ne me plaisent pas. J'ai bien l'intention de continuer de refuser les invitations de certaines personnes à écumer les bars, par exemple. Je n'ai rien contre ce mode de vie, simplement il ne me plait pas et je n'ai pas envie de me forcer. C'est bien, déjà, d'avoir su le déterminer : je ne l'ai pas toujours su, et j'ai souvent, quand j'étais plus jeune, été celle qui suit et fait des trucs qui ne l'amusent pas parce que ça semblait être obligé ; depuis je sais que ce n'est pas la seule alternative contre la solitude. L'énigme sur ce que je veux et ce que je ne veux pas faire, ce qui me divertit et ce qui ne m'amuse pas voire même au contraire me lasse en moins de 5mn, est résolue de longue date, c'est déjà ça de pris.
Mais comment le concilier avec une plus grande quantité de personnes dans ma vie, ça reste un peu l'énigme de l'oracle sudérien.

Et puis à un moment, il faudra que je me repose la question de la vie amoureuse. J'ai beau être célibataire et généralement contente de l'être, il faudra bien, en même temps que je regarde sur le long terme, se demander comment je veux vivre la décennie d'après. Célibataire à 30 ans c'est fun, c'est la liberté, une liberté que je ne goûte vraiment que maintenant en plus. Mais célibataire à 40 ans... je ne sais pas encore.
J'ai réussi à vieillir jusqu'à atteindre 30 ans mais le processus ne va pas s'arrêter et il faut bien que je prépare la décennie d'après aussi. Et elle, je ne l'ai quasiment pas envisagée tant il a semblé incertain de parvenir à ces fameux 30 ans. Alors, cette décennie future, comment je veux la passer : seule ? Et sinon, quel genre de couple ? Et quelles promesses d'avenir faire à quelqu'un quand on n'a pas envie de se marier ni d'avoir des enfants ? Pour l'instant le célibat est confortable parce qu'il m'évite d'avoir à passer par certaines choses que je ne veux pas faire (les coups d'un soir, notamment, qui sont un truc qui vraiment ne m'attirent pas et qui semble être de nos jours le passage obligé pour rencontrer des mecs, c'est insupportable d'inintérêt, donc je zappe, mais à un moment faudra bien se poser les bonnes questions). Comment on rencontre quelqu'un quand on a 30 ans, qu'on veut une relation stable, ni trop envahissante, ni trop superficielle, mais qu'on ne veut pas une vie de famille "normale" ? C'est toute la question.
Actuellement le célibat est une solution simple à un problème complexe, et il va bien falloir que je me repenche sur la problématique à un moment.

Quand je n'avais pas encore 30 ans, j'avais espéré que beaucoup de choses ne poseraient plus question. Aujourd'hui, j'ai plein de réponses. C'est toujours bon à prendre. Mais il y a encore des questions sans réponse. Une part de moi est déçue, une autre est convaincue que l'impression de "work in progress" n'est pas une si mauvaise chose une fois que les difficultés les plus pragmatiques ont trouvé une résolution.
J'ai au moins le luxe de ne plus avoir à m'inquiéter, sur le long terme, de ce qu'il va advenir de moi. Mission accomplie, finalement, donc : j'ai les 30 ans que je voulais, en quelque sorte.

29 avril 2012

Italian for "peace"

Tout a commencé le mois dernier. Pour ma défense, j'étais malade. Et en plein multi-marathon. Et par-dessus le marché en pleine crise d'autobiographiphagie.

Mais l'histoire ne commence pas là, en réalité ; elle commence voilà presque quatre ans. J'étais alors devant mon écran, à regarder l'un des premiers épisodes de la deuxième saison d'une série que j'adorais. Et je ne saurais pas dire à quel moment précis, mais soudain, j'ai fait ce truc que je fais quand j'ai repéré un truc : je cligne de l'oeil. Un seul oeil. Le gauche. Comme ça le droit continue d'observer même pendant que j'enregistre ce qui vient de se passer. Je sais pas pourquoi je fais ça, une sorte de tic si l'on veut, mais quand je le fais c'est que quelque chose vient de m'interpeler. Et je me rapelle avec une précision cinglante d'avoir soudain penser : "j'ai vu un truc, là".
Ce truc, c'était un détail dans le jeu de Lee Pace. C'était un épisode de Pushing Daisies parmi tant d'autres, j'avais déjà vu Lee Pace avant dans cette série, évidemment, et, d'ailleurs, j'avais déjà vu Wonderfalls auparavant, et pourtant cette fois-là, j'ai vu quelque chose qui m'a fait cligner d'un oeil. Le signe qui ne trompe pas. Ce jour d'automne 2008, je n'ai aucune idée de pourquoi, cet acteur-là m'a donc interpelée. Je n'aurais pas su dire ce qui avait attiré mon attention mais j'ai voulu fouiller. Et c'est comme ça que je me suis mise à cagouler plusieurs de ses films, dont Soldier's Girl, The Fall et Miss Pettygrew Lives for a Day. Ca ne s'est pas regardé en un jour (Dieu sait que mon rapport avec les longs métrages a longtemps été compliqué), mais quand j'ai vu ces trois films (et quelques autres dont notamment The Good Shepherd et Infamous), j'ai compris que j'avais trouvé un acteur qui arrivait à incarner tout ce que j'aime chez les acteurs. Et jusque là je n'aimais pas grand'chose chez les acteurs (ou alors pour de mauvaises raisons).

Dans un premier temps, j'ai pensé que je venais de comprendre quelque chose sur le métier d'acteur qui jusque là m'avait totalement échappé, vu que je considérais les acteurs comme des outils (au mieux), des choses interchangeables dont j'avais besoin qu'on me fournisse la preuve de l'individualité. J'ai essayé de me faire également une intégrale des films d'autres acteurs qui me semblaient pouvoir être intéressants, ça n'a jamais vraiment pris. C'était cependant une tentative intéressante en cela que pour la première fois, je regardais ce que faisaient les acteurs au lieu de considérer que tout le mérite revient toujours, exclusivement, au scénario. Mais rien à faire.
C'était vraiment seulement lui. Et c'était d'autant plus intrigant que ça n'avait rien à voir avec les piètres raisons pour apprécier un acteur que nous connaissons tous, étant donné qu'il n'est pas mon genre, physiquement parlant (trop jeune, trop maigre, trop... too much). Alors pourquoi ? Si ce n'était pas le plaisir des yeux qui entrait en jeu, quoi ?

Il s'est passé des semaines pendant lesquelles j'ai lu, lu et lu, comme je fais toujours quand quelque chose pique ma curiosité : des interviews, des articles, n'importe quoi, en essayant de comprendre pourquoi je le trouvais si bon alors que je ne m'étais jamais fait cette réflexion pour nul autre acteur avant lui. Sans compter qu'il n'est pas le MEILLEUR, objectivement parlant. Evidemment il m'a clouée sur mon fauteuil avec Soldier's Girl et The Fall mais, soyons honnêtes, il y a d'autres très bonnes performances de par le monde, au ciné comme à la télévision, qui ne me font pas vibrer l'ombre de la paupière gauche. Alors quoi ?
J'ai trouvé ma réponse dans un article, non pas écrit sur lui, mais par lui, sur l'une des pièces dans lesquelles il a joué. Je crois que ce jour-là, j'ai lu cet article et simplement admis que, ok, Lee Pace, c'est juste l'acteur qu'il me faut. Il a des défauts et des faiblesses (et il en a corrigé, pourtant !), mais il parvient à parler mon genre de langage, à exprimer ce que j'ai besoin de voir exprimer. Et si je devais écrire quelque chose, nul doute qu'il serait le plus à même de l'exprimer. On dirait qu'il parle mon langage, en somme.

Les mois et années passent, et désormais c'est un fait : Lee Pace, c'est mon acteur. Le seul au monde dont j'ai envie de voir les prestations, les comparer, les décortiquer. Bonnes ou mauvaises, elles sont toujours à part. A force de lire et regarder des interviews et making of, d'éplucher les articles, ou de chasser la moindre sortie, il est certain que cela entraine un cercle vertueux qui fait que j'ai l'impression de connaitre son jeu mieux encore, les tics, les habitudes, les progrès, les préférences peut-être même. Même si je suis de plus en plus consciente que je n'aurai pas fait le tour de son travail tant que je ne l'aurai pas vu sur scène, j'ai l'impression de commencer à connaitre sa façon de concevoir son boulot. Et pour moi c'est une donnée à la fois nouvelle et inestimable.

C'est que, j'ai aussi ce goût pour les autobiographies. C'est cylique (et ça varie avec mes finances), mais j'aime énormément lire les autobiographies d'acteurs et comédiens. Surtout pas les biographies : je trouve le procédé trop proche de la fiction ; un biographe transfère forcément un peu, surtout les biographes qui ne rencontrent pas leur "victime" ou leur "cible" et qui commencent à fantasmer un peu et proposent au final un travail de révisionnisme sans grand intérêt. Certes, les autobiographies ont leur part de fiction personnelle, le moment où on se glorifie un peu ou, plus simplement, on se met en scène. Quand on veut éviter un sujet ou l'aborder sous un angle excessivement humoristique, par exemple. Mais cela fait partie du jeu et, au final, les choses qui ne sont pas dites, ou dites sous couvert de l'humour, sont aussi parlantes que celles qui sont explicitées.

Les autobiographies sont une façon comme une autre de rentrer dans la tête des gens, moi qui aime par-dessus tout cette forme de tourisme psychologique qui consiste à marcher dans les chaussures de quelqu'un sur une certaine distance, puis réintégrer les miennes et sentir que les limites de mon univers ont été repoussées, même de quelques milimètres. N'est-ce pas ce vers quoi la plupart de mes centres d'interêt me poussent, dans le fond ?

Aussi n'était-il pas étonnant que, à un moment où je n'étais pas en état d'être raisonnable, le mois dernier, je me retrouve à allier ma passion pour les autobiographies et mon intérêt pour Lee Pace.

D'abord, ma motivation première était de comprendre ce qui pouvait bien se passer dans sa tête pour jouer telle chose de telle façon. On a tous des théories plus ou moins associées à de la psychologie de comptoir sur la raison qui pousse un acteur à choisir certains rôles, ou à les interpréter d'une certaine façon. C'était mon moteur à ce moment-là : qu'est-ce qui expliquait l'existence de Lee Pace en tant qu'acteur ? En toute logique, la même raison qui expliquait son existence tout court. C'est là que j'ai dérapé.
Quand j'ai commencé, sans même m'en rendre compte, à mémoriser les prenoms des parents, de la soeur, du frère. J'étais pas du tout dans mon assiette et je n'ai pas eu le réflexe à un seul moment de me dire que ça devenait étrangement malsain d'être capable de retracer l'arbre généalogique des Pace sur quatre générations. Mais on en était là, en à peine deux heures sur Google.
La troisième m'a conduite à me demander si tout ce beau monde était sur des réseaux sociaux. Je confirme, ils le sont.

La fièvre, les crampes et même le nez bouché ont depuis disparu, j'ai refermé tous les onglets que pendant quelques jours j'avais intégralement épluchés, et même rafraichis régulièrement, mais force est de constater que la famille Pace m'a suivie ailleurs.
A présent je ne les consulte qu'une à deux fois par semaine, maximum, vite fait, en cinq secondes, pour "prendre des nouvelles".

Comme dit précédement, ce qui m'intrigue, c'est Lee Pace l'acteur, je ne fantasme pas sur Lee Pace, l'échalas aux sourcils broussailleux.
Mais depuis un mois environ, je fantasme à mort sur sa famille. Comment son père au nom de grand méchant de Dallas, qui en plus travaillait dans le pétrole, est aujourd'hui un petit pépère qui a l'air bon vivant. Comment sa soeur a une grande famille (plus grande encore depuis cette semaine), et comment son frère est un authentique redneck. En une heure sur les réseaux sociaux le mois dernier, j'étais même capable de retracer l'arbre généalogique du mari de la frangine, pour tout vous dire, alors vous pensez. Le plus agaçant étant probablement l'extrême invisibilité de sa mère, mentionnée souvent, mais présente nulle part.
Et c'est là que j'ai compris que depuis un mois, ça n'a plus rien à avoir avec Lee Pace.

Vous savez ce que j'ai fait à plusieurs reprises, le soir, avant de dormir ? J'ai essayé de me représenter les réveillons de Thanksgiving ou Noël de la famille Pace. Avec, vous pouvez me croire, un luxe de détails, et pas forcément tous forcément brillants (ces gens-là ont forcément des défauts, juste aucun qui soit insurmontable), l'imagination aidant, et dans ce domaine la mienne est galopante. Eh oui.
NOM D'UN CHIEN JE L'AI REFAIT !
J'ai passé les dernières années de mon adolescence à rêver à des familles denses, complexes, chaleureuses. Je les regardais à la télévision. J'imaginais ce que serait la mienne plus tard (c'était avant de réaliser que si je devais avoir plus tard une famille idéale, je n'en serais jamais la fille mais forcément la mère, et cette épiphanie a tourné court quand j'ai compris que je n'avais aucune envie d'être mère). J'ai passé des heures et des heures à rêver à tout ça. Tout n'y était pas parfait, mais en comparaison avec ce que je commençais à comprendre de ma famille, c'était forcément épatant.

Mais depuis, je pensais en être guérie. Je pensais avoir fait du chemin. Je pensais qu'en coupant les ponts définitivement avec mes parents en octobre dernier, j'avais laissé toutes ces histoires de famille de rêve derrière moi ; toutes les histoire de famille, tout court.
Et non, pas du tout.
La vérité, c'est qu'à cause d'un acteur qui sait m'inspirer comme personne d'autre au monde, j'ai eu l'opportunité de transférer tous mes fantasmes de famille sur la sienne.

Et la sordide vérité dans tout ça, c'est que même si les parents que j'ai eus ne me font plus souffrir, que je ne pense presque plus à eux (ou alors comme sous le choc : "tiens, qu'est-ce que cette pensée vient faire là, ça fait des siècles que je n'ai pas pensé à eux"), même si je raconte aujourd'hui mes souvenirs de guerre à mes amis sans plus ressentir le moindre pincement au coeur (et qu'ils me disent "ça se voit que tu vas mieux depuis qu'ils ne sont plus dans ta vie")...
...Eh bien, ne pas avoir eu une "vraie" famille, ça me manque toujours.

Ma fringale pour les autobiographies ne s'est pas apaisée depuis. J'aime toujours autant mes guides du routard intérieurs, qui me permettent d'avoir l'illusion de me balader dans la tête de quelqu'un, puis d'avoir l'impression que mon regard sur cette personne va se modifier la prochaine fois que je le verrai à l'écran. Je n'y recherche pas nécessairement ce que j'avais tant aimé trouver chez la famille Pace, et mon intérêt pour les autobiographies ne se cantonne pas, loin de là, à l'enfance ou l'entourage familial. Mais quand même.
Il n'empêche, depuis un mois, je suis un peu fâchée avec moi-même de ne pas réussir à m'en foutre complètement, de ces histoires de famille, et de ressurgir, encore et encore, les mêmes problématiques sous des angles différents.

Quel que soit le progrès accompli, il manquera toujours quelque chose, pas vrai ? Il faut croire qu'il n'y a simplement pas de paix possible.

16 avril 2007

Un monde complexe

Une fois n'est pas coutume, je vais parler politique. Je suis heureuse d'avoir toujours à ma disposition cette tribune qu'est mon blog personnel, même si je ne m'en sers qu'à ma guise et pas sur la base de posts réguliers. Il y a quelque chose de libérateur dans l'idée qu'il existe un endroit, quelque part, où je peux dire le fond de ma pensée sur le sujet qui me sied.

Poutant il est ancré en moi que parler de politique est utile, mais expliciter ses intentions de vote est dangereux. Ou peut-être juste mauvais. Pendant près de vingt années, ma conscience politique était réduite à l'état zéro et les seuls gens que ça semblait intéresser, c'étaient mes parents. Parents dont le crédo a toujours fermement été : "on ne dit pas pour qui on vote, on ne dit pas pour qui on va voter". Cette logique fait partie de ces choses qui sans raison apparente, se sont tatouées en moi. J'ai tendance à croire que c'est sage, mais j'ai aussi tendance à croire que parfois, donner son avis sans masquer le côté vers lequel on penche, ça peut être salutaire.

En ce lundi, j'avais décidé de prendre les derniers renseignements nécessaires en vue de l'élection. Je ne fais pas partie des indécis, loin de là, mais j'estime que pour être une citoyenne avertie il me faut prendre une maximum de renseignements. C'est sans doute ce qui a conduit le représentant local du Parti des Travailleurs à sonner à ma porte plusieurs fois ces dernières semaines, simplement parce que la première fois j'avais posé des questions sur Schivardi et qu'il a pensé qu'il y avait une ouverture. Mais si je n'entends pas un maximum sur le programme de chacun, même si je sais bien ce qui me tente le plus, puis-je me dire en toute honnêteté que j'ai voté en mon âme et conscience ? J'ai vraiment du mal à m'imaginer être de ceux qui, leur avis fait, partent du principe qu'ils ne leur reste qu'à ignorer ou démolir les autres programmes et/ou candidats. J'ai peut-être aussi du temps à perdre, allez savoir.

L'élection qui se profile me fait peur.

Peur parce que la première fois que j'ai voté, c'était en 2002. C'étaient mes premières élections, et donc mes premières élections présidentielles. Au premier tour, je n'avais pas trop d'idées arrêtées. Je ne m'étais pas intéressée à la politique, je partais du principe que c'était pareil : quel que soit le bord du président, il finissait par ne tenir aucune promesse ; la seule chose qui changeait à mes yeux, c'était le genre de mensonges. Des mensonges de droite et des mensonges de gauche. Alors au premier tour de 2002, ma technique pour voter a été : "qui n'aurais-je pas honte qu'un journal étranger affiche comme étant à l'Elysée après l'élection". Je fais partie de ceux qui ont voté pour un "petit parti". Un vote perdu. Au second tour, comme beaucoup de gens, c'est là que ma conscience politique s'est éveillée. On nous demandait de choisir entre nous couper un bras et nous couper une jambe. C'est pas pareil, évidemment, mais dans le fond on ne veut aucun des deux. J'ai pourtant dû voter Chirac comme 82% d'entre nous, Français.

Lorsque Bush a été réélu pour son second mandat, un site internet a vu le jour sur le thème "on est désolés, on n'a pas voté pour lui". Et je me suis toujours dit : ne vous inquiétez pas les gars. Nous non plus. C'est comme ça que j'ai commencé à réfléchir au rôle du vote blanc, comment le système électoral devrait être réformé pour qu'un vote contestataire ne soit pas nécessairement un vote pour un candidat extrême, comment le système électoral n'est pas représentatif, à cause de l'existence-même du second tour avec deux candidats, des choix de vote des Français.

L'élection qui se profile me fait aussi peur parce que grâce à ce qui était en grande partie un vote contestataire, un vote désespéré, Jean-Marie Le Pen a l'impression d'avoir pris de l'importance. Je peux avoir tort, mais je pense qu'en le qualifiant de quatrième homme, on lui donne plus d'importance qu'il n'en a. Je ne pense pas que la population française ait la mémoire si courte ou, autre possibilité, qu'elle adhère à ses idées, dans de telles proportions. Je crois qu'en 2007, le vote contestataire ne se situe pas nécessairement chez Le Pen et qu'on semble l'oublier. Quand ses affiches clament que "droite, gauche, ils ont tout cassé", je me dis que Le Pen a senti que le vote contestataire de la bipolarisation de la politique, il ne lui était pas acquis cette année. Mais médiatiquement, 2002 sert tout de même son élection en 2007, en dépit du fait que je ne pense sincèrement pas que la France ait envie que ce type soit à l'Elysée, il se comporte comme s'il était un vrai présidentiable et les dérives que ça entraîne chez d'autres candidats, et en particulier Nicolas Sarkozy, sont véritablement terrifiantes.

Pour ce que je sais, pour ce que je vois, ce que je connais des gens, aucun n'a besoin de ce raccolage à droite toutes. Mais Nicolas Sarkozy croît qu'il y a des voix à récolter et il oriente le débat sur ces terrains-là, pour cette portion de la population qui sait déjà très bien ce qu'elle en pense, mais qui ne sait forcément qui la représente le mieux. Et ça me fait peur. Laisser penser aux gens que les idées d'extrême-droite sont ceux qui doivent guider la phase finale de la campagne, c'est à la fois un paravent et une erreur qui peut conduire loin de par la puissance des retombées médiatiques inévitables.

J'avais prévu de prendre de plus amples informations sur des candidats moins proéminents. Je l'ai un peu fait d'ailleurs. Mais consulter certains sites me glace le sang et je ne m'en sens pas le courage. J'ai l'idée confuse que je vais aller lire des choses qui me font peur de toutes façons, par la violence qu'elles expriment. Je suis tombée sur le blog de plusieurs frontistes (modérés, pas des nazis) au cours de ces dernières semaines. Ca me terrifie rien que d'y penser. Rien de bon ne guide ces partis. Et l'idée seule que dans mon historique se glisse ces adresses de sites, j'avoue qu'elle me fait peur aussi.

Il y a un homme qui pourtant répond parfaitement à ce que j'attends d'un homme politique. Cet homme ne ment pas. Il ne promet pas absolument de tout résoudre avec une formule magique. Il ne promet pas absolument que tout ira mieux. Il ne promet pas que ce qu'il a l'intention d'améliorer se fera sans que les Français aient à lever le petit doigt. Il ne simplifie pas les choses. Il reconnaît que nous vivons dans un monde complexe, un monde fait de diversité et notamment de diversité d'opinion. Que nous ne pensons pas tous pareil. Mais que la plupart d'entre nous qui ne sommes pas dans le secret des Dieux, nous avons besoin de changement et d'améliorations. Ce qu'il dit est simple : vous pensez ce que vous voulez, ce n'est pas la question. L'essentiel, c'est la vie que vous voulez mener. Et c'est pas facile d'y arriver. Et cinq ans, ce n'est que le minimum pour stopper l'hémorragie de la dette de l'état, et apporter quelques réformes simples pour respirer un peu. La vie idéale, elle n'est pas si vous votez pour moi, elle est si vous votez pour moi, si vous élisez aux législatives des gens qui voudront bosser au lieu de s'en mettre plein les fouilles à rien foutre, si vous remontez vos manches avec moi et que vous admettez qu'au bout de ce mandat, ça ira peut-être un peu mieux, mais ce ne sera pas encore ce dont on a rêvé.
Cet homme touche ce qu'il y a de plus humain en nous, il ne renie rien, ni les différences d'opinion ni les différences tout court, il dit simplement qu'elles doivent cesser de nous diviser et nous permettre de mettre nos forces en commun pour faire véritablement quelque chose et nous sortir du bourbier avant qu'il ne se transforme en sables mouvants. Cet homme fait appel à ce qu'il y a de plus humain en chaque Français, il lui dit qu'il a conscience que ce ne sera pas facile, qu'il a conscience que les résultats ne seront pas providentiels, mais que si on n'essaye pas, soit les choses ne changeront pas, soit elles changeront vers le mauvais.

Avec des mesures qui, oui, ne sont pas spectaculaires, mais assumées comme telles parce qu'à leur échelle, elles étrangleront un peu moins tout le monde, du chef de PME au simple étudiant, je crois que cet homme a la possibilité de faire quelque chose de la France que je puisse regarder sans honte.

Cet homme a la réaction que tout homme sain devrait avoir : ne pas blâmer quelqu'un d'autre pour ce qui ne va pas, ne pas espérer que quelqu'un d'autre le résoudra. J'admire la position de cet homme.

Le principe, ce qui compte, ce n'est pas de savoir si cet homme a été ou est de droite, ni s'il bascule à gauche. On s'en fiche. Ce qui compte c'est que cet homme est le plus désireux de faire que chacun reçoive de l'Etat le coup de pouce nécessaire à améliorer un peu sa propre vie et, par voie de conséquence, à son échelle, à améliorer un peu la vie économique de ce pays. C'est le seul homme qui pour le moment ait le courage de dire que ce qui compte, ce n'est pas ce qu'on pense, c'est la façon dont on veut vivre dans ce pays. Pensez à droite, pensez à gauche, pensez à l'extrême... mais quoi que vous pensiez, travaillez avec ceux qui ne pensent pas comme vous. Sortez de la pensée sectaire abstraite et allez de l'avant.

Ca peut paraître utopique et je le reconnais. Mais quand un homme a de bons objectifs, de véritables idéaux, et des idées raisonnables, quelque chose en moi s'éveille et dit que c'est le choix le plus juste. C'est à la fois un véritable vote contestataire, et un vote avisé sur l'avenir d'un pays qui ne semble pas beaucoup avancer sans cette forme d'union.

Un homme qui admet que le monde est complexe, qui ne cherche pas à le simplifier en pensant que je ne suis pas capable de le comprendre, et qui admet que la complexité ne nous simplifie pas la vie, mais peut aussi être tournée à notre avantage, est peut-être une chance pour la France. Je ne suis pas militante, mais pour un homme qui porte en lui de telles valeurs, je ne peux qu'admettre mon profond respect.

Vous voterez vous aussi, dimanche, pour la personne qui appelle à vos idéaux et qui vous semble aussi avoir les propositions adaptées. Mais s'il vous plaît, soyez sûr que c'est bien votre candidat.
Dimanche : votez.
- François Bayrou
- Olivier Besancenot
- José Bové
- Marie-George Buffet
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18 août 2012

Two sides of the same coin

"Tu as le bonjour des parents".
Lancée alors que nous terminons de préparer le déjeuner, sur un ton tout ce qu'il y a de plus banal, la phrase n'a pourtant rien d'anodin.

On est dimanche, et je suis venue visiter ma soeur, que je n'ai pas vue depuis plusieurs mois. Nous avons convenu d'un après-midi dédié aux séries, j'ai amené plusieurs DVD avec moi et nous avons tout un programme de pilotes qui doit nous emmener jusqu'en début de soirée. La veille, ma soeur ("rei", puisque c'est son surnom sur internet) a écumé avec moi, par téléphone, le contenu de ma téléphage-ot-thèque afin de préparer la journée. Elle n'a pas trop suivi l'actu des séries ces derniers temps, elle vient de finir celles qu'elle regardait avec son mari, elle se cherche des nouveautés, m'a-t-elle dit. Disons surtout que c'est la seule chose qui nous lie un tant soit peu, notre seul point commun, et je la soupçonne d'en être aussi consciente que moi. Il y a une raison pour laquelle nous nous appelons de temps à autres, mais ne nous sommes pas vues depuis janvier...

rei et moi ne pourrions être plus différentes. Sans les séries et quelques private jokes usées que nous recyclons depuis l'enfance, je ne suis pas sûre que nous trouverions encore motif à nous voir. rei n'aime pas Paris, n'aime pas dépenser de l'argent dans un resto, ne raffole pas des discussions ou des débats, et vit le genre de vie que, parfois, il m'arrive de jalouser, au long de laquelle elle suit bien le tracé en pointillés qui la mène vers une existence "normale" qui, parfois, présente de curieuses ressemblances avec celle de mes parents.
Elle-même plaisante souvent sur les grandes ressemblances entre son mec, avec lequel elle s'est pacsée l'an dernier, et son père ; on a toutes très bien vu, quand il a débarqué, que le gendre était le premier homme à être si bien accepté, d'ailleurs. Ces deux-là sont sur le même moule à bien des égards. Ca n'est pas dérangeant parce que, bon, ce n'est pas comme si rei avait de réels contentieux avec son père, après tout. Les souvenirs que j'ai de lui n'ont rien de commun avec ceux qu'elle porte, il ne nous a jamais traitées de la même façon ; il avait raison le jour où il m'a dit qu'il ne faisait pas avec elle les mêmes erreurs qu'avec moi, il a toujours été singulièrement conscient qu'il y avait deux poids et deux mesures.
Chaque weekend, rei continue d'aller déjeuner et dîner chez eux le samedi ET le dimanche (si j'ai bien compris). Son mari fait de même avec sa propre famille. Je crois qu'ils tiennent le secret de la longévité, ces deux-là, quelque part, en décidant de compter chacun sur papa-maman pour les repas du weekend, et en ne se retrouvant que le samedi soir pour aller voir les copains, avant de reprendre leur semaine ; mais ça semble, de mon point de vue de vieille conne, être aussi un brin immature et la solution de facilité. A quoi sert de s'installer avec quelqu'un, ou se pacser, si c'est pour se comporter comme des étudiants qui retournent passer chaque weekend chez les parents ?
Ce n'est pas mon affaire, après tout, je le sais bien. rei et moi n'abordons pas le sujet. Ca fait partie de nos accords tacites pour bien nous entendre. Parce qu'on s'entend bien : on rigole, on pépie, on raconte plein de micro-anecdotes sans conséquence ; simplement on s'entend bien parce qu'il y a des limites à ne pas dépasser (n'entrer dans rien qui soit trop personnel, par exemple, ou ne pas parler du passé) et parce qu'on s'appelle une fois tous les mois ou tous les deux mois, et qu'on se voit deux à trois fois par an.

C'est que, pour en arriver là, à ce dimanche pizza-séries-plaisanteries, on a mis beaucoup de temps.

Quand nous vivions toutes les deux chez les parents, c'était littéralement la guerre. On vivait dans une atmosphère de violence rentrée et étouffée, et entre nous, cette violence était plus facilement libérée. On en est venues aux mains plusieurs fois ; j'étais la plus grande, j'étais la plus forte physiquement, il m'est arrivé d'en abuser ; à l'inverse, se sachant immunisée contre les pulsions de mon père, rei avait tendance à avoir un avantage psychologique sur moi, il lui est arrivé d'en abuser.
Elle a toujours été très dure, aussi.

Tout ce qui m'est arrivé, elle en a été témoin, après tout, et c'est le genre de spectacle qui forge le caractère quand on y assiste depuis qu'on a 3 ans. Elle a vu les crises, entendu les cris. Elle a vu, maintes et maintes fois, mon père la désigner comme exemple à suivre pour moi : "regarde ta soeur, elle au moins elle écoute", "regarde, tu fais pleurer ta soeur, tu vois ce que tu nous fais ?". J'étais le mauvais exemple, elle était la gamine au coeur sur la main. C'était pratique de me faire endosser la responsabilité de l'ambiance dans la maison, je le sais aujourd'hui. Je ne sais pas si c'est le cas de rei.
Elle avait 5 années de moins que moi et elle était plus proche de mon père ; et puis, rei avait quand elle était petite le don de toujours suivre. Si ma mère s'intéressait aux Indiens d'Amérique, rei s'y intéressait. Si mon père décidait d'aller dans le jardin, rei l'accompagnait. Moi je rêvais d'Asie et je voulais lire, écrire et dessiner dans ma chambre ; je persistais à être moi-même et ce n'était pas tolérable. rei a toujours eu l'échine plus souple, elle a découvert le secret que j'ai mis longtemps à comprendre pour avoir la tranquilité ; et quand je l'ai découvert, je n'avais pas envie de m'aplatir, il était trop tard. En grandissant, rei a trouvé le moyen, dans une forme de docilité, de manipuler les parents à ses fins, quand sans le comprendre j'étais systématiquement allée au clash. Je voulais juste exister, quand rei acceptait instinctivement le compromis ; elle l'avait intégré très tôt. Moi je n'avais pas du tout capté. Je tenais pour acquis que j'étais détestable et ingrate, parce qu'on me le répétait, mais je n'avais pas compris que mes parents attendaient de moi une soumission totale avant tout, comme une preuve de mon asservissement avant de m'autoriser à grapiller quelques autorisations de développer ma propre volonté. Mes parents et moi n'avons simplement jamais eu la même conception de ce qu'était une famille, on ne s'était pas compris, et de ce malentendu d'origine ont découlé énormément de conflits. Si j'avais compris alors ce que je sais maintenant, peut-être que je l'aurais joué comme rei, subtilement, patiemment. Et peut-être que je me serais endurcie au lieu de saigner à blanc à chaque attaque.

Alors rei m'a, depuis à peu près autant que je me souvienne, toujours un peu méprisée. Cette façon que j'ai d'être émotive, d'analyser ce qui a été ou ce que je ressens, elle ne le comprend pas, et en plus, elle n'en pense pas grand bien. Pour elle, beaucoup de choses sont simples, binaires. Peu de choses l'atteignent.
Parfois elle sort des choses un peu tristes avec le plus grand naturel, que je trouverais dérangeantes s'il s'agissait de ma propre vie ; mais pour rei, ce sont des faits plutôt froids qui ne suscitent aucune forme d'émotion apparente. Oui, elle a dans leur appartement sa propre chambre depuis le premier jour, oui, elle ne passe pas beaucoup de weekends avec lui, oui, elle s'est pacsée parce que c'était plus pratique, oui, il veut des enfants et elle finira par lui en donner pour lui faire plaisir... Parfois je l'écoute parler et je me surprends à vouloir toquer dans son dos pour entendre le bruit de la carapace invisible qu'elle semble porter en permanence. Bien malin celui qui suscitera chez rei une émotion vive et sincère. Peut-être de temps en temps son mari y arrive-t-il, quand elle ne le traite pas comme un inférieur à son service, ou un enfant ridicule.

rei a assisté à tout et ça l'a blindée pour la vie. Depuis qu'elle a quitté l'enfance, je ne l'ai vue pleurer qu'une fois, et certainement pas devant un film, une série, un livre, une musique ou une expérience touchante. Le jour de son pacs, c'était un mardi je crois ; elle m'a envoyé un MMS entre midi puis  est retournée bosser.

De toute façon, nous nous passons très bien l'une de l'approbation de l'autre. Quoi que je pense de son mode de vie, je le garde pour moi, et inversement. Moins nous abordons les sujets vitaux, mieux ça se passe. C'est à cette condition que ma soeur et moi pouvons interagir, et c'est mieux que tout ce que nous avons connu par le passé, du moment où je l'ai trainée sur le dos dans le couloir, à la fois où elle m'a dénoncée pour une bêtise juste aux fins de me voir me prendre une crise de plusieurs heures, en passant par le jour où, quelques semaines après mon emménagement dans le studio à côté de la fac, elle m'a dit : "de toute façon, tu ne fais plus partie de la famille maintenant".
Va pour le statu quo.

Quand, l'an dernier, j'ai expliqué à rei que je rayais les parents de ma vie, elle n'a pas paru plus bouleversée que ça. Peut-être n'y croyait-elle qu'à moitié (j'ai toujours l'impression, peut-être à tort, qu'elle ne fait pas confiance à mes décisions, et que, comme mes parents, elle pense que je finirai par changer d'avis et rentrer dans "le droit chemin" plus tard). Peut-être qu'elle a intérieurement levé les yeux au ciel et pensé que je faisais encore tout un cinéma (je sais, parce qu'elle me l'a dit il y a quelques années, que comme eux elle pense que je n'ai jamais vraiment souffert et que j'exagère). Peut-être qu'elle n'en avait rien à foutre, qui peut dire. En tous cas, quand je lui ai dit que je ne voulais pas la mettre dans une situation inconfortable vis-à-vis des parents, j'ai entendu au téléphone son haussement d'épaules et elle a dit : "oh tu sais, moi je m'en fiche, c'est vos histoires, pas les miennes". Personne n'est dupe : on sait que quand quelque chose châtouille mon père, toute la maison doit en entendre parler pendant des semaines en long en large et en travers ; il allait forcément lui en parler, la prendre à partie. Mais encore une fois, elle a sa carapace qui la protège de toute émotion...

Il m'avait semblé qu'on avait un accord tacite (une nouvelle clause à notre contrat, pourrait-on dire) depuis : ne pas évoquer les parents. C'est arrivé une fois, au début de l'année, où c'était incontournable : elle m'a demandé de leur envoyer une attestation qui, à terme, allait leur permettre de vendre l'appart qu'ils m'avaient loué, et elle m'avait appelée parce qu'elle devait toucher une partie de l'argent de la vente, et que donc elle voulait que je me hâte d'envoyer le document. C'était pas un problème pour moi que d'en parler cette fois-là, ça n'avait rien de personnel.
En juin, par contre, je l'ai appelée pour ses 25 ans, et elle m'a expliqué qu'ils étaient partis en vacances juste à ce moment-là, lui laissant la charge de leur maison, de la cueillette des fruits dans le jardin, et quelques petites autres tâches domestiques, en leur absence. Elle a essayé de se moquer un peu d'eux avec moi mais j'avais pas vraiment envie d'entrer là-dedans. Pour moi, tout ça, c'est loin. Avant j'aurais ri avec elle ; parce qu'avant, rire était un mécanisme de défense. Aujourd'hui ça ne m'intéresse plus d'entendre parler d'eux, je ne vois pas l'intérêt ni de me moquer, ni de l'écouter s'en plaindre.
Encore une chose que je ne comprendrai jamais vraiment chez rei : elle méprise aussi, un peu, les parents ; elle en dit énormément du mal, mais elle continue d'y aller chaque semaine et refuse de vivre dans une autre ville que la leur. C'est contradictoire pour moi : quand quelqu'un t'agace ou te semble avoir un comportement déplacé (partir en vacances sans nettoyer la maison et laisser une liste de taches à faire en partant à leur fille pile au moment de son anniversaire en est un), tu prends un peu de distance, non ? Sans aller jusqu'à couper les ponts comme moi, prendre l'air le temps d'un ou deux weekends par exemple, semblerait plutôt sain. Mais rei a aussi cette forme de loyauté. Elle considère que quoi que fassent les parents, ils restent les parents auxquels on doit respect et fidélité. Weekend après weekend.
Je suis mal à l'aise avec l'idée de médire dans leur dos. Et je n'ai pas envie de parler d'eux plus que des dents de sagesse qu'on m'a arrachées quand j'étais ado. Il n'y en a aucune nécessité. Je ne ressens presque plus de souffrance ; majoritairement, aujourd'hui, il y a des regrets d'une part, parce qu'effectivement, des parents, je n'en aurai pas d'autres, et puis il y a la sensation d'avoir manqué de quelque chose, mais ça s'arrête à peu près là. Je ne leur veux aucun mal, je ne veux pas lister leurs défauts, je ne veux pas m'en plaindre. Ils appartiennent au passé, autant que faire se peut quand il s'agit de parents. Je ne veut pas nier leur existence, mais ça ne m'intéresse pas de les évoquer.
Visiblement l'accord tacite aura besoin d'être explicité un jour.

"Tu as le bonjour des parents".
J'ai eu un rire. Silence. J'ai marqué l'arrêt, puis : "oh, vraiment ?". Elle a mis les oeufs dans la poële et a dit, de son ton indifférent : "vraiment". J'ai marqué une petite pause. "Ah ok, je croyais que tu plaisantais". Et c'est tout.
Mes parents pensent encore à leur dent de sagesse. Ils pensent peut-être que, à force de patience, elle repoussera ? Que tout n'est pas totalement perdu ? Que ce n'est qu'une lubie ?
Le côté permanent de la chose telle que je la vis depuis bientôt un an n'est pas apparemment pas perçu de la même façon par tous.

15 octobre 2004

Eloge de la mufflerie

Si quelqu'un est volontaire pour m'expliquer un petit quelque chose, je suis preneuse : comment se fait-il que je m'accroche à ce type ?

Il est odieux, je hais tout ce qu'il représente, une grande partie de ce qu'il dit, pas mal de ses façons de faire m'inspirent le plus profond mépris. Pourtant, je suis toujours attendrie par les qualités qu'il a (et actuellement il en montre le moins possible pourtant). J'ai envie de continuer à le voir, lui parler, bref entretenir ce que nous avons, en pensant à un avenir qui n'a aucune raison d'être un jour. Car comment pourrions-nous vraiment cicatriser de cela ? Non, question inexacte : comment pourrait-il cicatriser de cela ? Je me connais, je sais que j'ai en moi la force d'aller de l'avant et de dire : "ce n'est pas parce que nous connaissons un mauvais moment qu'il en sera toujours ainsi". Mais lui ? A la moindre difficulté il plie bagage. Les gens s'auto-éliminent de sa vie sitôt qu'ils lui demandent un minuscule effort, il s'en fiche royalement. Pour lui c'est ocmplètement dans l'ordre des choses que les gens auxquels on tient deviennent étrangers. Moi je ne peux pas, et je ne le veux pas non plus. Parce que tout plein de défauts qu'il soit (comme si j'étais meilleure que lui !), il a des qualités que je n'ai trouvées en aucun autre être au monde. Alors je prends patience en me disant que c'est une mauvaise phase.

Pourtant je devrais hurler. Les choses qu'il me dit, sa façon d'agir vis-à-vis de moi, tout est plus que motif valable à un meurtre bestial et passionnel en bonne et due forme. Manque profond de respect, de sincérité... Ce que depuis des mois j'attribue à de la douleur (passagère donc) s'installe, devient un de ses nouveaux automatismes. Il devient le petit riche pourri qu'il jurait ne jamais être un jour. Bien vu. Il est pourri et ne s'en plaint pas. Je le comprends, d'un certain côté : la vie est plus facile ainsi. Ne pas se poser de questions. Attribuer le mal aux autres. Vivoter et se laisser aller. N'avoir aucune vie intérieure. Piétiner tout le monde au moindre coup de blues. S'excuser pour la forme. Me tripoter sans même savoir si j'ai envie.

Mon Dieu cet Ange de douceur devient le pire des muffles. Et quelque part c'est moi la cause de tout ça. Sans moi, il n'aurait jamais connu tant de déconvenues, de déceptions, de colère, de haine, de douleur. Il serait rester l'indécrottable idéaliste qu'il était il y a encore un an à peine. Le petit coeur qui ne s'était jamais ouvert et donc, n'avait pas libéré ses laideurs. C'était un puceau émotionnel, je l'ai violé.

Et si aujourd'hui je n'étais là que pour ça ? A la fois pour ce qu'il a été et pour ce que j'ai volé ? Pour ce que j'ai gâché ? Pour ce que j'ai détruit ? Un mélange d'espoir de le voir redevenir comme avant, et la certitude qu'il ne pourra pas et que je dois faire mon possible pour lui réapprendre la bonté qu'il n'a pas su garder.

Parce que je me souviens qui il a su être, et que ça me fait mal au coeur de me dire qu'il ne le sera plus jamais. Que je voudrais n'avoir pas tout démoli en lui. Je cherche désespérément les qualités qu'il avait ; il n'ose plus les montrer depuis des mois. Il s'est construit, à son tour, une de ces immondes carapaces, et il est mille fois trop tôt pour qu'il baisse sa garde.

Et je me dis que je sais ce qu'il y a là-dessous, j'ai bercé ce coeur pendant des années, je sais quelle personne il est au fond. Mais il ne veut plus jamais que cette personne s'exprime et je ne demande que ça. J'ai besoin de ses qualités, pas de ses défauts. Des horreurs fraîchement apprises de la vie me giclent à la gueule et ça fait mal à la fois d'être traitée de la sorte, et d'avoir fait tant de dégâts.

Mais c'est un tel muffle que parfois je me dis "au Diable la patience ! Je me fiche qu'il soit au fond quelqu'un de bien, je n'attendrai pas ! Je veux mieux !"

Mais surtout pas ! Seule ma patience, mon affection sans défaut, arriveront à un petit quelque chose. Un jour, quand j'aurais tout affronté sasn faiblir et qu'enfin il ira mieux, nous serons à nouveau amis. Pas comme avant, c'est certain. Mais avant n'était pas si bien puisque c'est fini, pas vrai ? Une relation moins déséquilibrée, j'imagine. Et je me féliciterai d'avoir été d'une constance sans faille et d'avoir su attendre. D'avoir su développé ce qu'il y a de meilleur en moi pour que le meilleur en lui ressurgisse un jour.

Ca peut ne jamais marcher. Ca peut ne jamais s'arranger. Vous savez quoi ? Je respirerai plus facilement en me disant que j'ai essayé, et pas à moitié, d'à la fois réparer le mal que j'ai fait, et d'obtenir ce que je sens au plus profond de moi, depuis près de 5 ans, comme être le mieux. Jamais je n'ai ressenti cela pour personne. Ni l'envie de pardonner, ni l'envie d'avancer, ni l'envie de ne pas abandonner. Jamais. Pas même pour moi. Ce que nous avons ne doit pas succomber à cette épreuve.

Mais putain, quelle épreuve.

22 octobre 2004

Le jour et la nuit

J'ai déjà parlé du contraste entre mes journées, réelles (bien souvent trop), et les nuits que je passe à m'imaginer une autre vie, celle-là aussi éloignée que possible de la réalité.

Une fois de plus mes propres rêves me blessent. Il me faut vous dire que je ne contrôle pas ces "jeux", comme je les appelle. Le scénario en est aléatoire, les intervenants, les tours et détours, tout est hors de prise. Grosso-modo, et même le fonctionnement de tout cela est assez difficile à expliquer, je ne décide que de la première image. Le lieu. Tout le reste ne dépend plus de moi. C'est en fait un moment, parce qu'il est entre rêve et réalité, où mon subconscient s'exprime. Et où j'ai la possibilité d'extérioriser des rêves, des pensées et des sentiments que je n'oserais pas m'avouer en temps normal.

Bref, me voilà hier soir embringuée dans une histoire abracadabrantesque, jugez plutôt : Lord T se faisait violer par un bande de salopards et moi je l'aidais à passer ce cap difficile.

Ok, je sais : des fois ça va pas bien chez moi. Sur le coup, je me suis dit "c'est du grand n'importe quoi". Mais en me penchant sur la question, j'ai découvert quelques petites choses. D'abord, Lord T rabaissait un peu son vilain caquet, d'où il ne sort ces derniers temps que des abominations. Eh oui c'est pas joli à dire mais voilà qui, au moins fictivement, lui a appris l'humilité. Et tout cela (ya du génie dans ce subconscient l'air de rien), sans que j'en suis fautive. Eh ouais. Au contraire, finalement, ça me donnait le beau rôle : celui de la demoiselle au coeur noble qui, parce que Lord T avait besoin d'un maximum d'Amour et d'attention, lui pardonnait afin de l'aider à passer ce cap. Et pas du tout en espérant rentrer dans ses bonnes grâces. Non, juste pour avoir bonne conscience.

De fait, ce matin, rude awakening au programme. Parce que Lord T n'est pas au courant qu'il a appris l'humilité ou qu'il a découvert les beautés de mon coeur (toutes relatives en l'occurence). J'en crève depuis ce matin : jamais il ne changera, jamais il ne me donnera l'occasion d'avoir raison d'être aimante et attentionnée, jamais il ne medonnera raison de déployer des trésors de patience et d'amour envers lui. Ce type ne me hait même plus : je lui suis totalement indifférente. Quoi que je ressente, quoi que je fasse, quoi que je dise, c'est pareil.

Je crois que ce "jeu" était un début de prise de conscience (ils me servent souvent à cela), afin de comprendre qu'il est temps de remballer toutes ces choses positives que je tenais tant à entretenir : il est temps d'être une salope, une vraie, de moi aussi mettre de la mauvaise volonté dans l'ambiance à la maison, de faire mon possible pour le haïr et enfin l'évacuer de ma vie comme un déchet biologique. Il est temps que je mette en oeuvre ce que la plus grande partie de ma vie m'a appris : la haine. Pourquoi m'embêter à l'aime contre vents et marées ? Il n'y a que lui qui y gagne dans l'affaire. Et de toutes façons je suis perdante. Alors tant qu'à faire, autant l'emmener en Enfer avec moi.

Et dans l'ensemble, je suis tellement dégoûtée de Lord T et de moi-même (cette petite conne qui cherche à être quelqu'un de bon et se fait manger la laine sur le dos), que j'ai décidé d'ignorer royalement la Terre entière dans les jours à venir, moi y compris ça va de soi. Là, c'est bien fait, le monde n'avait qu'à pas être aussi pourri, j'aurais peut-être fait un effort.

11 novembre 2007

Heureusement qu'il y a la colère

Le cafard s'arrête ce soir. C'est décidé et je n'y reviendrai pas ! Je vais pas me laisser miner par une rupture, il est fini ce temps-là.

Clairement, j'ai passé mon week end à essayer de m'occuper l'esprit pour ne pas déprimer, et en général chaque phase où je m'occupe est précédée d'une autre pendant laquelle j'essaye de trouver quelque chose à faire. Ce qui se résume souvent ainsi : "Et si je regardais quelque chose à la télé ? ...oh non, ya rien qui soit dans le ton. Et si je faisais une news sur mon site ? ...oh non, ya pas de chanson dans l'ambiance à écouter en ce moment." Etc. J'ai donc perdu pas mal de temps à cafarder ce week end, à essayer de trouver quelque chose qui soit dans la même humeur que moi pour pouvoir m'y défouler, mais rien à faire. Et quand on est démotivé, c'est encore plus dur de trouver l'inspiration, d'ailleurs je suis sûre que des séries ou des chansons qui soient à la fois désespérées et pleines de rage, il doit y en avoir, y compris dans les sorties récentes, simplement je n'ai pas l'énergie de chercher, voilà tout.

Je décrète donc qu'à partir de demain, j'arrête tout ça. Je m'endurcis un peu (comme promis), j'envoie paître toute cette histoire, je tourne la page et je passe à autre chose. Lorsque mon contrat actuel sera fini la semaine prochaine, il est absolument hors de question que cette histoire me bouffe la vie.

Je suis tombée sur un mec avec une queue mais pas de couilles ? Et alors, genre c'est le premier !
Ils sont tous comme ça. Ils veulent vivre leur vie de leur côté mais aussi avoir une petite amie. Ils veulent une poupée gonflable qui parle. Qu'on peut ranger dans l'armoire et puis ressortir lorsqu'on en a marre d'être seul. Et puis surtout, se dire qu'il y a du sentiment derrière pour ne pas trop se dégoûter soi-même. La belle affaire, comme si c'était le premier de cette espèce.
On va pas y passer la nuit. Je refuse de me laisser bouffer une fois de plus par des histoires de coeur.

De toutes façons c'est bien simple, il y a tellement de colère et de déception dans mon coeur que j'ai même pas envie de pleurer. C'est ça qui est bien dans cette rupture, c'est qu'il n'y a pas que de la tristesse : il y a le sentiment de trahison et tout ce qui s'en suit, c'est super pratique pour ne pas se laisser démonter.

Du coup au lieu d'être super triste et de passer mon temps à chialer, je suis furieuse et ça se passe drôlement mieux pour moi. Je bouillonne de colère, et c'est sans doute aussi la raison pour laquelle j'ai du mal à trouver une activité, le week end, où je puisse à la fois laisser exprimer cette colère en même temps que ma tristesse. Mais bon, à choisir, ça vaut mieux que de se morfondre. J'aime mieux que ça se passe comme ça plutôt que les fois précédentes où j'étais complètement défaite, démontée, déglinguée, vous voyez le tableau.

Evidemment, en dépit de ma rage, je ne suis évidemment pas dans un état idyllique, la tristesse, la déception et tout ça, ça n'a évidemment pas disparu. Mais ça passe quand même beaucoup mieux que s'il n'y avait pas la colère pour jouer les cache-misère. Je me demande comme il le prend... s'il a envie qu'on en reparle pour poser les choses à plat et essayer de conserver un semblant d'amitié, ou s'il a des regrets, ou s'il veut qu'au contraire on parachève le travail et que je disparaisse définitivement de sa vie.

En même temps, j'arrête pas de me dire que c'est moi qui ai rompu, mais que c'est lui qui est parti. Dans le fond, il n'arien fait pour qu'on reste ensemble. C'est donc un signe de ce qu'il veut. Il doit finalement très bien le vivre, et peut-être même être bien content que j'ai eu le cran de rompre alors que lui n'a pas eu les couilles de le faire. Evidemment il n'aura plus de copine pour les rares fois où ça l'arrangeait d'en avoir une, mais bon qu'est-ce qu'une copine comparée au confort de n'avoir plus d'attache ? Il voulait son indépendance, c'est exactement ce qu'il a eu, il doit être ravi. Un peu retourné que j'aie été virulente au téléphone, sans doute, mais dans lefond, ravi et soulagé, oui, c'est comme ça que je l'imagine.

La colère me permet de le détester pour ce comportement qu'il a eu, plutôt que de m'en vouloir, me détester de n'avoir pas fait ce qu'il fallait pour lui donner envie de rester, ou toutes les conneries que j'ai pu me dire pour mes ruptures précédentes. Je devrais peut-être me remettre en question et me dire que j'aurais dû ci ou ça, mais non, je l'ai fait les fois précédentes et j'ai appris une chose : ça me fait souffrir mais ça ne m'aide pas à affronter les ruptures. Au contraire ça prolonge la douleur pour moi ! Donc merde, quoi. Je vais pas me prendre la tête pour cette rupture comme je l'ai fait pour les autres.

A une époque, la colère prennait le pas sur tous les sentiments chez moi : la surprise, la déception... Je pensais que c'était un défaut. C'en était un par rapport aux autres. Mais dans le cas présent, ça me sauve de la noyade.

Ouais, heureusement qu'il y a la colère. C'est sans doute elle qui me permettra de refaire surface demain, même si le week end a été pourri. Le seul bémol, c'est que ça n'empêche pas encore la tristesse, mais c'est quand même déjà mieux que la détresse dans laquelle je pourrais être plongée.

13 novembre 2007

Sans conséquence

Concrètement : il voulait faire un break mais pas me quitter. Il voulait faire un break mais que je le prenne bien. Il voulait qu'on n'arrête pas de se voir mais s'éloigner de plusieurs centaines de kilomètres. En fait il voulait tout.

Il voulait me faire du mal et que je le prenne avec le sourire.
Il voulait me quitter et que je ne lui en veuille pas.
Il voulait s'en aller et pouvoir revenir quand il voulait.

On ne met pas les gens en pause comme on met en route un écran de veille. On ne peut pas s'attendre à traiter les gens comme quantité négligeable et qu'ils apprécient ! Me laisser sur le bord de la route en espérant que je serai toujours accueillante, faire passer ses désirs avant les miens et espérer une compréhension pleine et entière de ma part... il a vraiment cru à ça ? N'est-ce pas d'un égoïsme cinglant que de me demander une chose pareille ? Encore, me le demander quand ça n'était pas si sérieux, bon allez, qui s'en soucie... mais me le demander à présent ! Sachant pertinemment ce que moi j'attends de l'avenir ! Et par-dessus le marché laisser la porte ouverte à tout revirement de situation, parce que c'est plus confortable pour lui, et espérer que je sois là quoi qu'il décide... Comment peut-on demander ça à quelqu'un qu'on dit, sinon aimer, au moins respecter ?

Il voudrait ne pas fermer la porte mais il ne m'englobe dans aucun de ses projets ! L'avez-vous entendu me dire que je pourrais m'installer dans la même région que lui s'il reste là-bas ? L'avez-vous entendu dire qu'il reviendrait vivre à moins de 100 km de chez moi à un moment ? Non, ni moi non plus. Et la raison en est simple : il veut à la fois tout et rien. Et là il a surtout rien.

C'est difficile de faire des choix, hein ? Etre seul c'est être seul, on ne peut pas être seul et être accompagné en même temps. On ne peut pas attendre de l'autre de l'abnégation quand on ne tient aucun compte de l'autre en question. J'étais sensée comprendre son besoin d'indépendance, d'éloignement, ne rien lui reprocher, tout lui passer et simplement attendre son bon vouloir qui peut-être ne viendrait jamais... Et moi, là-dedans ?

Quand mes désirs à moi sont-ils satisfaits ?
Quand est-ce que je peux ne pas vivre dans l'attente ?

Il voulait une rupture sans avoir à le dire. C'est dommage, j'ai eu plus de couilles que lui. Juste une fois je voudrais être avec un homme qui a plus de couilles que moi.

Juste une fois je voudrais pouvoir en voir : un homme de la race de ceux qui savent se prendre en main, qui savent ce qu'ils veulent et font ce qu'il faut pour l'obtenir, qui assument leurs sentiments, qui savent prendre des décisions et faire des projets, qui sont clairs avec eux-mêmes pour commencer, qui n'entretiennent pas le flou artistique de la soi-disant immaturité si pratique et confortable. Un homme, quoi. Juste une fois, en voir un de mes yeux !

Je vais en chier, mais vraiment en chier, je le sais. Je vais pas dire que c'est la pire séparation, mais c'est certainement celle qui s'accompagne du plus de déception et d'un immense sentiment de trahison, parce que j'ai fini par croire qu'il était différent, parce que l'espoir que j'avais perdu avant de le rencontrer avait finir par renaître avec lui. Parce qu'il avait entretenu mon ignorance par des allusions que j'étais sensée déchiffrer...

Je vais en chier, mais merde, qu'est-ce que je peux faire d'autre que de laisser tomber ?

Je me souviens : il y a quelques mois, à l'issue d'une discussion, il m'avait dit qu'il était immature et qu'il avait envie de changer pour ne pas me perdre. J'ai regardé ses grands yeux bleux tristes à ce moment-là et j'ai dit : " tu sais, je t'aime parce que tu es capable de te remettre en question, ça me rassure. "

Me suis-je trompée sur lui ? Ou, bien que se remettant en question, ne tire-t-il aucune conséquence des questions qu'il se pose ?

En tous cas plus le silence s'installera, plus, de toute évidence, j'aurai du mal à aimer cet homme-là.

Je n'ai pas envie d'un lâche qui s'enfuirait puis couperait le contact au lieu de discuter. Je n'ai pas envie d'un pleutre qui préfèrerait se réfugier derrière l'émotion pour ne rien régler. Je n'ai pas envie d'un inconséquent qui prendra des décisions pour lui seul et attendra que j'en accepte les conséquences sur mon existence sans broncher.

Il veut être seul ? Il fait tout pour en tous cas. Je l'ai quitté, d'accord, mais c'est lui qui a choisi de partir, de partir le plus loin possible et de ne rien faire pour me faciliter la vie. Il disait qu'il comprennait que pour moi ce n'était pas facile, mais il n'avait que ça à faire, comprendre. Moi j'ai été obligée d'acepter et courber l'échine, et me mettre entre parenthèses pour son bon plaisir, pour lui simplifier la vie. Qui a simplifié la mienne ?!

Une fois, rien qu'une fois, tomber sur quelqu'un qui pense aussi à moi.

Il ne faudra pas venir se plaindre ensuite de m'avoir perdue bêtement. J'aurais suffisamment prévenu de ce dont j'avais besoin et envie.

19 novembre 2007

Désintox

Le sevrage est rude mais comme il est m'est infligé brutalement (en dépit de certains efforts de ma part pour laisser la porte ouverte à la discussion), il va certainement être plus rapide à terme. En une semaine je me dis que j'ai quand même bien progressé, je suis sur la bonne voie pour guérir au plus vite de tout ça. D'accord, je suis en train de me refermer comme une huître, d'accord, je vais devenir distante avec tout le monde, d'accord, le prochain mec qui voudra s'y essayer va en chier parce que je vais être encore plus blindée, mais dans tous les cas c'est mieux que pleurer sur mon sort pendant des mois. Je l'ai dit, je veux pas en repasser par là.

Maintenant que je n'ai (presque) plus que ça à faire, j'emploie beaucoup de mes forces dans ce processus. Je me dis que j'ai une fenêtre de deux semaines environ pour me débarrasser définitivement de tout sentiment envers lui, et que lorsque mon nouveau travail commencera (et ç'a intérêt à se faire comme je le veux parce que sinon je ne réponds plus de moi), je me le serai ôté de la tête et je commencerai une nouvelle phase de ma vie, épurée d'un tas de douleurs et de doutes, et que je pourrai me tourner vers l'avenir, pour une fois. Ca ne peut que me faire le plus grand bien d'avoir un avenir. Ca me changera.

Après tout si lui peut m'ignorer si facilement et sans regret, il faut que j'en sois capable aussi, et il n'y a pas de raison pour que je n'aie pas cette capacité. M'expulser de sa vie semble facile, donc la réciproque doit nécessairement l'être aussi. C'est ce que je me répète. C'est juste une question de volonté. Si je veux vraiment ne pas souffrir longtemps, ne pas attendre d'email ou de coup de fil comme une ado désespérée à laquelle je me fais encore trop penser, si je veux pouvoir être libérée de ma colère aussi, si je veux ne plus me sentir abandonnée et trahie, alors il ne dépend que de moi d'accélérer le mouvement et faire mon maximum pour, à mon tour, le sortir de ma vie. Et de mon coeur dans la mesure du possible.

Evidemment, pour le moment ça mouline encore un peu là-haut. Bah oui, passer son temps à chercher à oublier quelqu'un, c'est quand même encore penser à lui. Mais ça fait partie du processus et ce n'est qu'une question de temps. Je me le suis promis.
A quoi je cogite depuis une semaine ? J'essaye de comprendre pourquoi j'ai tenté d'être toujours la plus claire possible sur mes intentions, mais pourquoi j'ai aussi accepté d'essayer de comprendre, deviner et anticiper ce qu'il voulait, au risque de mal interpréter ou ne pas déchiffrer tout ce qui lui semblait implicitement évident. Il est clair que je n'aurais jamais du accepter un tel fonctionnement dans notre relation, qui ne pouvait que m'induire à me compliquer la vie et accessoirement, à des erreurs d'interprétation qui se sont avérées catastrophiques. J'aurais dû exiger de la clarté moi aussi. J'aurais dû exiger exactement ce que je donnais. Mais encore une fois j'ai cherché à être compréhensive. Je me hais quand je suis comme ça, vous pouvez pas vous imaginer.
Quand je pense que ça faisait des mois qu'il me disait qu'il voulait son propre appart ("mon chez moi"), et qu'en fait ça voulait dire qu'il voulait s'éloigner et prendre du recul sur nous, je me dis que je me suis encore une fois faite piéger (moitié par lui, moitié par moi). Il lui a suffit de prendre un air penaud et de déclarer qu'il était immature pour que je le prenne en pitié et que je fasse la démarche d'analyser toujours ce qu'il faisait et disait, et ainsi il n'a plus jamais eu à se donner le mal de communiquer clairement ce qu'il voulait. Pourquoi j'ai refait exactement cette erreur, ça je voudrais encore bien comprendre. Concrètement, du jour où il m'a dit qu'il voulait son "indépendance", on ne vivait déjà plus la même relation. Pas parce que je voulais absolument qu'on vive ensemble (ça m'aurait bien plu mais c'était pas absolument indispensable dans l'immédiat) mais bien parce qu'à ce moment-là, visiblement, ça voulait dire qu'il voulait prendre de la distance d'avec moi, géographique mais surtout affective. Ca lui semblait évident, mais pas assez pour le formuler ; c'est pas la peine de le lui reprocher, c'est un mec, les mecs n'ont jamais les couilles de dire ce qu'ils pensent, un mec clair sur ses intentions ça n'existe pas. Non je crois que j'en suis à un point où je me reproche surtout d'avoir accepté d'entrer dans sa tête pour son confort, ainsi que d'avoir cru en une relation qui n'existait déjà plus.
Mais ça me passera, c'est une question de volonté, je le répète.

Déjà tout ça porte sur le passé. Pas sur un éventuel futur.
Certes il y a mes régulières démarches pour ne pas être hostile et rester ouverte à des contacts ultérieurs (autant pour lui montrer mes intentions que pour ne pas me laisser gagner par la rancoeur ; je suis bien consciente que du jour où je vais m'autoriser à me laisser gagner par la rancune je deviendrai aigrie, et ça non merci), mais je ne nourris aucun espoir et je sais que c'est définitivement fini. S'il y avait une quelconque espoir, lui aussi aurait fait un geste en mon sens. Or il a opté pour le silence radio, ne rien chercher à arranger, donc autant en faire mon deuil vite fait. Il n'y a pas de futur possible. Ni amical ni rien. Plus jamais. Autant m'y faire. Je sais très bien que lorsqu'on a perdu l'amour de quelqu'un, on ne peut jamais plus y faire quoi que ce soit, et surtout si c'est un homme, parce qu'ils ne font jamais aucun effort de réconciliation.

J'ai passé le reste de mon week end à me prendre la tête sur des CMS clé en main. C'était pas tellement que j'avais envie de tout recommencer à zéro, ni même que je voulais expérimenter Joomla! au cas où j'obtienne cet autre poste où il est utilisé (les deux excuses seraient parfaitement valable mais ce serait pas honnête de dire qu'elles en sont la raison), en fait c'était surtout dicté par la volonté d'essayer d'aller de l'avant par moi-même.
Parce qu'il le faudra bien et qu'il ne veut visiblement plus rien avoir à faire avec moi, il faut que j'élimine tous les aspects de ma vie où il intervenait. Sinon c'est la porte ouverte à tous les regrets et à des salves régulières de larmes dues au manque. C'est pas la peine d'y penser, je veux pas en repasser par là.

Il voulait qu'on s'éloigne ? Je m'en vais à grands pas. Ca fait mal pour le moment, mais c'est normal, dans toute désintox, la première période d'abstinence est la plus dure.

26 mai 2008

Je suis personne

Quand j'étais plus jeune, vous ne m'entendiez pas dire que je voulais être une actrice ou une chanteuse célèbre. Autour de moi tout le monde voulait être l'un ou l'autre (quand autour de moi on arrivait à penser à l'avenir, mais c'est fou, de l'avenir, plus on en a, moins on y pense). Le plus mégalo que j'ai eu, comme projet de carrière, c'était scénariste pour la télé. Ca m'est passé, cela dit, lorsque j'ai compris que bouffer à sa faim c'était déjà pas forcément facile, inutile de chercher à décrocher la lune tant qu'on n'a pas les pieds bien ancrés dans le plancher des vaches.
Mais en tous cas, même là, je n'avais pas spécialement des rêves de gloire. Je me voyais juste écrire, écrire, écrire... peut-être éventuellement mettre en scène. A peine. Non, écrire, vraiment.

J'ai pris des cours de théâtre pendant plusieurs années. Mais je ne voulais pas absolument jouer.
Au mieux, j'aurais aimé faire rire, écrire un one woman show ou un truc du genre (écrire, encore) et faire rire les gens. Mais mon prof de théâtre m'a rompue comme un bambou lorsqu'il m'a asséné un violent "tu es faite pour la tragédie, tu as un visage pour la tragédie, un prénom pour la tragédie". J'avais 16 ans et chaque soir je continuais de me faire humilier par mon père ; la tragédie, ça allait bien, non ?
J'ai joué une dernière fois dans une de ces pièces pourries et pseudo-expérimentales, où les comédiens se comportent comme s'ils déclamaient de la grande poésie tout en racontant les pires banalités du monde, dans une de ces pièces pourries qui ne touchent que ceux qui y jouent et pas ceux qui les regardent, dans une de ces pièces pourries dirigées par un comédien de seconde zone se prenant pour un auteur d'avant-garde, avec des extraits de ci qui trouvaient résonnance dans telle parodie de ça... et j'ai laissé tomber. J'ai quand même attendu d'être totalement dégoûtée pour faire économiser les cours de théâtre à mes parents, 'pas déconner.
J'ai pas mal dessiné à un moment. Rétrospectivement, c'était de la merde (aujourd'hui aussi, mais j'assume : je ne le fais plus qu'en connaissance de cause). Mais ça me permettait aussi d'essayer de canaliser certaines choses. Je pense maintenant que sans ces années à dessiner partout, tout le temps, et surtout n'importe comment, je n'aurais jamais compris à quel point j'aime les mots, un par un ou en bouquets, à quel point j'aime jouer avec, à quel point j'aime les apprivoiser, à quel point j'aime les faire parader sur d'innombrables feuilles, d'innombrables cahiers, d'innombrables blogs maintenant...
Mon truc ça a aussi beaucoup été (et ça l'est toujours pour le moment) les images. Une gourmandise d'images. En voir, bon, pourquoi pas, mais surtout en regarder plein. J'ai besoin d'images. D'images avec du son, autant que possible. Mais surtout les images. Qu'y a-t-il de plus précieux que cette différence d'un demi-millimètre dans le regard de quelqu'un entre la surprise, la rage et le désespoir, les nuances qu'on peut lire dans l'oeil d'un type qu'on interviewe ou qui joue la comédie ? Franchement, c'est super précieux, ça ! Balancez les images, j'ai l'oeil en demande ! Mais jamais de la vie je ne me suis dit que je pourrais être sur ces images. Je n'ai jamais rêvé passer à la télé et d'avoir mes 15 petites minutes contractuelles de gloire. La fois où ça m'est arrivé, j'ai pas vu l'intérêt (enfin, bon, normalement il me reste 10mn sur mon quota Andy Warhol, qui sait ?). Mes parents étaient là "on va te voir à la télé, viens vite" et je ne voyais pas à quoi ça servait. En plus, 5 minutes, c'est rien quand on vit entourée de mots. En 5 minutes on n'a le temps de rien dire.

Nan en fait, j'ai sans doute eu des périodes où j'espérais un peu de reconnaissance, mais pas la gloire "je suis number one", juste être reconnue pour ce que j'aurais fait.

Mais voilà justement où le bât blesse. Qu'est-ce que je fais ?

J'ai toujours pensé que mon truc, c'était écrire. Ca fait depuis l'école primaire que quand j'ai du temps pour moi, je finis par ne faire que ça. Quel que soit le moyen, quel que soit le sujet, quel que soit le support, je finis toujours par écrire. Et écrire c'est bien mais cycliquement c'est pas suffisant. Je me relis et je sais que j'écris mieux que la moyenne, c'est pas trop difficile quand on voit l'usage que font d'aucuns du français, mais est-ce que j'écris bien ? Je ne sais pas. Il y a un moyen de savoir ?
Est-ce que ça se mesure à, je sais pas moi, la quantité de gens qui me lisent ? La quantité de ceux qui me font des louanges ? La quantité de ceux qui me conspuent ? Je n'en sais fichtre rien. Est-ce que ça se mesure, seulement ? Est-ce que quelqu'un qui écrit n'est pas condamné à toujours demander s'il saigne de l'encre ou si ses stylos tracent de la merde ? Des fois, je me relis, et je me dis que mes mots oscillent entre le néant et le génie. Plus de néant que de génie, largement plus, mais j'ai des jours, quand même, parfois, où je me surprends. Si je me surprends moi, ça doit être pas mal pour les autres, non ?
Mais en fait, qu'est-ce que j'écris ? Aujourd'hui, 90% de ce que j'écris va sur mon site. Quelle belle merde ce site. Un site éternellement inachevé parce que je n'ai pas su m'entourer de personnes fiables. Oui, je pense à toi plus particulièrement. Un site qui ne fait que caresser dans le sens du poil les plus cons des leechers de Jmusic de cette planète. Ils n'en ont même rien à foutre, de ce que j'écris. Ils constituent l'immense majorité de mon lectorat, et ils ne me lisent pas. Ils viennent pour des videos, et juste les videos. Ca ne sert à rien de finir tout ça, ils s'en branlent tous, de ce que je peux bien écrire. La moitié de ceux qui sont prétendument francophones ne savent même pas lire, et encore moins écrire. Les rares qui pourraient éventuellement poser les yeux sur mes mots n'en ont probablement rien à foutre justement parce que ce site propose des videos et que ça retire toute légitimité à ce que je pourrais écrire. Site de merde, qui est à la fois ce en quoi j'ai mis le plus de passion ces 4 dernières années, et ce qui m'a le plus vidée de ma sève.
Ah, et puis ya les blogs aussi. Faut que j'arrête avec ces conneries. Là aussi, c'est vraiment une odieuse merde tout ça. Me gargariser de mots juste pour parler d'une série télé, ou pire, de moi, nan mais franchement. C'est pas vraiment ça écrire. C'est juste une façon de vouloir exister. Mais je n'existe pas. Comment j'existerais avec tous ces petits morceaux de moi disséminés en plein de petits textes insignifiants ?

Et pourtant, ce qui est déstabilisant, c'est que ce site, c'est mon plus grand accomplissement. C'est le plus grand que mes mots aient créé. Je ne dis pas que je ne peux pas faire plus (j'ai juste trop souvent l'impression que je n'y arriverai jamais, là se trouve la nuance), je sais que je peux porter le projet plus loin, et je vous jure que d'une certaine manière j'y suis presque... Mais quand je le regarde, je me dis que c'est quand même déjà pas mal, non ? Je veux dire : combien l'ont fait ? Combien ont assuré sur 3 ans et demi cette mission que je me suis donnée de partager ma passion, partager ma vision, partager ma... un autre mot en -ion ? Je veux dire, c'est un sacré défi et chaque semaine je continue de le relever. Dans des mails... c'est vrai, ça, d'ailleurs, tiens, mon orgueil m'aveugle, je reçois des mails flatteurs... et dans ces mails disais-je, on me dit que le site est super, que c'est énorme ce que je fais... Il y a tous ces commentaires qui remercient pour le service rendu, pour la découverte et la passion. La passion de la découverte. La découverte de la passion.
Mais ce type de louanges, je n'arrive simplement pas à les envisager comme valables. C'est si minuscule finalement, ce que je fais.
C'est colossal et minuscule, ce site...

Ce qui est troublant c'est que ces dernières années, je voulais simplement survivre, j'avais oublié toutes ces histoires de reconnaissance qui déjà, il y a longtemps, me posaient question sur la façon dont je pourrais me lire dans mon écriture. Et dont les autres me liraient dedans, également.
Quand j'ai même créé ce site, j'étais justement à une époque où je n'existais plus, où je venais de passer des mois à me rétrécir à vue d'oeil, je me contentais de surnager et je me suis raccrochée à ce site à ce moment-là. Je n'existais pas mais j'avais quelque chose pour m'animer quand même un peu...

Mais là, depuis quelques semaines, je veux exister.
Et je sais bien pourquoi ça me le fait. C'est ta faute à toi. A toi, là, oui ! Je te regarde et je me dis : mon Dieu, mais alors on peut exister ? On peut être soi-même sans concession ? On peut vivre sa passion, sa folie, sa connerie et tout le reste, on peut être soi-même au travers de ce qu'on fait le mieux ? On peut arriver quelque part ? On peut faire son chemin sans sacrifier ce que l'on est ? On peut se lire dans les yeux des autres ? On peut se trouver un public et recevoir quelques applaudissements de gens qu'on n'a pas eu besoin de payer ni d'aimer pour qu'ils nous flattent ? On peut être reconnu ? Pas ultimement célèbre, mais reconnu pour ce qu'on fait ? On peut ?
Je te regarde depuis quelques semaines et les révélations s'enchaînent. Par exemple celle qui me fait comprendre que je n'ai pas envie d'être comme toi, mais que j'ai envie d'exister comme toi.
C'est cruel de voir des gens comme toi exister quand on est personne, comme moi.

La majeure partie du temps, ce que tu fais est super con, et souvent franchement nul aussi. Mais tu le fais bien. Et surtout, tu existes à travers cela. Je ne sais pas si je suis/serais capable de vivre à travers ma plume, moi aussi. D'être moi-même sans concession. D'écrire des choses super connes et franchement nulles, moi aussi, mais les faire sans retenue, et avec quelques retours positifs. Et un peu plus que ça si j'ai de la chance et/ou du talent. Mais si j'avais de l'un et/ou de l'autre, ça se serait déjà produit, non ?
Comme celui qui bien souvent t'accompagne, je voudrais réaliser, un jour, qu'il y a des gens qui aiment ce que je fais. Même si ce que j'écris ne fait pas l'unanimité, simplement qu'il y ait des gens derrière moi. Qui me lisent. Qui s'abreuvent de ce que je fais comme étant l'une des sources de leur divertissement, de leur plaisir, de leur passion, de leur sensibilité... de quelque chose. D'eux.
Est-ce que je fais déjà ça ? Je ne pense pas. J'aimerais bien mais vraisemblablement, non, je n'y suis pas du tout.

Ce que je ne comprends pas c'est que tout en vivant cette remise en question, je m'aperçois aussi que je suis tellement plus épanouie et à l'aise avec moi-même qu'il y a quelques temps encore ! J'ai perdu une grosse partie de mes inhibitions, ces trucs qui me pourrissaient la vie et me rendaient plus sage que je ne voulais l'être ; quand mon cerveau criait les mots, ma bouche refusait de les prononcer, de peur que... La peur, encore.
Aujourd'hui on peut dire qu'en plus de les écrire, je ne mâche plus mes mots. Aujourd'hui il arrive que je livre les mots tels quels et que je laisse les gens se débrouiller avec. Aujourd'hui je ne fais plus qu'écrire, j'ai appris à dire aussi. A asséner. A plaisanter. Je me regarde il y a, quoi, cinq ans ? Je n'étais pas coincée, non, j'assumais déjà ce que j'étais et ce dont je voulais être faite, et il m'arrivait même à l'occasion de trouver un public facile pour ce que je faisais, j'attirais l'attention, mais ce n'était rien comparé à celle que je me sens être devenue à présent. Aujourd'hui j'ai l'impression de m'approcher encore un peu plus de moi-même de par l'aisance que j'ai gagnée. Je ne sais d'ailleurs pas bien, au juste, d'où elle est venue, cette aisance, alors que j'ai l'impression de sortir d'une série d'échecs cuisants.
Mais peut-être qu'un jour je serai tout-à-fait moi-même, sans limite et sans retenue...

Je te regarde, notamment ton regard assuré et franc, celui qui semble capable de soutenir n'importe quel autre, et je me demande ce que tu verrais si on se rencontrait ? Me traiterais-tu en égale, comme l'une de celle qui a accompli son petit bout de quelque chose ? Aurais-je l'air d'être complète ? Aurais-je l'air de n'avoir pas fini mon chemin ? Te dirais-tu que je suis insignifiante ? Quelqu'un qui a ton assurance et qui commence à récolter les fruits, que penserait-il de mon parcours ?

Pourquoi j'ai tellement besoin de me lire dans les yeux des autres ? Il faudrait que je commence à m'écrire pour moi, peut-être... c'est ce que je pensais faire, mais au vu de ce post, il faut croire que non. Ce n'est peut-être que comme ça que j'arrêterai d'être personne.

13 janvier 2009

Lettre de rupture avec l'homme que je n'ai pas connu

Il y a ce film avec Alec Baldwin sur TF1... J'étais amoureuse d'Alec Baldwin quand il avait 15 ans et 15kg de moins. Je déteste ce film, vous savez... De toutes les comédies romantiques que j'ai vues, c'est le pire. Parce que, d'habitude, le mec est un bellâtre sans intérêt et la fille a de l'eau entre les oreilles, mais là, les deux personnages se stimulent intellectuellement, on les sent sur la même longueur d'ondes sur le fond et pas que la forme, ces deux personnages, on sait pourquoi ils sont ensemble, ce n'est pas simplement la faute du scénario qui espère coller les deux stars ensemble pour faire pleurer les adolescentes, non cette fois, les deux personnages sont vraiment compatibles.
Ca me rend donc doublement folle de rage.

Parce que ce n'est pas juste. Parce que moi aussi, évidemment, je suis une vieille adolescente sur le retour, et que du coup moi aussi j'ai envie d'avoir un mec avec qui je pourrais parler de tout ce que j'aime, me prendre la tête, me déchirer et me remettre. Ca fait d'autant plus chier que ce mec n'existe pas. Parce que ce mec, il n'existe que dans les films, je suis désolée.

Oui, je suis désolée.

Je suis désolée d'avoir arrêté de te chercher. Chaque fois que je l'ai fait j'en ai trouvé un autre que toi. Quand j'arrêtais de te chercher, je ne te trouvais pas pour autant. Tu ne venais pas de toi-même, non plus. Sans doute que nous ne devions jamais nous rencontrer. J'ai abandonné.
Je ne crois plus que tu existes. Tu n'as sans doute jamais été qu'une histoire que les mères racontent aux filles, que les filles racontent aux filles, et que les films racontent aux filles, comme le fait traitreusement Alec Baldwin quand il joue avec mes nerfs. J'ai arrêté de te chercher non pas en espérant que tu te pointes miraculeusement quand je m'y attendrais le moins, comme on me le répétait, mais parce que j'ai arrêté de penser que tu existais.
Je suis désolée de t'avoir pris pour un autre. Évidemment, en chacun d'entre eux, il y a toi. Un peu de toi. Mais ils ne sont jamais toi. Ce qui est plutôt normal puisque tu n'existes pas. Je n'avais aucune chance. Mais malheureusement, à cause de cette drôle d'idée que j'avais, je les ai pris pour toi, et toi pour eux. Du coup, je suis désolée pour toi autant que pour eux.
Je suis désolée de leur avoir fait peser le poids de mon espoir que tu existes. C'était trop grand pour eux. Ce le serait pour n'importe qui. Ils n'ont pas plus démérité que n'importe quel autre homme, ils ont fait de leur mieux, leur mieux était trop peu comparé au tien, alors forcément...

Je suis désolée d'avoir aimé tes yeux sans couleur, tes mains sans chaleur et ton corps sans mensurations. Je suis autant désolée pour toi que pour moi, d'ailleurs.

Je suis désolée d'avoir cru en toi avant de me rendre compte que ces choses-là n'arrivent pas, et plus désolée encore de ne plus réussir à y croire.
Ca fait vraiment chier de vouloir quelque chose en quoi on ne croit plus.

11 mai 2009

Le problème avec le sexe - Tome 2

Mais bien-sûr que si, j'ai un problème avec le sexe. J'ai beau prétendre le contraire, c'est quand même le cas. Par périodes, je fais comme si de rien n'était, mais le fait est que j'ai un problème avec le sexe.

J'ai un problème parce qu'en-dehors de mes blagues salaces, je ne pense jamais au sexe. J'ai un problème parce que quand je n'ai personne dans ma vie, le sexe ne me manque quasiment pas. J'ai un problème parce que quand j'ai quelqu'un dans ma vie, le sexe reste au second voire troisième plan. J'ai un problème parce que je n'aime pas le sexe seule (je m'y suis mise à l'âge canonique de 23 ans et n'y suis revenue que très très rarement ensuite). J'ai un problème parce que je juge systématiquement les gens qui se font des plans d'une nuit. J'ai un problème parce que je ne conçois pas le sexe sans amour, ou au moins quelque chose d'approchant.

A 18 ans, je voulais rester vierge jusqu'au mariage, y compris de moi-même. Ce n'était pas religieux, c'était une simple question de peur de ne pas pouvoir assumer la conséquence de mes actes. Et puis effectivement, les conséquences de mes actes n'ont pas été faciles à assumer, d'ailleurs. Mais à 19 ans, mes bonnes résolutions étaient tombées. Mais je pense que j'en ai toujours gardé quelque chose...

Quand j'ai eu mon premier petit ami, le soir au téléphone, nous discutions des heures, et de fil en aiguille, nous finissions par nous dire ce que nous ferions si nous étions ensemble. Pour moi, ça ne prêtait pas à conséquence. C'était comme de "jouer", mais avec un second joueur dans la partie. J'ai su bien plus tard que s'il raccrochait juste après, ces soirs-là, c'est parce qu'il s'était tripoté au téléphone pendant qu'on parlait. S'il ne me l'avait pas dit, je ne l'aurais jamais deviné. Et j'ai été choquée un long moment avant de me dire que, pour un jeune garçon de 17 ans, ce n'était pas très étonnant.

Quand plusieurs années plus tard, nous avons emménagé ensemble, ça me rendait folle qu'il se masturbe dans la douche, sans moi. La vie sexuelle, je ne la concevais pas autrement qu'à deux. Quitte à parfois ne pas la concevoir du tout quand le coeur n'y était pas. J'avais l'impression de trop souvent me refuser à lui, et quand il finissait par me faire savoir que, hein, ça faisait X semaines, je sacrifiais au "devoir conjugal" de peur qu'il ne se réfugie sous la douche. L'un n'empêchait hélas pas l'autre. Je n'ai jamais compris cette façon de faire.

Quand G et moi faisions connaissance, il me disait parfois qu'il avait rêvé de moi, des rêves érotiques (une chose qui m'est quasiment inconnue d'ailleurs), et j'étais ennuyée parce que, dans le fond, je n'avais pas demandé à y être, moi ! C'était comme si j'avais dans son esprit une vie sexuelle que je ne voulais pas avoir (pas alors). Je me sentais souillée. J'avais beau savoir qu'il n'y pouvait rien, et que, même s'il y avait pu quelque chose, je n'avais pas le droit d'interdir à son imagination de galoper, je ne trouvais pas ça très correct de m'embarquer dans pareilles aventures sans mon consentement.

Combien de fois m'a-t-on demandé quels étaient mes fantasmes... et je n'en avais pas ! Je me creusais, je me creusais... je tentais de trouver quelque chose, mais ce n'était pas sexuel, c'était, en fait, plus souvent émotionnel qu'autre chose.

Mon éducation sexuelle, ironiquement, c'est G qui me l'a donnée, alors que lui n'en avait aucune, simplement parce qu'avec lui j'ai repris les choses à zéro, et appris pas à pas les bases. Et sur la fin, si je n'avais pas eu l'esprit encombré par tout un tas d'autres soucis, je pense qu'on s'en serait donnés à coeur joie. Il m'avait ouvert des horizons, m'avait révélé des choses pourtant simples, m'avait permis, aussi, de fermer la porte sur certaines choses qu'il ne me forçait jamais à faire, même si cela devait lui donner des regrets. Avec lui, les choses étaient finalement plus saines. Le weekend final a été sans doute l'une de mes plus grandes révélations.
Mais quand il est parti, qu'ai-je fait de ces horizons ouverts ? Rien. Je n'ai jamais cherché à le remplacer. Pas même "pour l'hygiène", comme dit ma copine. M'en fous. J'ai refermé tout ce qui était ouvert, et puis c'est tout. Même quand ça allait mieux, même quand ça va mieux, finalement, les quelques révélations qu'il m'a apportées n'auront pas servi à grand'chose.

Encore aujourd'hui, même après m'être décoincée sur pas mal de choses, m'être affirmée sur d'autres, et connaître plus précisément mes envies et mes limites, je reste quand même assez distante vis-à-vis de cette part de ma vie. Ce n'est sans doute pas très "normal" au sens strict, mais tout de même relativement compréhensible quand on voit que je me laisse submerger par d'autres aspects de mon existence. Les loisirs, le travail, la dépression : ils sont sur mon podium des préoccupations. Le sexe finit toujours en fin de peloton...
Sans doute aussi que mon éveil tardif à la question n'y est pas étranger. Je n'ai pas eu l'impression d'être élevée dans un milieu où le sujet était tabou (ma mère ne me racontait-elle pas cet aspect de sa vie quand j'étais plus jeune ?), il n'y avait aucun motif religieux là-dessous, mais les choses se sont faites très lentement, voilà tout. Et sont toujours en cours de développement, finalement.

Ce matin... ce matin je me suis réveillée dans un état qui m'est quasiment inconnu. Ca a dû m'arriver, quoi, deux ou peut-être trois fois dans toute ma vie. Je pense que d'en avoir parlé avec T il y a quelques jours avait dû un peu me travailler, si j'ose dire. A travers le rideau, le ciel s'éclaircissait à peine, un peu comme mon esprit encore embrumé.
Alors ce matin, je me suis autorisée. Juste cette fois. D'habitude je ne me permets pas d'aller si loin, et surtout pas en pensant à quelqu'un de précis.

Et quand le ciel a été vraiment clair et moi aussi, j'ai pensé : "je suis désolée".
Cet homme-là n'a jamais voulu que je pense à lui de cette façon. Il est entré dans ma vie avec un tout autre objectif et n'a fait que s'y tenir, sans rien demander d'autre. Alors ce n'est pas juste de l'embarquer là-dedans. Ce n'est tellement pas juste de le traiter en objet, même une fois tous les cent ans. Ce n'est pas juste ce que je fais, quand je ne ressens rien pour personne, de combler artificiellement mon vide avec des hommes que je choisis volontairement parce qu'inacessibles. Et ce ne serait pas tellement mieux de les piocher dans mon entourage, de toutes façons. C'est comme si je leur enlevais un peu de leur dignité juste parce qu'une fois de temps en temps, je suis faible.

Je suis tellement désolée d'être humaine à ce point-là. Si tu savais (et tu ne sauras jamais), je suis tellement désolée de t'utiliser comme ça.
Ces matins-là, juste ceux-là, je voudrais avoir encore 18 ans dans ma tête, et avoir conservé un semblant de pureté quelque part en moi, qui me permette de ne pas toucher à la dignité d'un autre simplement parce que je n'ai pas su contrôler une impulsion.

Eh oui lady, parfois, être humaine, c'est devoir l'être avec les inconvénients. Tu ne pourras jamais être un pur esprit, résigne-toi.

6 février 2011

Saine colère

C'est vrai que je suis furieuse. Je ne décolère pas, à vrai dire.

Première cible de ma colère, mon amie. Je ne sais pas ce que j'attends d'elle, sans doute beaucoup trop, mais je lui en veux énormément. Ce n'est pourtant pas sa faute, pas du tout. Mais voilà c'est elle qui prend. Peut-être que j'attendais d'elle quelque chose de plus inconditionnel. Peut-être que j'attendais d'elle qu'elle me soutienne beaucoup plus. Peut-être que je n'ai jamais résolu cette espèce de jalousie larvée que je ressens envers elle depuis plusieurs mois, pour ce qu'elle est, ce à quoi elle ressemble et le temps qu'elle passe avec lui. Peut-être tout simplement que c'est cette jalousie qui explose aujourd'hui.

Deuxième cible de ma colère, lui. Parce que la vérité c'est que je lui en veux énormément. Alors que ce n'est pas sa faute. Il n'a rien demandé, après tout. Mais voilà, il a mal géré. Et en même temps il a tenu un discours assez clair, plutôt honnête, et relativement touchant. Et pourtant ça ne me suffit pas. Il a peut-être été trop gentil. Sans doute que j'ai du mal à concevoir qu'on me dise des choses si gentilles et qu'on me rejette en même temps, je le vois comme une sorte d'hypocrisie. Je sais que j'ai tort et que ça n'a sans doute pas été l'intention, qu'il était certainement trop déboussolé pour faire mieux, mais voilà, soit je suis quelqu'un de bien et dans ce cas tu admets qu'avec tout ce qu'on a en commun et le fait que tu tiens un peu à moi, il y aurait une chance qu'on s'entende bien, surtout si a priori tu penses ces choses-là de moi, soit l'inverse et dans ce cas-là tu assumes et tu me rejettes vraiment. Ou alors, tu aurais pris deux minutes pour moi aussi, si j'étais quelqu'un qui compte ne serait-ce qu'un peu, au lieu de te noyer dans ton ego abasourdi par la perspective de ne pas laisser quelqu'un d'autre indifférent.

Mais c'est le 3, mon chiffre fétiche. Et c'est dans la troisième cible que tout prend vraiment du sens. La troisième cible de ma colère, c'est moi.

Pas de faux-semblant : je me déteste sans la moindre trace de cordialité. Je me déteste déjà parce que c'est la première fois en trois ans que je suis sincèrement attirée par quelqu'un. Pas juste par ennui, pas juste par solitude, non, simplement parce que cette personne "blew my mind". Et pour ça je m'en veux énormément. Quand j'étais réduite à l'état d'un cœur apathique, tout était plus simple. N'apprécier personne, ne faire de place à personne... d'accord, ce n'est peut-être pas ça, la "vraie vie", mais n'empêche que c'était beaucoup plus supportable. Je n'avais rien d'autre à faire que de me préoccuper de moi, mon nombril, ma bulle. Les histoires de cœur et les histoires de cul, c'était pour les autres. Et ça ne me tirait pas la moindre émotion. Si les autres voulaient perdre leur temps à ces conneries, ça les regardait, moi j'avais tellement mieux à faire, entre mon nouveau boulot, mes loisirs, mes objectifs intellectuels, mes espoirs, mes tentatives, mes découvertes, ah, qu'ils sont cons ces gens qui veulent juste combler leur solitude par quelques expédients médiocres quand moi j'ai tant pour me contenter.
Je regrette de n'en être plus là, dans cette impression de supériorité par rapport aux autres. J'étais une connasse, certes, et j'étais seule, certes. Mais vous savez quoi ? Ça ne me dérangeait pas. Pour les soirs où ma volonté défaillait vaguement, il y avait l'Homme-sans-Visage et ça faisait plus qu'illusion : ça suffisait. Aux yeux d'autres personnes, ça pouvait sembler pathétique, mais comme il n'y avait quasiment personne dans ma vie, ça n'avait pas d'importance. J'étais seule, j'étais bien.
Alors je m'en veux d'être retombée dans tout ça. C'est la source initiale de ma colère envers moi-même, ce qui me rend absolument folle de rage. Comment tu as pu te laisser aller à de telles conneries, lady ? Comment tu as osé te laisser tomber pour des choses aussi triviales ?

Et surtout, plus encore, et ce n'est pas peu dire vu la colère qui me consume déjà, je suis furieuse parce que j'ai été, sans déconner, parfaitement raisonnable dans toute cette histoire.
Pour la première fois depuis des semaines, des mois, j'ai su poser les mots parfaits pour exprimer ce que je ressentais. Ce que je n'avais pas pu faire quand j'en parlais à mes amis, ce que je n'avais pas réussi à faire lorsque je tentais d'en écrire un post ici, soudain s'est formulé magiquement exactement comme je le ressentais. A la suite de quoi, c'est moi qui ai tenté de le rassurer, le consoler, afin qu'il ne soit pas dépassé par cette situation nouvelle. Deux secondes d'immodestie : j'ai été impeccable sur ce coup ; calme, sereine, pédagogue, parfaitement raisonnable et franchement classe. Sans déconner, je ne m'étais pas vue comme ça depuis des mois, après avoir passé des semaines à ne pas réussir à y mettre de mots (je ne sais toujours pas y mettre de définition, mais des mots, pour la première fois j'ai su), soudain j'étais parfaitement en possession de mes moyens pour expliquer calmement que tout allait bien se passer. Je ne sais pas ce qu'il en a pensé mais très sincèrement, je me suis épatée moi-même sur le moment. Parce que la vérité c'est que, alors même que je me prenais une claque en plein visage, je réalisais une fois encore qu'il était la seule personne avec qui je pouvais être moi-même sans chercher la complication. Comme tout avec lui, les choses allaient d'elles-mêmes ; ça ne me le fait avec personne d'autre. Comme ces 24h à Noël, quand aussi bien les discussions que les silences étaient parfaits, quand 4h de conversation nocturne se sont déroulées dans la plus grand fluidité et que quelques heures plus tard, le silence n'avait rien de pesant ni gênant. Avec lui tout est simple.
Et c'est ça qui m'agace. C'est que j'étais si sereine.

Alors que c'était moi la plus blessée des deux. C'était à moi d'être rassurée, consolée, afin de ne pas être dépassée par la situation. C'était moi qui avais le cœur sur la table et qui venais de me prendre un coup de maillet.
J'aurais dû être celle qu'on enveloppe dans d'infinies précautions pour atténuer la souffrance. Non, je ne suis pas en sucre, mais merde je ne suis pas en marbre non plus, je venais de m'ouvrir à un homme pour la première fois depuis des années, et, quoi ? Rien. lady, tu es grande, démerde-toi.

Vous savez quoi ? Non.
Non, je ne me démerderai pas. Je ne serai pas forte. Je ne serai pas courageuse. Je ne serai pas raisonnable.
Surtout pas raisonnable.

Ce n'est pas la pire chose qui me soit arrivée. Ce n'est même pas la pire peine de cœur que j'aie eue. Evidemment que j'y survivrai. Mais j'étais en droit d'attendre un peu plus, quand même, juste parce que je ne suis pas moins vulnérable qu'un autre.

J'en ai marre d'être celle qui est raisonnable, qui est posée, qui est forte, qui a les mots justes et qui tente de prendre soin des autres. Bordel de merde, j'ai le droit d'être celle qui est déraisonnable, perdue, vulnérable, désemparée et prise en charge. Juste une fois de temps en temps, je revendique le droit à être prise dans des bras chaleureux qui me consolent.

Depuis que ça s'est passé, je n'ai pas pleuré. C'est bloqué, c'est bloqué juste là vous voyez, ça ne sort pas. Le mieux que j'ai réussi à sortir, c'était une rachitique goutte qui n'a pas dépassé l'ourlet de ma paupière.
Vous savez pourquoi c'est pas sorti ? Parce que qui va me consoler ? Qui va prendre soin de moi ? Qui va me donner une petit quart d'heure de pause pour arrêter d'être celle qui est raisonnable, posée, forte et tout le bordel ? Personne. Tout le monde s'attend à ce que je sois continuellement la nana parfaitement maîtresse de la situation. C'est ce qu'attend l'un de mes (ex-)amis quand il croit que je ne vais pas me mettre en colère contre lui pour se comporter comme le dernier des connards. C'est ce qu'attend mon amie lorsqu'elle ne me soutient pas dés que ça se produit. C'est ce qu'il attend, lui, quand il me laisse le rasséréner alors que JE suis celle qui vient de se prendre un coup. L'univers entiers attend de moi que je me tienne droite, et dans ces conditions je ne vois pas comment je pourrais me laisser aller.
Alors au lieu que ça sorte, c'est un bloc de colère qui me tombe dessus, aussi dur et froid qu'un bloc de glace. Ce n'est pas la façon saine de vivre et éliminer tout ça. Mais c'est la seule qui semble socialement acceptable de la part de quelqu'un comme moi, qui jusque là avait toujours, sans sourciller, été celle sur qui on peut compter. C'est ça qui est tragique. C'est que je suis parfaitement dans mon rôle. Le rôle de la nana dont personne n'a pensé qu'il pourrait lui arriver autre chose qu'un coup dans le ventre, et dont tout le monde était convaincu depuis le début que quand elle le prendrait, elle ne broncherait pas, parce qu'elle en a vu d'autres et qu'elle a la peau dure, depuis le temps.

Et le voilà, le vrai, l'intime motif de ma colère contre moi-même.
C'est que moi non plus je n'en ai jamais vraiment douté, dans le fond. Oh, j'espérais un peu, vaguement, entre autres parce qu'une amie au boulot et ma psy m'avaient assuré que j'étais trop négative et que parfois, les choses se passent mieux qu'on ne l'espère. Mais je n'y ai jamais réellement cru.
Je suis furieuse contre moi-même parce que même moi, je n'ai jamais douté qu'on ne m'aimerait pas. J'ai cette conviction profonde que je mérite bien ce qui m'arrive. Que je suis déçue, et triste, et tout ce qu'on veut, et que je n'ai bien que ce que je mérite, que je suis à ma place. Que je ne suis qu'une merde et que ça faisait trois ans que je n'avais pas tendu la joue pour qu'on me le prouve. Et que j'ai voulu une autre place, que j'ai voulu prendre soin de moi, et me remettre à écrire, et me remettre à dessiner, et me remettre à ressentir, en un mot, me remettre à vivre, et que je n'y ai pas le droit. Je ne mérite rien d'autre que ce que j'ai déjà, c'est-à-dire rien.

Je suis furieuse parce que je ne sais plus comment tout éteindre et revenir à la normale. Tout ce que je veux, c'est être, réellement, au fond de moi, suffisamment raisonnable pour admettre que je suis seule et resterai seule, et que nom d'un chien lady, tires-en ton parti et passe à autre chose, comme tu as su le faire avant. Tu avais mis ton cœur en pause ? Abats-le comme un chien malade une bonne fois pour toute. Parce que tu n'auras jamais d'autre réponse que celle-là. Si ce mec-là n'a pas voulu de toi, un mec avec la tête et le cœur au bon endroit, je vois pas qui le fera.
C'est pour ça que je suis furieuse. Parce que je me suis endurcie, que j'ai roulé ma bosse, encaissé des coups, mais que je n'ai jamais appris la plus importante des leçons : lady, si tu es raisonnable, posée, forte et tout le bordel, c'est parce que tu n'as pas le choix, parce qu'il faut garder la tête froide pour te rappeler ce qui est, définitivement, hors de ta portée. Tiens-toi à ta place. T'as pas le droit d'être vulnérable parce que les gens comme toi, on ne les veut pas vulnérables, et t'as pas le droit de craquer pour un mec, tout simplement parce qu'aucun mec ne voudra de toi. Tous les efforts que tu as fait, toutes les qualités que tu as entretenues ou développées, ne compenseront jamais cet état de fait. Tu es cassée. Personne ne veut d'un jouet cassé.

30 mai 2011

Le soir où j'ai dépassé toutes mes espérances (de vie)

Ca fait des mois que j'en parle. Pour être sincère, je mentirais si je disais que je n'y ai pas pensé dés l'an dernier, quand dans la nuit du 30 au 31 mai, j'ai fêté les 9 ans, dans l'intimité, entre moi et moi. Même ici je n'en parle pas, alors, le célébrer avec d'autres...
Vous m'auriez demandé en janvier dernier, par contre, je vous aurais dit que la nuit du 30 au 31, ça allait être la fête du siècle. Et en moins de 6 mois, les choses ont bien changé.

C'est donc officiel. J'ai dépassé mon espérance de vie de 10 ans.

Cette soirée-là est enfouie dans un coin de ma tête, et en général c'est là que je la laisse. Mais un soir comme aujourd'hui je ne peux pas m'empêcher d'exhumer les souvenirs. Me rappeler des deux escalopes de dinde que j'avais achetées pour le dîner, mais que personne n'est venu partager avec moi. C'est là que ça a commencé, c'est ce qui a tout déclenché. C'est cet acte ultime de rejet. Je l'ai pris incroyablement à coeur comme tout ce qui avait précédé depuis un mois.
Je ne savais pas encore que ce n'était qu'une "simple" rupture. A l'époque, dans ma tête, ce qui se passait était infiniment plus douloureux.

J'apprenais à vivre "dehors", et rien ne m'avait préparée à ça. Ça faisait des mois que j'essayais de prendre la mesure de ma liberté... et pourtant c'était une liberté toute relative et dés que je m'éloignais, ma chaîne m'étranglait. C'est l'époque où je ne vivais plus avec mes parents, mais toujours chez eux, et toujours à revenir chaque weekend, et toujours à les appeler le mercredi soir ; des questions, des compte-rendus circonstanciés, des reproches, et pourtant, malgré cette sensation perpétuelle d'étouffement, la possibilité incroyable de faire des choses inimaginables quelques mois plus tôt, comme se coucher quand on a sommeil, regarder des séries sans éteindre la télévision précipitamment parce que la porte d'entrée s'ouvre, et parfois même, transgression suprême, sortir avec mon petit ami. Pourtant, je ne savais rien faire de tout ça correctement ; du moins, pas avec modération. Je me couchais à 2h du matin, je regardais des séries tout le temps, et le petit ami... mais on était fiancés, vous comprenez ? C'était forcément quelque chose d'important.
Et puis, il a fallu affronter le fait que celui qui, quelques mois plus tôt, me jurait un amour éternel, était passé à autre chose (il me faudra des années pour découvrir que cette autre chose était une copine, ah que j'étais naïve !), et que, même si je n'avais pas à rendre la bague, c'était fini. Avec une rapidité foudroyante.
Et alors que je découvrais ce que c'était que d'avoir une vie "sans" mes parents (c'était le plus "sans" mes parents que je pouvais concevoir à l'époque), sans leur omniprésence négative, sans leurs reproches incessants (seulement trois jours par semaine !), soudain la seule personne qui m'aimait... ne m'aimait plus.

Ce soir-là, il était à Paris, il m'avait dit "je viendrai peut-être dîner", mais il n'en avait jamais eu l'intention. Et quand je l'ai appelé pour vérifier à quelle heure il viendrait, et qu'en fait il se baladait aux Tuileries (...avec la copine, mais j'étais naïve !), je ne sais sincèrement plus ce que j'ai fait des escalopes, je ne sais plus si je les ai remises au frigo pour les y laisser pourrir ou si je les ai jetées, mais une chose est sûre, c'est que j'ai dérapé. J'ai passé la soirée à broyer du noir devant la télé. Rien ne me faisait rire, rien ne me faisait même ciller, je suis même incapable de dire ce que j'ai regardé ce soir-là, je ne regardais pas vraiment, j'ai juste allumé l'écran et espéré qu'il remplisse le silence. Et il ne l'a pas fait. Parce que le silence n'était pas dans l'appartement, il était en moi.
Pour être tout-à-fait sincère, je ne me souviens absolument pas de quand j'ai fait ça. Ni même comment ça m'est venu. Je me souviens juste qu'il a paru être une idée, disons, "soulageante", de prendre les médicaments et de les avaler d'un coup. C'était l'accomplissement de semaines et de semaines de désespoir à me demander à quoi tout cela rimait de rester là à souffrir (et il y en aurait bien d'autres ensuite, mais je ne le savais pas encore).
Et juste après... je ne dirais pas que j'étais prise de remords, ni que je voulais être sauvée. Je voulais simplement lui donner une chance de me dire quelque chose de gentil avant que je ne meure. Alors je l'ai appelé sur son portable, au beau milieu de la nuit, minuit, une heure, deux heures du matin peut-être, et quand il m'a dit qu'il dormait chez elle, je n'ai d'ailleurs toujours pas compris (naïve !), mais ils sont arrivés dans les 15 minutes parce qu'à l'époque ça prenait 15 minutes d'arriver chez moi, l'ambulance sur leurs talons. Qui a ouvert la porte ? Ont-ils eu du mal à me convaincre de monter dans l'ambulance ? Là ça devient trop brumeux pour que je puisse le dire. Mais ils ont agi vite et je me souviens avoir été encore à peu près consciente dans l'ambulance, lorsque j'ai posé la tête sur ses genoux en espérant qu'il allait le dire, dire ce quelque chose de gentil, pas nécessairement qu'il m'aimait parce que je crois que ça, j'en avais quand même un peu fait mon deuil, mais que je comptais quand même, que je n'étais pas retournée au néant juste parce qu'on ne se mariait plus. Que je comptais pour quelqu'un, quand même. Et que ce quelqu'un n'allait pas me le faire payer en m'ensevelissant sous les injures après. C'était tout ce qui comptait.
Assise à quelques centimètres de nous, elle était là, et je crois qu'elle me caressait les cheveux, et elle m'a dit quelque chose que je n'ai jamais oublié : "tu verras, dans 10 ans, tu en riras".

De l'hôpital je me souviens assez mal. Je me souviens avoir été beaucoup seule dans la chambre. Je me souviens qu'au petit matin, ils sont passés tous les deux. Je me rappelle que pas très longtemps après, on m'a laissée sortir à la condition que je sois suivie. A l'époque j'étais si docile que je n'ai même pas imaginé NE PAS prendre un rendez-vous quelque part une fois dehors. Mais ce n'était pas encore la question, d'ailleurs.
Parce que quand je suis sortie de là, on a traversé une cour de l'Hôtel Dieu, là où les véhicules déposent les urgences, on est arrivés sur ce boulevard qui n'a pas de nom parce qu'il n'existe que dans ce souvenir, et même quand j'y retourne il n'y ressemble plus du tout, et on est arrivés sur le trottoir, ils marchaient à côté de moi, et là, je me revois, regardant passer un camion de pompiers et avoir envie de sauter sous ses roues. Pas juste avoir envie, d'ailleurs. Juste me voir sauter dessous, d'une vision aussi nette que je vois mon clavier à l'heure où je tape ces mots. Comme assister à ma propre mort.
C'était une fraction de seconde de soulagement.

Mais je m'en souviens essentiellement parce que j'ai ressenti un désespoir comme jamais dans la seconde suivante. J'ai réalisé que j'étais sur le trottoir, que je n'avais pas sauté, et que cette sensation d'écrasement, de vide et de solitude en moi-même n'avait pas de remède. J'étais incroyablement seule au fond de ma tête à ce moment-là, et rien ni personne ne pouvait m'atteindre.
C'est à cette seconde-là qu'en réalité j'ai touché le fond. Pas quand j'ai avalé les médicaments. Quand j'ai compris que je n'allais pas le refaire, parce que j'avais promis au médecin, par lâcheté ou peu importe, en tous cas que je n'allais pas réessayer, mais que c'était la seule chose que je voulais, et que j'étais bloquée là, et que j'allais vivre avec ça alors que tout ce que j'avais voulu, c'était m'en débarrasser, quitter cette conviction que les choses n'iraient jamais mieux, et que désormais je la portais avec moi quoi qu'il arrive.

On a remonté le boulevard Saint Jacques et ils ont fini par rentrer chez elle (naïve !), me laissant revenir dans mon appartment minuscule. Et vide.
Mais c'était assorti.

Je mentirais en disant que les mois qui ont suivi ont été ceux de la guérison. Il s'est passé au moins un an avant que je ne commence à guérir. Tout simplement parce qu'il ne s'agissait pas de guérir que de cette nuit-là, ou que de cette "simple" rupture, mais de guérir de tout ce qui m'avait conduite à décider que l'amour d'un seul type me sauverait de ce qu'avait été mon existence jusque là, qu'il allait me sortir de ma misère affective et me rendre heureuse jusqu'à la fin de mes jours.
Vous voulez connaître un secret ? Aujourd'hui je sais qu'il ne m'aurait pas rendue heureuse. Même la moi diminuée que j'étais, prête à se contenter de bien moins, n'aurait pas été heureuse de ce qu'il avait à m'offrir.

Le plus incroyable, c'est que j'ai dépassé toutes mes espérances à mon sujet. Après une année morbide au possible, après une année à buter contre les parois de mon propre crâne comme dans un cul-de-sac parce que "c'est comme ça", j'ai commencé à avoir un petit rai de lumière. Les choses n'ont plus jamais été les mêmes quand j'ai compris que c'était ce dehors-là qui importait : le dehors de ma tête.

La triste vérité c'est que les travaux auront duré 10 ans et je n'en suis toujours pas sortie. Quoi que je fasse j'essaye d'aller toujours plus loin mais c'est comme si je m'attaquais à des couches et des couches de blindage et que je n'arrive pas à passer le plus petit auriculaire dehors, pas même par un petit trou juste pour sentir l'air de l'autre côté. Encore aujourd'hui je constate mes limites, alors que ça a été, pendant 10 ans presque sans interruption, une obsession que de les franchir.
Presque sans interruption, parce que je me suis perdue en route. Parce que je ne sais toujours pas gérer la douleur. Parce que passé un certain seuil, je pense encore parfois à la mort comme à une délivrance. Et parce que quand même mes propres parents ne m'ont pas aimée, cycliquement, j'ai un trop-plein de solitude et que quiconque arrive dans ma vie à ce moment-là devient la personne la plus importante au monde. J'appréhende fortement le moment où il y aura de nouveau quelqu'un réellement dans ma vie, d'ailleurs, mais remettons ce vaste sujet à un post futur.

Pourtant la vérité c'est que j'aime la vie. Un peu. Mais un peu, c'est tellement plus qu'il y a 10 ans ! L'horizon était noir. Il n'est pas clair aujourd'hui, mais en tous cas il est d'un noir un peu moins noir.
Aujourd'hui je n'irais pas jusqu'à dire que tout est parfait. C'est le contraire. Vous m'auriez demandé en janvier, j'avais encore certains de mes amis à mes côtés (je les pensais tels, disons), nous avions surmonté des choses difficiles ensemble, comme la mort de freescully, et je n'étais pas encore prise à la gorge par mon déménagement. Je nourrissais pour la première fois depuis des années un embryon de sentiment pour quelqu'un et je me sentais en vie. Je sortais. J'avais des projets.
Nous voici au mois de mai et cette histoire d'appartement n'avance pas, les amis ont fait machine arrière et je me suis refermée, un peu. Oh, pas de beaucoup : je suis encore sortie pas mal ces derniers temps. Mais ce n'est pas la même chose. C'est une vie "sociale", je vois du monde sans grande conviction. Et les projets... oui, j'ai encore les projets, je suppose.

Mais tout cela n'a pas de sens. Et 10 ans après, je ne ris pas du tout. Les choses étaient supposées aller mieux qu'elles ne vont.
Et je me fous, concrètement, de n'être pas la seule à qui ça arrive de se dire que j'avais espéré mieux ; quoi que je fasse je n'arrive pas à m'ôter de la tête que si d'autres gens se plaignent d'être logés à la même enseigne de l'amertume, je ne les empêche pas de sauter sous un camion de pompiers, en tous cas je refuse qu'ils m'assènent un "eh bah pour moi aussi la vie est pas facile, mais je continue". Parce que tant que ces gens ne sont pas capables de me dire "pourquoi", j'ai pas de leçon à recevoir.
J'ai l'impression d'avoir eu plus que ma part de saloperies. Oui, la vie, ça arrive à tout le monde, mais c'est comme l'égalité et les cochons : à certains plus qu'à d'autres. Je trouve que c'était franchement bien assez de vivre dans la misère affective et intellectuelle pendant 18 ans chez mes parents, puis de passer 10 ans (dont 5 au chômage, et 2 sans allocations) à trimer pour m'en sortir. Vient un moment où on devrait avoir les bons côtés aussi.

Je n'arrive pas à m'ôter cette amertume de la bouche qui dit que, même si dans la vie on n'a pas toujours ce qu'on voudrait, ou ce qu'on pense mériter (et concrètement je ne suis pas encore totalement convaincue de mériter tout ce que je voudrais ; j'y travaille, comme le reste), il devrait à un moment y avoir un semblant de justice, un moment où merde, ça suffit quoi, yen a assez de se battre en permanence, les choses devraient cesser de devenir sans cesse plus compliquées. Je ne sais pas, est-ce que vivre dans la terreur pendant toute mon enfance, embrasser des murs ou des coins de table, baisser la tête quand on pleure parce que même ça on n'a pas le droit de le faire, est-ce que ça n'était pas assez cher payé ? Et est-ce que ça valait le coup d'y survivre pour au final en arriver là où je suis maintenant ?
J'ai survécu 10 ans de plus et, on va être clairs, si ça n'avait pas été le cas, je n'aurais pas connu la faim, la vraie, celle qui fait qu'on pique un paquet de cubes parce que si on mange encore une fois des pâtes à l'eau on pense qu'on va exploser. Je n'aurais pas souffert de tellement de choses si j'avais accepté de sauter sous le camion de pompiers et arrêté tout, arrêté ces conneries une fois pour toutes, dans ma misère affective et intellectuelle, certes, mais en tous cas, un cran en-dessous dans la conscience que tout ça est cruel et absurde.

Au chapitre du sens, la bonne nouvelle c'est que je n'en cherchais pas quand il s'agissait de survivre. Je constatais que ça n'en avait pas (et certainement, ça m'a freinée pour trouver l'énergie de sortir de mes abimes), mais je ne cherchais pas du sens. Je cherchais une sortie.
Aujourd'hui c'est une obsession. Tout cela a-t-il du sens ? Non, ça n'en a pas. Et je ne comprends pas ce que je fous là.

Quelqu'un m'a répondu l'autre jour : "mais c'est à toi de trouver ce qui lui donne du sens, à toi de trouver ce qui te fait plaisir et ce qui te fait du bien". Sauf que je vis alors dans l'absurde situation où il y a un énorme fossé entre ce qui donne du plaisir, et ce qui a du sens. Ce qui me fait plaisir c'est d'écrire. Et d'écrire sur tout ce dont je me nourris, en particulier. Parce que j'ai ce besoin de sortir de moi-même et de venir ensuite en parler, et essayer d'interesser les gens à cet étrange concept de voyager sans bouger. Parce que le faire géographiquement me permet de le faire intérieurement, et que c'est ce qui me motive, depuis des années : les flux d'entrée et de sortie dans ma tête.
Mais la vérité c'est que ça n'a pas de sens. C'est absurde. In the grand scheme of things, et toute cette sorte de choses. La vérité c'est que c'est incroyablement vain que de vouloir faire ça, d'y consacrer tant de temps, tant d'énergie, tant de ressources. Quand je le fais rien ne m'anime tant, pourtant c'est comme si je me regardais faire avec la conscience que ça ne rime à rien. Que c'est juste une façon de me faire plaisir. Un peu.
Mais que je ne trompe personne et surtout pas moi.
La vérité c'est qu'il y a un trou dans mon coeur, parce que papa et maman ne m'aimaient pas, et que toutes les friandises intellectuelles et/ou audiovisuelles de la planète ne le rempliront pas. Elles me permettent juste de ne pas contempler la béance du trou. Et peut-être aussi de ne pas chercher à le combler avec n'importe qui.
Ca n'a pas de sens parce que même si je voudrais me l'interdire, au fond de moi je pense toujours que si personne au monde ne m'aime, mon existence ne rime à rien. Alors je me nourris de toutes ces choses et j'écris, pour ne pas trop y penser. Parce qu'il parait qu'on doit se suffire de s'aimer soi-même. Comme si quiconque était capable de s'en contenter, il suffit de voir tous ces gens qui se mettent à la colle avec le premier venu, qui couchent avec le premier venu, pour tromper la solitude. Je refuse de faire ça, alors je ressens ma solitude encore plus durement. Vous voyez ? Ca, ça n'a pas de sens pour moi. Ce paradoxe qui fait que personne ne m'aime, et que je suis supposée m'adorer malgré ça et rire au nez de la solitude comme si la solitude, c'était un sentiment réservé à ceux qui ne s'aiment pas.

Et pourtant je m'aime un peu. Ca paraitra toujours terriblement peu humble de le dire, mais il y a des choses que j'aime chez moi. Mais je ne comprends pas pourquoi mes parents ne l'ont jamais aimé, et pourquoi ceux qui l'ont aimé ne sont jamais restés.

Je l'ai dit plus haut, j'aime la vie. Ou en tous cas il y a des choses que j'aime dans la vie.
Je l'ai découvert un soir en rentrant du boulot, il y a 8 ou 9 ans de ça (je pourrais le dater au jour près si je n'avais pas perdu mon journal de guérison de l'époque), en m'arrêtant au jardin du Luxembourg et en prenant une glace à la rose. Quand la vendeuse, 10 ans après, me salue encore (alors qu'il y a eu trois ou quatre ans pendant lesquels je ne suis pas venue une seule fois et qu'elle voit défiler des touristes par milliers), sait-elle seulement ce qu'elle a fait pour moi ce soir-là ? Le goût du parfum de rose, le jardin à la fin de la journée, les bus qui passent et se croisent, la rue à remonter pour arriver chez moi, juste en regardant les passants me jeter des coups d'oeil intrigués parce que je souris comme une demeurée...
C'est ce soir-là que j'ai découvert que c'étaient les petits plaisirs de la vie qui faisaient tout. Je n'ai pas attendu qu'une collègue (pourtant bien intentionnée) me le hurle comme si j'avais besoin de l'apprendre.

Pourtant, même quand on sait qu'il suffit d'une glace à la rose devant les grilles du Luxembourg pour se sentir en vie ET AIMER CA, à un moment, ça ne suffit plus.

Il a fallu se battre pour avoir un boulot et, quelque part, dans le but de payer une glace comme ça, une fois de temps en temps. Ou n'importe quoi d'équivalent (et à mesure que le salaire augmente, pas forcément de temps en temps) en termes de bonheur fugace.

Mais je trouve qu'après tout ça, j'ai droit à ma "récompense", quand même. J'ai suivi les recommandations du médecin. Je me suis fait suivre, et je n'ai plus jamais réessayé même quand putain, je ne voyais pas pourquoi ne pas en finir ici et maintenant. J'ai progressivement fait du nettoyage dans ma tête. J'ai commencé à creuser les parois de ma prison à la petite cuiller pour sortir. J'ai été gentille, j'ai été aimante, j'ai été bosseuse, j'ai été entreprenante, j'ai été passionnée, j'ai été drôle... j'ai été même positive, ce qui était le plus qu'on aurait pu me demander.
Il me semble que j'ai fait ma part. J'ai tout "bien" fait, non ?

Et alors que ce soir je fête ces 10 ans, et que très sincèrement, si on met de côté le fait qu'il y a des gens avec qui j'aurais voulu le fêter ce soir, je suis contente de les fêter, je me demande quand même un peu où est la rançon de tout ça.

On m'avait promis que ça irait mieux.
C'est un peu vrai. Mais trop peu.

7 juillet 2011

In peace

Les portes du wagon à peine refermées, il commençait déjà à hurler. Ce qui fait que, forcément, je n'ai pas tout de suite remarqué les deux autres, ils n'étaient qu'un murmure dans l'escalier connectant les deux niveaux du train. L'hystérique continuait de hurler, par contre, et il était difficile à ignorer. Son comportement relevait plus (outre de la psychiatrie) de l'agression et de l'insulte que de la tentative de rédemption.
Pendant un peu moins de 45mn, il allait nous haranguer, nous, les passagers du RER, une masse craintive et silencieuse qui, en grande majorité, est restée tête baissée.

A mesure qu'il prêchait, le chanson s'est intensifiée. Les deux dans le fond, c'était ses choristes : la femme, assise son sac sur le genoux, chantonnait d'abord tout bas, tandis que  le jeune homme fredonnait vaguement certains passages, s'interrompant pour répondre à l'hystérique qui ne décolérait pas. Mais les paroles répétitives sont devenues plus fortes, martelées, encore et encore, sur un air unique. Le son est monté tandis que l'autre intensifiait son monologue, au milieu de l'allée.

Je suppose que dans le bon contexte, avec une assemblée réceptive, quelques jolis vitraux et peut-être un fond sonore d'orgue, ça peut prendre. Mais dans un RER à 17h30, dans la chaleur lourde du mois de juillet, pas trop, non.

Pourtant je ne suis pas obtuse : toute athée que je sois, je ne suis pas contre la religion. Je sais que la nuance ne se saisit plus aussi bien qu'avant, dans un pays où on commence à confondre laïcité et athéisme forcé, où on est très tolérant envers ta religion si on ne la voit pas et où toute démonstration aussi violente qu'un bout de tissu est prise comme un signe patent d'invasion. Pourtant, à vous dire vrai, je fais partie de ces athées qui trouvent la loi contre l'interdiction des signes religieux ostentatoires dans les lieux publics, puis celle contre la dissimulation du visage, franchement exagérées, voire inquiétantes.
Il n'y a rien entre Dieu et moi et pourtant, je comprends que, si on ressent quelque chose que je ne perçois pas, on n'ait pas envie de s'en priver et qu'on pratique selon sa conscience. De la même façon que je n'ai personne en ce moment et je n'empêche pourtant pas les couples de s'mbrasser à pleine bouche dans les lieux publics. Chez moi on appelle ça la tolérance. Je vais me faire traiter d'odieuse gauchiste, tant pis pour mon dernier bulletin de vote qui disait le contraire ; m'en fiche, c'est mon point de vue quand même.

Malgré tout, quand on s'en prend à mes oreilles (déjà bien malmenées et pas pleinement fonctionnelles) et qu'on me serine pendant tout un voyage en train (dont une bonne partie, assez longue et sans arrêt, relève presque de la séquestration) avec la religion, et je deviens moins ouverte, tout d'un coup. En fait je deviens un petit peu mauvaise dans ces cas-là. Parce que ce n'était pas la première fois. Par contre, le coup des deux choristes, c'était inédit, je dois l'admettre.
Mais je remarque que ce sont toujours des Chrétiens qui viennent me prendre d'assaut dans le train de cette façon. Jamais je n'ai vu quelqu'un venir me dire que Yahvé ou Allah allaient me tomber dessus et m'envoyer aux Enfers (ou équivalents, s'ils existent... je ne suis pas très versée en littérature religieuse), par contre des Chrétiens, oui. Je ne sais pas de quelle chapelle, mais sans nul doute possible, des Chrétiens. Ce sont toujours eux qui viennent m'insulter (oh, pas moi personnellement, juste tout le wagon, dont je suis) en me disait que parce que je me livre à la luxure, la masturbation et l'homosexualité (dude, wrong crowd), j'irai brûler en Enfer au moment du Jugement Dernier. Ce sont eux qui envahissent mon espace personnel.
Ce sont aussi eux qui sonnent à la porte pour me parler de Jésus. Ce sont également eux qui me cassent les oreilles (encore) avec leurs clochers.
Alors c'est gentil de m'offrir la rédemption (c'est juste dommage, aujourd'hui je suis sortie sans mon chéquier), mais sans empiéter sur mon espace personnel, ce serait quand même sympa. Et puis sans vouloir ensuite glisser des insinuations puantes sur les autres religions, aussi, ça serait bien. Parce que j'amais un Juif ou un Musulman n'est venu me casser les couilles comme ça.

J'étais juste à côté du prêcheur et de ses chanteurs, dans le wagon du RER, et je pensais à tout ça.

J'avais amené du boulot, mais impossible de me concentrer. Bien-sûr j'aurais pû changer de siège et aller à l'étage (une victoire qui aurait été de bien courte durée vu qu'ensuite ils sont montés), mais je n'ai pas cillé. J'ai sorti mon plus beau surligneur et j'ai stabiloté quelques impressions que j'avais dans mon sac. Je ne cèderai pas un pouce de terrain à ces gens-là.

Alors, emmerder une nana qui porte un bout de tissus dans une administration, ça on sait faire, alors que ça n'atteint en rien ma propre liberté ni celle de quiconque (et souvent même pas la sienne). Par contre, quel recours contre ce genre de pratiques ? Aucun. Go figure.

Au bout d'un moment, un passager excédé a pété un câble et la situation a dégénéré, l'allumé hurlait de plus belle, l'autre tentait désespérément de le faire taire en hurlant plus fort et en montrant du poing, et finalement tout ça s'est fini sur le quai à l'arrêt suivant.

Sincèrement, je me suis sentie plus en danger à ce moment-là que toutes les fois où j'ai croisé mon voisin barbu jusqu'au torse et sa femme voilée des pieds à la tête. D'accord, le voisin ne me dit pas bonjour (je suis une femme, c'est ma faute). Mais au moins, il respecte ma tranquilité.
C'est tout ce qu'on attend l'un de l'autre, je pense.

13 décembre 2011

Haute trahison

Etrangement, on peut être trahi même quand on n'avait aucune confiance. On se méfie et on surveille du coin de l'oeil, mais voilà, on peut être trahi. Par soi-même. Par son corps.

Voilà plusieurs semaines que je me heurte à ce post, vingt fois esquissé, jamais publié. C'est difficile de décrire la trahison que j'affronte, parce que le rapport que j'ai à mon corps n'a jamais été celui de la franche camaraderie. Et ça l'est aussi parce que j'ai conscience que la trahison que je vis n'est pas si grave que ça, tout bien pesé.

Une partie de cette envie de nuancer et atténuer le poids des mauvaises nouvelles vient du fait que je n'ai justement jamais été en bons termes avec mon corps et que, d'une certaine façon, je ne m'attends pas à grand'chose de lui.
Je me suis promis de ne plus dire ce genre de choses, de ne plus les penser même, et en général je me tiens plutôt bien à cette saine résolution ; mais il faut bien le dire : cela vient en grande partie de mes parents, qui m'ont appris à haïr ce à quoi je ressemblais, et je ne suis pas sûre qu'ils aient réalisé, en disant certaines choses, combien elles pouvaient être marquantes sur la jeune fille que j'étais. Me comparer à une pute pour un simple reflet auburn dans les cheveux, ou me traiter comme une obèse (je faisais pourtant un simple 38 quand j'ai quitté la maison à 18 ans), constituaient l'essentiel des rares occasions que j'avais de prendre la mesure de ce à quoi je ressemblais, et le bilan n'était pas brillant. La réconciliation avec mon corps n'a jamais eu lieu pendant les 15 années qui ont suivi, ce qui n'a naturellement pas aidé mon tempérament déjà assez peu coquet. Aujourd'hui, dans mon nouvel appartement, j'ai un miroir un peu plus grand que les précédents, dans lequel je me regarde, et dans lequel, pour tout dire, je me découvre, parce que je suis suffisamment en paix avec moi-même, pour la première fois, pour accepter de m'étudier au lieu de me fuir. Je me découvre également des envies que je n'avais jamais ressenties, des achats totalement nouveaux, je profite de ma toute première baignoire pour prendre le temps, enfin, de m'offrir quelques heures de détente et de soin. C'est ridicule de penser que j'ai mis autant de temps à m'acheter mon premier masque pour le visage, mais on en est là. Et dans le conflit qui m'opposait à mon corps, je pense que pour la première fois, on peut dire que je réplique au lieu de simplement subir ses attaques. Mais globalement, j'ai toujours été à couteaux tirés avec mon enveloppe corporelle ; je ne l'ai jamais considérée "moi", c'est juste un moyen, un outil, un hôte, une coquille. Presqu'une entité à part échappant à ma volonté. Alors forcément, je n'ai pas le droit de m'en plaindre, les choses sont, à quelques naissantes nuances près, toujours ce qu'elles ont été.

Et puis bien-sûr, ce n'est pas comme si je m'étais découvert, disons, un cancer. Je suis à peu près sûre que c'est un cancer qui aura, littéralement, ma peau, c'est ma conviction depuis que je sais que ce n'est pas de ma main que je mourrai, mais pas avant quelques années, un minimum d'une décennie. Concrètement, ce n'est pas "grave", ce qui m'arrive.

C'est juste une souffrance quotidienne. C'est juste une déformation défigurante. C'est juste une blessure honteuse.

Je suis née avec une malformation invisible, en quelque sorte, située dans le dos, sous la peau, à l'abri des regards indiscrets, mais qui, quand elle s'infecte dans sa cachette, devient soudainement très réelle. On a fini par me la diagnostiquer précisément en juillet 2002, lorsque pour la première fois elle s'est enflammée.
A l'époque, j'avais mal en un point bien particulier du dos, qui était devenu rouge, enflammé, gonflé, insupportable ; la dermato d'alors m'a asséné son diagnostic, pratiqué une petite entaille pour soulager et vider l'infection, prescrit des produits à destination interne et externe, et quelques jours plus tard, je pouvais à nouveau mettre des vêtements sans grimacer de douleur simplement à cause du frottement. Il faudrait un jour opérer, oui, mais c'était loin : je préparais mon BTS et ce n'était pas avec mes 33% du SMIC que j'allais me permettre ça.

C'est devenu ma réponse principale : ce n'est pas le moment. Chaque fois que la malformation s'enflammait, je serrais les dents, appliquais mes produits et avalais mes antibiotiques, parfois allais réclamer une petite incision chez un médecin ; on me disait qu'il faudrait penser à l'opération, je hochais gravement la tête, et convenais avec moi-même que ce serait fait, promis. Plus tard.
Evidemment, avoir vu sur internet des photos de l'opération requise n'aidait pas le processus de décision ; se retrouver avec un cratère dans le dos (la plaie ne doit pas être rebouchée et doit cicatriser à l'air libre... ce qui implique d'ailleurs une immobilisation complète pendant des semaines, parfois des mois) n'est pas exactement le rêve de toute jeune femme (j'avais 20 ans en 2002). Sans parler du fait que la perspective d'être ensuite, définitivement, altérée, n'arrangeait pas mes insécurités.
Ce n'est pas le moment, docteur, je vais emménager avec mon petit ami. Ce n'est pas le moment, docteur, je suis au chômage sans indemnité. Ce n'est pas le moment, docteur, je viens de décrocher mon premier CDD depuis des mois. Ce n'est pas le moment, docteur, je viens de réussir mon concours d'entrée dans la fonction publique. Ce n'est pas le moment, docteur, j'attends d'être titularisée. Ce n'est pas le moment, docteur, je viens de changer de cabinet. Ce n'est pas le moment, docteur, je vais bientôt déménager...

Alors ça a continué comme ça pendant des années. Je souffrais, je parais au plus pressé, et je reportais. Toujours dans cet ordre. Et entre deux crises inflammatoires, le plus beau c'est que la malformation redevient quasiment invisible, quasiment impalpable, et quasiment indolore. Alors dans ces phases-là, pourquoi se tracasser ?

Seulement voilà, ça va faire 10 ans maintenant. Et il y a quelques semaines, le dermato d'urgence n'a pas tenu le même discours que les précédents. Cette fois, l'opération, je ne pourrai pas y couper.
Il n'y a pas vraiment matière à urgence, pas au sens propre.

Même les crises n'empirent pas ; je les soupçonne même d'être devenues si tolérables que je les gère par-dessus la jambe. Je me suis habituée à trouver, soudain, un matin, mon dos brûlant, la fameuse protubérance douloureuse et ultrasensible au contact, un peu de fièvre, les signes habituels, quoi ; à mettre certains vêtements plutôt que d'autres, à ressortir mes compresses et mes fioles, et, en dernier recours, à aller demander l'incision magique qui, sans grande surprise, saigne encore un peu pendant un jour ou deux, et dont je gère les conséquences avec une nonchalance effrayante ("cette tâche de sang, là ? Ah oui, c'est rien, c'est mon dos").
Et finalement, ce n'est pas si contraignant, on est d'accord. Je continue de mener ma vie sans rien changer sinon mes compresses. Pas une âme ne peut même se douter que j'ai mal. Je ne grimace même plus. C'en est devenu désolant de banalité, ce combat contre ma malformation.

Mais le dermato était, ce jour-là, moins complaisant, moins patient, tout simplement moins habitué à ce genre de cas aussi (il ne m'a pas auscultée parce que de toute façon, il ne connait ce genre de cas que sur le papier). Il m'a dit qu'il allait falloir sérieusement s'y mettre, parce que chaque infection, même si je la traite, est dangereuse pour moi, parce que chaque infection rend, surtout, la malformation plus difficilement opérable.

Par réflexe, parce que je gère l'inquiétude de ma malformation depuis presque 10 ans de cette façon, j'ai immédiatement répliqué : "Mais ça va pas être possible, docteur, je ne peux pas être arrêtée plusieurs semaines, il va y avoir les élections présidentielles, le gouvernement va a minima être remanié, comment je vais faire pour le boulot, si je suis immobilisée chez moi, allongée sur le ventre sans possibilité de m'habiller ?". Ce n'était pas le moment, docteur, vous comprenez. Ca ne l'est jamais.
Sauf quand ça deviendra trop grave. Sauf quand je serai plus vieille et que ma peau ne répondra peut-être plus de la même façon, je n'en sais rien. Sauf tout simplement quand je vais, blasée, traiter ça un peu moins sérieusement et risquer la septicémie.
J'y ai bien pensé, plusieurs fois ; au risque pour ma colonne vertébrale par exemple. Et si cette fois-là, une fois pas comme les autres, mes petits arrangements avec la réalité ne suffisaient pas à limiter les effets ? Et pourquoi ce dermato me parle, pour la première fois en presque 10 ans, de consulter un gastro-entérologue avant d'opérer, est-ce que mes organes risquent quelque chose aussi du fait des inflammations répétées ?

Et puis. Et puis l'infection repart, la douleur est soulagée. Alors je reviens à toutes les autres choses qui comptent, parfois un peu trop, et qui, elles, ne se mettent pas en pause, ne disparaissent pas, n'acceptent pas de se faire oublier. J'oublie presque mes angoisses et je redeviens, presque, un pur esprit, qui n'a pas besoin de se préoccuper de cette vulgaire coquille, ou pas comme ça. Qui apprend pour la première fois à se regarder, s'apprécier, se plaire. Plaire aux autres est déjà arrivé. Me plaire à moi, même si peu, est une première, que j'ai envie d'explorer, ainsi que les mille autres choses qui se profilent ou se produisent.
Je n'ai, objectivement, pas vraiment le droit de me plaindre d'un problème de santé que je peux me permettre, disons, 70% du temps, d'ignorer, pertinemment consciente que tout le monde n'a pas cette chance. C'est ce qui participe, aussi, au report constant de la mise en pratique des choses, avec tout le reste. C'est si ridicule, cette histoire de dos, même pas une maladie, juste une absurde malformation avec un nom ridicule, et sur l'origine de laquelle même les specialistes n'arrivent pas à tomber d'accord. Son traitement est lui aussi ridicule, puisqu'il n'existe pas d'examen pour déterminer sa taille avant d'avoir ouvert et qu'on peut donc, concrètement, me retirer aussi bien un oeuf de caille qu'un oeuf de poule dans le dos, et pour finir, cette idée de laisser le trou béant pendant un mois, deux mois, parfois plus, c'est d'un ridicule consommé (même si c'est évidemment nécessaire et médicalement logique). A se faire expliquer, c'est ubuesque. A s'expliquer soi-même, quand on angoisse ou qu'on rationnalise, c'est absurde. A expliquer à d'autres ? Mon Dieu, j'ai beau avoir formulé ce post plusieurs fois, j'ai l'impression de tout et rien dire à la fois.

Mais les faits sont là. Et l'épée de Damocles devient difficile à ignorer.
Dans le combat qui m'oppose à mon corps, même quand je viens en Paix, ce dernier semble résolu à s'imposer par la force. Le traitre.

Quelques jours après le passage chez ce dermato, une boule douloureuse est apparue à la naissance de l'un des doigts de ma main gauche. Une autre douleur ridicule : à la fois invisible à l'oeil nu, douloureuse au toucher notamment quand je ferme les portes et que la clenche appuie dessus, mais sans conséquence sur la façon dont je peux ouvrir ou fermer la main. Je passe 12h par jour sur un ordinateur, cependant : j'ai consulté. Le médecin m'a dit d'attendre de voir si ça grossit, auquel cas il faudrait opérer.
Une seconde opération en vue ?

Je vais être honnête avec vous, j'ai beaucoup de peine à retrouver le respect naissant que j'éprouvais pour mon corps depuis ce rendez-vous là. C'est la trahison de trop. Alors j'oscille en permanence entre les jours où j'en ai rien à foutre de ce corps de merde, et ceux où j'ai envie d'enterrer la hache de guerre et prendre soin de lui. Je veux le punir. Comme si je n'avais toujours pas intégré qu'il n'y a pas de "lui". Que moi.
Et elle est là, la trahison suprême.

7 janvier 2013

Jaded

Régulièrement, je me dis "ma vie est quand même vachement en train de changer..." d'un air songeur. Mais je le dis à intervalles si réguliers désormais (au moins une fois par an) qu'il est grand temps d'en conclure que, le changement, c'est constant.
Evidemment, ce changement prend des formes variées ; parfois j'aimerais les chroniquer avec précision, d'autres fois j'ai juste envie de laisser faire et de me contenter de profiter de la nouvelle version de ma vie, celle qui est patchée, mais qui fonctionne de mieux en mieux. Il y a des changements qui passent par une transformation intérieure, d'autres extérieure... d'autres qui se produisent via des changements professionnels, aussi. Le plus fou c'est quand je peux appeler ces changements "professionnels" et non "sur mon temps libre", comme ça se produit en ce moment.
Régulièrement je me dis que je suis à un virage, mais à bien y réfléchir, la vie est une route de montagne tortueuse. J'ai la chance de ne pas avoir mal au coeur en ce moment, ça n'a pas toujours été le cas.

Quand les changements sont intérieurs, ce sont généralement des choses que j'initie. Etre plus ci. Penser moins comme ça. Ne plus être la fille de quelqu'un. Je souhaite ces changements et ils ne me pèsent pas, mais ils demandent du travail sur moi-même, de l'effort, et donc du temps.
Et puis parfois, les changements sont extérieurs et ne m'appartiennent pas. Ce qui dépend de moi, c'est seulement la façon de s'y adapter. Quand ce sont des éléments a priori positifs, il pourrait sembler facile de s'adapter. Mais étrangement, pas trop. Cependant, la vraie difficulté, c'est de voir comment les changements extérieurs impliquent des changements intérieurs.

Je n'y avais jamais réfléchi jusque là, mais ces dernières années, je me suis par exemple méchamment endurcie.
Le problème c'est que, je me considère tellement comme une petite nature émotive, que quand je me dis que je suis un peu dure, ça me fait rire intérieurement. Peut-on prendre au sérieux quelqu'un qui prétend s'être blindée, mais qui pleure encore régulièrement devant ses séries (ou, pire, à cause d'elles) ? Pas franchement. D'ailleurs, écrirais-je ici si j'étais si dure ? Probablement pas.
Et je me targue, d'ailleurs, d'avoir une telle faculté à ressentir des émotions aussi vives ; ma soeur qui ne verse jamais une larme devant une fiction, par exemple, je ne l'envie pas un instant, et je suis fière d'être si émotive. Mais cette émotivité, je l'avais complètement ignoré pendant ces dernières années, est superficielle. Elle est vraie, bien-sûr, mais elle ne m'implique pas. Il me suffit de choisir de ne pas regarder un épisode touchant pour l'éviter ; tandis qu'on ne peut pas éviter les émotions de la "vraie vie".

Depuis que je ne connais plus vraiment de drames personnels, y a-t-il quelque chose qui m'émeuve sincèrement ? Des gens qui me touchent réellement ?
Non, plus ma vie va bien, plus je me dessèche intérieurement. Mais étrangement, je n'en prends conscience que maintenant.

Et le pire c'est qu'à présent, j'en prends conscience parce que cette dureté commence à mordre sur mes émotions téléphagiques. Toutes ces romances qui se contentaient de ne pas m'intéresser, aujourd'hui m'irritent, m'énervent. Le dernier bastion de mon émotivité est en train de tomber. Et quand je n'aurais plus ces émotions de fiction, lesquelles restera-t-il ? C'est la question que je commence à me poser.

La dernière fois que j'ai dit à quelqu'un que je l'aimais (de quelque façon que ce soit) c'était quand ? J'ai voulu répondre à cette question mais j'ai dû marquer un temps d'arrêt : ma poitrine vide s'était glacée à l'idée que, en réalité... la dernière fois que j'ai aimé quelqu'un, c'était quand ? Même pas aimer d'amour, mais juste penser que quelqu'un m'est cher, important. Qui est important dans ma vie aujourd'hui ?
On dit qu'on remplace la moitié de ses amis tous les 7 ans. Hormis un ami qui semble faire partie de la moitié reconduite, c'est inexact : aucun de mes amis n'a fait partie de ma vie plus de deux ou trois ans. Et je compte dans le total les ex-collègues devenus amis, donc en incluant la période pendant laquelle nous n'étions "que" collègues. Pire encore, si ces gens disparaissaient de ma vie, je crois que ça m'affligerait assez peu, en tous cas de moins en moins. L'une d'elle est en train de progressivement s'effacer, et même si je trouve ça dommage, je le prends comme un fait et n'en ressent pas grande tristesse. Bien-sûr que les amis disparaissent avec le temps, c'est dans l'ordre des choses. A vrai dire je ne fais plus rien pour les retenir.
Pour le premier de l'An, l'un d'entre eux m'a invitée à sortir ; je n'ai rien contre lui, on s'amuse toujours quand on se voit, mais je préférais ma soirée en solo ; j'en suis là. J'avais préparé un programme simple mais sympa, avec bain bouillant, alcool à profusion, un épisode sympa et ptet un peu de Sims après minuit, et je n'avais pas envie de modifier mes plans pour un ami.

Appelons les choses par leur nom : je n'ai plus envie d'amis. J'ai envie de copains. Des gens avec qui déconner mais qui ont leur vie et qui ne prennent pas trop de place dans la mienne.

Il en va de même pour les connaissances sur Internet. Je crois que l'une des raisons secrètes pour lesquelles j'aime Twitter (les raisons avouées étant évidentes et, je crois, déjà évoquées dans ces colonnes), c'est que, quand je n'ai pas le temps ou l'envie de discuter avec ces gens, rien ne peut m'y forcer. Mais quand c'est le bon moment, je sais que je vais trouver immédiatement des gens sympas avec qui partager une conversation hilarante ou le débat du siècle, avec lesquels, en toile de fond, je partage plus ou moins les tracas et les bonnes nouvelles, mais qui ne s'accrochent pas, qui ont une existence autonome. Et auxquels je ne m'accroche pas, non plus. Je ne vivais pas ma vie sur internet de cette façon il y a encore pas si longtemps. Je pensais avoir trouvé des gens avec qui j'avais des points en commun rarissime, et former une communauté avec eux, et ça semblait important. Aujourd'hui, je n'ai pas envie d'appartenir à un groupe d'amis, je veux simplement savoir où aller pour retrouver des gens que je connais mais qui ne me demandent rien.
Parfois il me semble être quelqu'un de plutôt gentil et agréable avec eux ; mais il m'arrive de taper un message gentil sur Twitter, en public ou en DM, et de me dire : "tu le pensais vraiment, ce mot gentil ?". Je suppose que oui, au sens où je n'ai pas dit le contraire de ce que je pensais. Mais peut-être que je ne le pensais pas au sens où mon coeur ne bat pas plus pour ces contacts-là que pour les autres. J'ai mes têtes, ceux avec lesquels je sais que je m'entendrais toujours mieux que les autres, mais sont-ils chers à mon coeur ? Est-ce que je me languis d'eux lorsque je ne me connecte pas pendant un long moment à Twitter ? Pas vraiment.

Ce comportement amical ne se limite, évidemment, pas qu'à ce domaine. En matière d'amours, c'est le calme plat. Ca fait un bon bout de temps que je n'ai pas eu le plus petite béguin, et ne parlons même pas d'être amoureuse, ça fait des années et des années. Vu qu'en plus, je ne suis pas intéressée par le one-night stand, la solitude est donc une conséquence logique.
J'aimais ça, être amoureuse (et aimée encore plus, comme tout le monde), dans le temps. Sûrement trop, vu le surinvestissement qui en résultait. Une part de moi aimerait bien être amoureuse à nouveau. Rencontrer quelqu'un qui fasse battre mon coeur. Mais ensuite je me dis : "ouais, et sacrifier l'écriture, les visionnages, les lectures, les mille choses passionnantes que je préfère faire ? pas envie". Ma vie amoureuse, c'est un peu la veille du premier de l'An tous les soirs.

Si je remets assez rarement ma vie amicale en question, sur le plan de la vie amoureuse, ces dernières années, j'ai largement eu le temps de réfléchir, en revanche. Et j'ai réalisé que chaque fois que j'en parle avec moi-même, depuis quelques temps, la conversation finit toujours au même endroit. Là :
"Mais t'as pas envie de rencontrer quelqu'un ?
- Boahf. A quoi bon ? Rencontrer un mec, faire un peu moins ce que j'aime juste parce qu'il est dans ma vie... Sacrifice inutile.
- N'empêche ce serait cool de pas se coucher toute seule ce soir.
- Ah bien-sûr. Ah ce soir je dis pas. Mais après ? A quoi ça sert de se mettre avec quelqu'un, de se faire chier à trouver quelqu'un qui est compatible du point de vue du mode de vie, idéologique, politique, sexuel, etc... juste compatible, je parle même pas de se faire chier à trouver quelqu'un de parfait... et ensuite, passer quelques mois, allez ok, disons un an ou deux ensemble, et rompre et tout recommencer ? Putain mais j'ai autre chose à faire que me faire dézinguer le coeur à chaque fois, quoi. Tout ça pour revenir à la case départ. Je suis seule, eh bah je suis seule, voilà. Autant assumer ! Statistiquement, il y a des gens qui crèvent seuls. Pourquoi chercher des prétextes pour faire semblant de ne pas voir la solitude ? La solitude est la seule constante. Autant l'accueillir à bras ouverts plutôt que d'en chialer tous les soirs sur un coin de traversin.
- Tu peux quand même pas ignorer que tu as un besoin dévorant d'affection...
- Mais précisément : dévorant ! Et on a vu ce que ça a donné par le passé. Alors je peux prétendre que la prochaine fois je serai plus mature, plus sage, plus raisonnée ; je peux me convaincre que, promis, avec les années qui ont passé, je ne referai pas les mêmes erreurs de me jeter à corps perdu dans une relation ; je peux même parvenir, avec quelques efforts, à faire semblant de croire que je ne demanderai pas des tonnes et des tonnes d'affection au prochain qui voudra bien s'arrêter. Je peux jouer à ce jeu-là, rien de plus facile. Il n'empêche : j'ai un énorme besoin d'affection. Papa et maman ne m'ont pas donné ce dont j'avais besoin, gnagnagna gna gna, et toute le saint frusquin. Et quand un mec va passer par là, il va vouloir donner ça, j'aurai besoin de ça. C'est facile quand on est seule de contenir ses besoins en affection : il n'y a personne sur qui les reporter, personne à qui réclamer en permanence des preuves de mon existence à ses yeux. Je peux m'imaginer être indépendante, ça ne mange pas de pain. Il n'y a pas d'alternative de toute façon. Mais le vide, il est là. Et si quelqu'un se présente pour le remplir une fois, comment je sais que je ne vais pas lui en demander toujours plus ? Je ne le sais pas. Mais du moment où je vais commencer à vouloir combler le deficit, la relation sera condamnée. Alors restons seule et n'en parlons plus.
- Mais tu admets que tu as besoin d'affection ?
- Justement : plus on en a besoin, plus il faut admettre de s'en priver."

Bah j'y crois pas, voilà, c'est tout. Je crois pas qu'on puisse trouver quelqu'un qui admette qu'une nana qui a sévèrement morflé à un moment va toujours chercher un peu de rab' d'affection. Surtout maintenant que je ne morfle plus, en plus ; comment expliquer que la souffrance passée, aujourd'hui atténuée au point de croire, la plupart du temps, qu'elle a disparu (jusqu'à ce que je me remette à fantasmer sur une famille idéale dans laquelle passer Thanksgiving, en tous cas ; car dans le fond, je fantasme plus souvent sur une famille aimante que sur des mecs bien foutus), ait tout de même laissé ce grand vide ? Comment faire admettre à un type qui n'en demande pas tant que non seulement la marchandise a été abimée, mais qu'elle demande encore aujourd'hui un surplus d'entretien ?
Et ce, sans faire aucune promesse d'avenir ! Je n'ai pas envie de me marier, encore moins envie d'avoir des enfants... Donc le pacte c'est quoi ? "Fais de moi la personne la plus importante de ta vie, et en échange j'abandonnerai une intégrale de série pour toi" ? Soyons réalistes, non.

M'écouter penser ne me réchauffe pas franchement le coeur. Il y a encore une partie de moi (ça doit être celle qui suit le compte Facebook du frère de Lee Pace juste pour voir les photos des réunions de famille et qui s'émeut, je jure devant Dieu, qu'il ait trouvé le bonheur avec une nouvelle petite copine, sans déconner cette part de moi s'est pas un peu trompé d'adresse ?), parfois, qui s'en effraye.
Parce que c'est penser comme ça qui me rend seule. Il y a plein de gens qui trouvent, de par leur monde, quelqu'un qui veut bien "embrasser nos deux têtes" comme dirait Carrie Bradshaw de son tempérament de monstre de foire ; c'est de les tenir à distance avec la conviction de l'échec (encore une prophétie auto-réalisatrice, d'ailleurs) qui m'empêche de trouver quelqu'un. Et je n'ai que 30 ans, c'est sinistre de penser comme ça. J'ai tout le temps d'être amère, et à ce rythme, c'est sûr que je vais l'être ! Un jour j'écrirai le post le plus amer du monde, et je l'aurai bien cherché.

Cette part de moi est au contraire toujours là, réclamant son émotif du aux moments (forcément) les moins opportuns.
C'est celle qui ne s'endort que sur les coups de 5h du matin parce qu'elle a passé toute la nuit à se demander si le truc bien qui lui arrive, elle est suffisamment blindée pour se lancer dedans.

Il y a quelques jours, par hasard mais je ne sais plus par quel enchaînement, je suis tombée sur un blog racontant les petits secrets des stars. Sauf que ce ne sont pas exactement les secrets comme je les vois ordinairement passer avec son long de Kardashian poudrées ; ce sont des secrets sales, triviaux et d'une banalité sans nom. Des gens qui ne cessent de se tromper à qui mieux-mieux, de faire semblant d'être en couple pour la publicité, ou pire encore, qui se violent ou se maltraitent les uns les autres. J'ai toujours été fascinée par cet aspect-là du monde hollywoodien ; rien ne m'intéresse moins que les paillettes (sauf les Emmy Awards), ce à quoi j'ai envie de réfléchir, ce sont les vérités humaines de ces gens qui, dans la vie de tous les jours, n'ont pas de raison d'être plus dignes et nobles que n'importe qui d'autre. En réalité, cela vient de mon envie de savoir la vérité sur "les gens" en général, au lieu de penser que "les gens" ont une vie parfaite et que la mienne ne l'est pas ; j'ai envie de regarder dans les yeux ce qu'il y a de moches et dégradant en eux. Il y a deux ans, je m'étais captivée par exemple pour Texts From Last Night, parce que cela décrivait un mode de vie à cent lieues du mien, où les gens ne se détestent pas, mais ne sortent pas grandis de leurs exploits. C'est aussi ça être humain, et j'aime comprendre cette part des choses ; à plus forte raison parce que je ne la vis pas moi-même dans ma petite tour d'ivoire soigneusement barricadée. J'aime retrouver ce sentiment ambivalent sur ce blog, que, depuis que je l'ai découvert, j'ai passé au peigne fin et lis désormais de façon quotidienne (parfois plusieurs fois par jour). Les secrets confiés m'intéressent parce qu'ils sont crus comme la viande.
Et aussi parce que, secrètement, plus je commence à mettre un doigt dans cet univers, et que le doigt devient main, et peut-être bras si le rendez-vous de demain tourne bien, plus je me dis qu'il faut que je sois prête. Que je laisse ma naïveté au vestiaire et que j'admette que les échantillons de gens que je vais croiser ne sont que rarement, ne sont jamais, "des gens bien". Plus les enjeux augmentent, plus je suis ravie pour moi, et plus je me dis qu'il faut que ma tolérance au cynisme augmente. Et donc plus je deviens cynique.
Ca me blesse parfois un peu de lire certains de ces items sur des violences perturbantes et des dégradations acceptées au nom du succès. Mais je me dis qu'il faut que je tue un peu de cette biche aux grands yeux qui pense pouvoir folâtrer gaiement dans un univers comme celui-là.

Je suis en train de me crever le coeur juste pour être sûre que personne d'autre ne s'en chargera. En un sens, c'est très bien vu de ma part, ça laisse assez peu de possibilités à l'univers de me remettre à terre comme je l'ai été pendant plus de 25 ans. Bon. Mais une fois que ce sera fait, à quoi ça servira que j'existe ? Et comment serai-je même certaine d'exister si plus rien ne me touche ?

Mais serai-je capable ensuite de réussir à continuer d'écrire si je me blinde à ce point ? C'est le dilemme habituel, je suppose. Existe-t-il un équilibre entre l'hypersensibilité et l'insensibilité ? Sans m'en rendre compte, j'ai l'impression d'être passée de l'un à l'autre en quelques années, et maintenant que je m'en aperçois, je m'inquiète. Il est bien temps, me dis-je avec un petit rictus blasé.

Et juste comme ça, je suis en train d'accepter de me dégrader au nom d'un fantôme de succès. Rendez-vous dans quelques mois ou années pour le post de l'amertume, donc. Ca dépendra de la rapidité de la déception, bien-sûr.

8 janvier 2013

Appel entrant

...Quatre sonneries... cinq sonneries... pas l'impression qu'elle va pas décrocher.

"Allô ?
- Ah bah quand même ! C'est moi.
- C'est toi ? Ah putain, j'aurais jamais imaginé !!! T'es où, là ?
- 30, presque 31.
- Eh ben putain !
- Ecoute je peux pas rester longtemps, les appels dans le temps c'est du hors-forfait, j'appelle juste pour te dire : c'est bon.
- C'est bon ?!
- Ouais, ça va se réaliser. Au moins en partie.
- ...
- T'es encore là ?
- ...Ben si on m'avait dit.
- C'est ce que je fais, justement.
- Euh, wow, je sais pas quoi dire...
- Bah dis rien dans ce cas. Par contre rends-moi un service : tu pourrais éviter de tenter de te suicider dans quatre ans ?
- J'vais voir ce que je peux faire... mais c'est clair que ça change tout !
- Ok cool, bon bah j'y vais alors.
- D'accord, on se voit dans 15 ans.
- Deal.
- Bye."

30 novembre 2008

Seule et bien accompagnée

Il y a trois mois, j'ai rencontré quelqu'un d'assez différent de mes connaissances habituelles. Si nous nous étions rencontrées au lycée, nous ne nous serions probablement pas adressé la parole, d'ailleurs. Trop différentes. Elle, du genre fêtarde, moi, du genre... moi. A l'époque les filles de nos genres ne se fréquentaient pas trop.
Mais dans les circonstances où nous nous sommes rencontrées, bizarrement ce sont nos rares points en commun qui nous ont rapprochées : notre cynisme. Et elle, étant celle qu'elle est, on s'est mises à se voir souvent.

Très.

Chaque fois qu'elle m'appelle, c'est pour faire quelque chose. Chaque fois. Aller à une expo, un salon, au resto, boire un verre (enfin, non, jamais un seul...), sortir. Une fois elle m'a appelée à cause d'un jeu video qu'elle acheté pendant que nous faisions du shopping ensemble, se jurant de ne pas y jouer plus de 30mn et donc me demandant d'aller chercvher la soluce pour elle sur internet.
Sinon, c'est pour faire quelque chose.

Les premières fois c'était marrant. On ne se connaissait pas bien, donc on gardait une certaine distance. Elle avait au départ proposé l'idée d'un resto par mois, et j'aimais bien ça : on se fait une bouffe et, le reste du temps, on s'appelle ou on s'envoie des mails. Parfait pour moi.
Ca me laissait du temps bien à moi, pour mes projets persos. J'ai vraiment, vraiment besoin d'avoir mes deux jours de weekend bien à moi, tranquille, dans le calme, un peu de musique, mes petites affaires... puis retourner affronter la mégère qui me tient lieu de collègue le lendemain et avoir mon sourire professionnel pendant une semaine, parce qu'il est hors de question que je fasse la gueule même si parfois j'en ai ras-le-bol. C'est important pour moi de pouvoir laisser mes états d'âme à la maison quand je vais au travail, et pour ça, j'ai besoin de me ressourcer le weekend.
Sauf qu'on n'a jamais respecté ce deal d'une fois par mois. Et le pire c'est qu'elle est de bonne compagnie, et que plus le temps passe plus on parle de choses et on devient proches, et on s'amuse bien, mais dés que je la vois deux fois dans la même semaine, je suis en overdose.

Donc voilà mon cas de conscience : comment garder la distance qui m'est nécessaire en ces temps qui me sont nerveusement un peu difficiles, si je dois sans arrêt gérer les envies de sortie de cette nouvelle connaissance ? C'est difficile de lui expliquer que, deux fois, c'est beaucoup pour moi. Que me trimballer dans un salon le weekend, ce n'est pas ma conception du retour au calme nécessaire entre deux semaines de boulot. Et que quand je vois trop les gens, je ne prends plus plaisir à les voir.

Tenez, ma frangine... on se voit une fois de temps en temps (on n'a pas convenu d'une fois par mois parce que, bon, on n'y a pas pensé, mais grosso modo c'est à ça qu'on aboutit), et c'est très bien. On s'appelle. On s'envoie un ou deux mails. Et puis on se fait un aprem ensemble une fois, et c'est très bien.
Chacune a sa vie, chacune peut gérer ses préoccupations sans être étouffée.

Le problème en ce moment, c'est que je voudrais être seule ET bien accompagnée.

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