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ladytherapy
23 avril 2010

Music: a complete guide to autism

La grande révélation que m'a faite ma psy il y a quelques temps, c'est que je ne suis pas dépressive. Je vous avoue que ce jour-là, elle a bien mérité ses 41€, parce que franchement, celle-là, on ne me l'avait jamais faite. Et près de trois mois plus tard, j'avoue n'avoir pas encore complètement intégré cette donnée.

C'est une nouvelle rassurante, d'une certaine façon. Du moins, ce devrait l'être. Mais au contraire, je suis complètement retournée.
Je ne serais pas dépressive ? Je n'aurais connu que des épisodes dépressifs, mais je n'aurais pas une personnalité cliniquement dépressive ? Par défaut, ce n'est pas ma nature ? Mais alors, comment expliquer que je l'aie été pendant une bonne vingtaine d'années ? Il parait que je connais des épisodes dépressifs particulièrement longs à cause d'un facteur qui les provoque. J'ai une petite idée sur les personnes à blâmer pour ces "facteurs extérieurs", je vous le dis franchement. Mais ça reste quand même une révélation foudroyante. Parce que ça fait quand même la bagatelle de 10 ans que j'avais acquis la conviction d'avoir été dépressive toute ma vie. Ça expliquait tout. Ça expliquait mon rapport à la mort, à ma mort, à tout. J'étais convaincue d'être dépressive depuis toujours.

Et donc, je ne le suis pas.
Bon.
Il va falloir faire avec cette nouvelle donnée.
Merde alors, quand même.
Toutes ces fois où...? Non ? Bon. Pas dépressive, alors. Juste des épisodes. Des épisodes longs, mais des épisodes. Bon. Merde quand même. Le choc, putain. Sérieusement. Pas dépressive. Bordel, si j'avais su.

Ou, en fait, peut-être que je savais. Du moins, peut-être que mon corps le savait. Chaque fois que ça allait si mal, que je me sentais meurtrie à l'intérieur, et que je ne luttais pas. Peut-être que c'était ça. Peut-être que c'est mon corps qui digérait l'épisode, parce qu'il savait qu'il allait rebondir. Parce qu'il n'était pas dans sa nature d'y rester, dans son épisode dépressif. Peut-être que par réflexe, je ressentais le besoin d'explorer l'épisode dépressif pour mieux repartir de l'avant.

C'est encore difficile pour moi à concevoir. Ça annule des tas de choses que je croyais être vraies sur moi-même. Quand j'ai vécu en 2003 cette espèce de résurrection intérieure, par exemple. C'est comme si maintenant ça perdait du sens, cette renaissance que j'ai ressentie alors. Je n'étais pas dépressive. La renaissance était normale. Ce n'était pas mon miracle à moi. Je n'ai jamais eu de miracle à moi. Juste des sorties de crise, qui étaient inéluctables, parce que, tenez-vous bien, il n'était pas dans ma nature profonde d'être dépressive. Et je plains sincèrement ceux qui le sont parce que, bordel, j'ai eu l'impression que mes épisodes, c'était déjà une sacrée épreuve.
Mais en fait, non, je n'ai jamais été qu'un imposteur. Et je ne le savais même pas.
Je suis encore ébranlée par cette révélation. Elle invalide plein de choses et il y a des tonnes d'ajustements à faire dans la façon dont je me voyais.

Cela dit, depuis qu'elle est partie, je crois que cette conviction m'a aussi un peu aidée. Je vais rebondir. Ça va être dur, mais ce n'est qu'un épisode. Je peux faire confiance à mon instinct pour vivre la douleur à fond, puis en ressortir. Savoir que je n'ai jamais été dépressive, c'est un peu une trahison envers elle, mais beaucoup un soulagement en ce qui concerne le futur. Je vais rebondir. J'ai trahi tous ceux avec qui je compatissais, mais en tous cas, je ne suis pas dépressive. C'est pas dans ma nature. J'ai dépassé l'épisode où je voulais mourir, depuis bientôt 9 ans maintenant, c'est bien, c'était un épisode, on n'y reviendra pas. Là je passe par un autre épisode (et je peux clairement voir que, bien qu'il soit atrocement difficile, il n'a rien de commun avec d'autres qui l'ont précédé) mais ce n'est que ça, un épisode, et je m'en sortirai. Avec de nouvelles cicatrices à l'intérieur, mais je m'en sortirai.
Cette nouvelle que ma psy m'a apportée, c'est comme une sorte d'espoir, de foi. Depuis combien de temps je n'avais plus ressenti ce genre de choses aussi infiniment positives sur l'avenir ? Je ne suis même pas certaine que ça me soit déjà arrivé.
Et dans mon cercle malsain de médicaments, et de pensées morbides, et de questionnements sur ma nature, je conserve la foi nouvellement acquise que, là, je ne le vois pas, mais l'épisode aura une fin. Ce n'est pas qui je suis, ce n'est pas mon diagnostic, il y a une issue qui n'est pas la dépression. Je vais en chier quelques temps, continuer de sortir du boulot et voir le ciel sans nuages et m'effondrer dans la rue, continuer de pleurer dans le train avec la respiration qui s'arrête comme si mes poumons n'allaient plus jamais accepter de passer le moindre gramme d'air, continuer de hurler de douleur le soir quand je n'ai pas encore pris mes médicaments...
...mais vous savez quoi ? C'est pas moi. Ce n'est pas qui je suis. C'est juste ce que je vis. Ça finira à un moment. Il faut que je me fasse confiance. Parce que mon corps, il n'est pas malade. Il ne l'est pas. Et il va extirper tout ce mal de lui-même à un moment ou à un autre. Il faut juste serrer les dents, et se laisser faire, et ça reviendra, comme c'est toujours revenu, après tout, même si la première fois ça a pris 21 ans.
La renaissance de 2003, celle de 2008, et maintenant, celle de 2010 peut-être ? Ce n'est pas sans fin. C'est juste terrible à vivre.

Alors je m'en remets à mon corps, je passe la crise comme j'ai passé toutes les autres, je laisse les choses se faire et j'attends de remonter de moi-même.
Et en attendant, eh bien, je laisse l'instinct me guider.

En ce moment, mon instinct me dicte plusieurs choses. D'une part, l'autisme total, celui-là je le connais bien, c'est quand le monde n'existe qu'unilatéralement, je ne prends plus d'appel, je ne vois plus personne. Ça fait deux ou trois jours que ça a commencé et je pense que ça y est, le mécanisme est enclenché, j'ai tous les symptômes du "le monde doit impérativement comprendre qu'il doit me foutre la paix et attendre que j'aie envie de venir à lui".
Et d'autre part, la musique. Deux jours après qu'elle soit partie, je suis allée à la FNUC et je me suis racheté ces écouteurs bluetooth que j'avais achetés en novembre et qui, au bout d'une semaine, ont été grignotés par le chat de mon patron (j'attends toujours les 50€ de dédommagement, enfoiré), et que j'avais hésité à me repayer vu la somme, eh bien là ça y est, et tout le monde peut voir que j'en ai, des écouteurs, parce que dés que je suis dehors, je les ai vissés dans les oreilles, celle qui entend et celle qui n'entend plus vraiment, et celle qui entend, sérieusement, elle en est douloureuse à force d'avoir l'écouteur vissé comme ça deux à trois heures par jour, c'est pas le son, c'est juste le corps étranger vissé dans l'oreille pour me plonger dans la musique et pour effacer le reste du monde, et la musique efface le monde et je sais que ce n'est qu'une phase, mais là j'en ai besoin, de ma musique, je l'ai senti monter depuis quelques jours, et là on y est, c'est la musique, tout le temps.

Et de savoir qu'après, je vais sortir de mon autisme musical, parce que c'est juste un épisode... ça m'autorise à me laisser encore plus aller.

Dontlookback

Même au plus sombre, il semble désormais que j'ai, par cette révélation, déverrouillé l'accès à une certaine confiance en l'avenir.
Don't look back.

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19 avril 2010

Dangereux mimétisme

Depuis qu'elle est partie, vraiment, c'est dur. Et très franchement, pour quelqu'un que j'ai rencontré "en vrai" il y a seulement 9 mois, ça m'étonne un peu de réagir comme ça, mais, comme le dit ma psy (en ce moment je fais partie de ces gens qui commencent leurs phrases par "comme le dit ma psy"), ça faisait très longtemps que je m'étais fermée aux autres, et pour la première fois depuis des années que je laissais quelqu'un entrer dans mon cœur, ça rend les choses encore plus difficiles. Elle avait de l'importance par elle-même, parce que c'était une personne absolument magique, et puis elle avait de l'importance à cause de ça aussi, parce que plus personne n'avait eu le droit d'avoir un tel accès à moi-même.

Je ne suis pas une personne secrète, pourtant. Loin de là. Posez-moi la question la plus intime qui vous vienne à l'esprit, et j'y répondrai, parfois avec une formulation un peu humoristique si je suis embarrassée, mais en tous cas toujours. C'est d'ailleurs en cela que l'expérience formspring s'est avérée décevante, les gens se sont souvent bornés à des questions simplistes et n'ont pas cherché à me pousser dans mes retranchements, je n'ai pas pu tester mes limites en la matière. Il doit bien y avoir pourtant une limite à ce que j'accepte de dire à tout le monde et n'importe qui, mais je ne connais pas encore cette limite. J'avoue être assez contente de ce trait de caractère que j'ai, qui fait de moi quelqu'un de fondamentalement honnête, d'une certaine façon. Je me vois comme Gally mettant tirant son coeur de sa poitrine et le posant sur la table, là où tout le monde peut voir qu'il est en jeu.
Mais étrangement, plus je suis prête à parler d'absolument tout avec tout le monde, moins il y a d'intimes dans ma vie. Je ne manque pas d'intime, mais je manque d'intimes, clairement. Je ne m'attache plus à personne.

Ou plutôt, je ne m'attachais plus à personne. Et puis il y a ce soir, dans ce bar, deux petits cocktails et beaucoup, beaucoup de souvenirs évoqués, et ce n'était que la seconde fois que nous nous rencontrions "en vrai", mais c'était comme si nous avions vécu côte à côte. Nous étions deux personnes fondamentalement différentes, au vécu différent, au présent différent, aux aspirations différentes, mais au ressenti absolument similaire.

C'était souvent une chose douloureuse. Elle me renvoyait le miroir de ma propre douleur. Parfois on parlait au téléphone une, ou deux heures, au beau milieu de la nuit, c'est principalement arrivé cet hiver suite au décès de son grand-père, et pendant plusieurs jours ensuite, je me sentais terriblement mal, comme une sorte de nausée émotionnelle, parce que tout ce qu'elle avait dit, je l'avais ressenti à un moment ou à un autre de ma vie, et ça faisait terriblement mal d'être mise face à tout cela.
Je suis habituée à parler de ma douleur, et aujourd'hui, je sais en parler sans sombrer systématiquement dans le pathos, ce qui est une immense victoire sur moi-même.
Mais entendre quelqu'un d'autre dire toutes ces choses-là, c'était une expérience terrible. Terrible.

Pour autant que ç'ait été infiniment douloureux de partager tous ces sentiments avec elle, c'était aussi profondément réconfortant d'avoir cette autre personne, qui savait. Qui savait ce que chaque chose pouvait représenter.

J'ai repensé aux mois que nous avons passé, depuis notre "vraie" rencontre, à la façon dont s'était déroulée notre amitié. Pas une fois, pas une seule, nous n'avons eu de dispute, de désaccord profond sur quoi que ce soit. Nos goûts variaient, nos expériences variaient, nos envies variaient... mais sur le fond, jamais le moindre désaccord.
Et je trouvais incroyablement confortable de sentir en elle cet accord constant avec tout ce qui me semblait être le pilier de mon être.

Mais en même temps, je ne nous prenais pas pour des jumelles ou quelque chose de ce genre. Ce n'était pas fusionnel. Je respectais le fait qu'elle mène une vie dont je désapprouvais beaucoup d'éléments.
Aujourd'hui je me dis que peut-être j'aurais dû quand même ouvrir ma gueule.

Quand ce soir-là, elle m'a appelée, et qu'elle m'a dit toutes ces choses gentilles, et que je lui en ai dit d'autres gentilles aussi... je n'aurais pas dû. J'aurais dû lui dire "écoute, ma chérie, c'est n'importe quoi, il faut que tu arrêtes tes conneries, tu te rends pas compte, t'es complètement pétée ma grande, explosée, c'est pas raisonnable, personne ne devrait boire comme ça à s'en rendre malade, il faut que tu fasses quelque chose". Au lieu de ça j'ai été gentille et tendre et compréhensive, et quand j'ai raccroché, la première chose que j'ai dite à Tomcat, c'est "that cannot be healthy". Et non, c'était pas sain, en effet, et ça s'est vérifié par la suite. J'aurais dû dire quelque chose. Me fâcher. Les amis font ça. Ils vous disent quand vous avez merdé. Ils vous disent que vous avez un problème. Quitte à se fâcher et se prendre la tête quelques jours ou une semaine, ou deux à la limite. J'étais en position de le faire. Mais je respectais trop le fait qu'elle soit différente de moi et qu'elle ait le droit de mener sa vie comme elle l'entendait. Oui, on peut respecter trop quelqu'un, au point de la laisser se perdre.

Ca fait 12 jours que tout le monde me répète combien elle m'appréciait et combien j'ai compté. A quel point j'avais été gentille avec elle. Et je suppose que c'est une consolation pour plein de monde de se dire que, pendant ces derniers mois où elle allait si mal, il y a eu des personnes dans sa vie (pas que moi évidemment) pour être là et être gentille et toujours avoir une attention. Et c'est parfait si ces personnes trouvent une sorte de consolation dans cette idée.
Mais moi. Moi j'ai été gentille. C'était la chose la plus importante au monde pour moi depuis quelques temps, une véritable obsession : être quelqu'un de bien. J'ai été bien. Gentille. Compréhensive. Tolérante.
Et finalement j'aurais dû être une chieuse. Ca ne l'aurait peut-être pas sauvée.
Ou peut-être que si, je ne saurai jamais.

Depuis 12 jours me voilà dans un étrange cercle où j'essaye de me distancier de notre ressenti commun mais où, en même temps, je suis attirée par lui. Je voudrais comprendre ce qui était tellement bien dans le fait d'être bourrée. Dieu merci j'ai comme règle depuis plusieurs années de ne jamais garder d'alcool à la maison, je n'ai aucune idée de ce qui se passerait si ce n'était pas le cas. Par contre des médicaments, j'en ai. Et pour la première fois de ma vie, je ne les dédaigne pas. D'ordinaire, on me les prescrit, je les prends pendant quelques jours, trois, quatre, cinq si je suis motivée, et puis j'oublie. Et le lendemain je me dis "oh, c'était pas si terrible de faire sans, pourquoi reprendre ?". Et ça s'arrête là. Jusqu'à l'ordonnance suivante.
Mais là non. Là je prends mes médicaments, avec une sorte d'anticipation, même, ah, il est 22h, la bonne heure pour prendre les deux médicaments, celui pour se calmer et celui pour dormir. Et puis j'apprécie tellement la sensation d'avoir la tête qui tourne et de me prendre les pieds partout et de ne pas tenir debout que j'en rajoute un troisième. Et je sais que ce n'est pas la chose à faire. Et que le lendemain, les effets vont se poursuivre jusque tard dans la matinée, oh je vais me lever (enfin, pour le moment j'ai réussi à me lever sans problème, on ne sait pas ce que l'avenir réserve), mais jusqu'à 10, ou 11 heures, je vais être complètement shootée, et j'aime cette sensation. Et ça me fait peur parce que jusque là je l'ai détestée et méprisée, cette sensation.

Et tout est comme ça. Je pense au suicide, sans arrêt. Pas le mien, pas le sien, le suicide en général. A des façons de mourir, pas pour moi, pas celle qu'elle a choisie (même si elle me révolte), mais en général, comment mourir ? Je pense à la mort alors que je sais que j'ai dépassé ce stade il y a quelques années maintenant. C'est comme la sobriété, je compte le temps passé avec des petits jetons imaginaires, je sais que je tiens bon, je sais aussi que je peux glisser.

Elle a basculé et j'ai envie de faire le mouvement aussi. Je n'ai pas envie de binge drinking et je n'ai pas envie de mourir, mais c'est quand même une sorte de tentation permanente parce que, même si ma psy me le dit : "vous n'êtes pas elle", et même si je le sais et l'ai toujours su comme une évidence, je ne sais pas.
Il y a une sorte de besoin de mimétisme.

Je crois qu'elle me manque aussi comme ça. Ca me manque d'avoir perdu cette partie de moi qui était en communion avec quelqu'un, et je voudrais retrouver ça.
Et pour mon propre bien, je ne dois pas, il ne faut pas, et je ne le veux en fait qu'à moitié.

Mais ce soir, je sais que je vais regarder ma plaquette de médicaments comme je l'ai regardée hier soir. Avec soulagement.

19 avril 2010

Tic tac tic tac

Le temps passé : ça fait 3 jours que l'enterrement a eu lieu. Ça fait 12 jours qu'elle est partie. Ça fait 14 jours que je ne lui ai pas parlé.
Mais surtout, j'ai l'impression que ma vie est centrée autour de la gestion du temps qu'il reste. Je m'en suis aperçue hier soir.

Hier j'ai pourtant passé une plutôt bonne journée, vu les circonstances. En fait, si on essaye de faire comme si vendredi ne s'était pas produit, ce que, soyons honnêtes, je me suis efforcée de faire ces deux derniers jours, c'était un plutôt bon weekend dans l'ensemble.

Samedi, je me suis levée tôt, je suis allée voir ma psy, j'ai fait mes courses, et j'ai cagoulé des videos de Jmusic une bonne partie de l'après-midi. Vient le début de soirée et sur le coup de 19h30, je me dis soudainement en levant le nez : tu peux pas laisser ce bureau comme ça. Pas si dans un avenir proche, il doit y avoir cet ordinateur dessus. C'est quand même son ordinateur, merde. Alors comme ça, juste comme ça, je commence une désinfection de tout le secteur du bureau, j'ai tout vidé, j'ai tout déplacé, j'ai tout nettoyé, j'ai tout décapé, j'ai tout briqué, j'ai tout trié, j'ai tout rerangé, et aux alentours de minuit, le dos rompu, enfin, j'avais fini. Même pas vraiment satisfaite de moi d'ailleurs. Mais bon, c'est un peu mieux comme ça. C'est pas Byzance mais je rangerai un autre coin de l'appart la prochaine fois, pour stocker des trucs qui actuellement sont sur le bureau, et ça fera de la place pour son ordinateur et ce sera mieux. Voilà, ça sera le programme du prochain weekend, tiens, faire la même chose dans l'armoire pour faire encore plus de place sur le bureau.
Finalement, tout va bien, je n'ai jamais passé que plus de 5h sur le nettoyage d'un bureau. Faut dire que j'ai passé des lingettes désinfectantes jusque sur les câbles de l'ordi, de la télé et du téléphone. Mais non je n'ai pas atteint un stade psychotique de mon deuil, mais non quelle idée.

Donc une fois que j'ai eu descendu les poubelles (descendre les poubelles à minuit et demi un samedi, rien de plus normal) avec tous les papiers que je garde pas (moi ! moi qui jette des trucs ! des papiers en plus !), j'ai même pas su m'arrêter, j'ai passé la serpillère par terre (et par serpillère je veux dire que je nettoie le sol à l'éponge comme dans un Dickens, Dieu merci je ne le fais plus à la brosse à dents depuis plusieurs années), j'ai changé les draps du lit, j'ai mis de l'encens à brûler, bon, ça sentait le propre, ça avait une gueule propre (du moment qu'on regardait pas dans l'évier parce que la vaisselle n'a pas eu l'honneur de tant d'attentions), mais rien à faire je n'étais pas satisfaite de moi. J'ai pris une douche avec un shampoing, et le temps que les cheveux sèchent, je me suis regardé deux épisodes de sitcom mais ça collait toujours pas. J'ai pas pris mes somnifères en me disant qui si mon dos éclaté ne me faisait pas m'évanouir, l'heure avancée (2h45 du mat, tout va bien) devrait quand même pouvoir s'en charger... J'ai dû fermer l'oeil vers 3h30, par là.

Le réveil était programmé pour 10h30 le dimanche ; à 10h15 je bondissais hors de mon lit, partais faire un complément de courses because rupture de stock de jus d'orange, revenais à la maison, et me recalais à nouveau devant des videos de Jmusic. Sur le coup de 18h00, tout d'un coup je me dis que je me lancerais bien dans une salve de lessives. Je descends à la laverie, une machine se libère dans les 10 minutes, je mets mon chargement en route, manque de bol l'autre machine est occupée, pas grave en attendant je nettoie la salle de bains, je fais un peu de vaisselle (juste un peu faut pas exagérer, je suis pas à ce point désespérée), je redescends pile pour la fin de ma machine, hop, lancement du séchage, je remonte, je prends une douche type décrassage intense de l'enfant sauvage (parce que non contente de prendre deux douches par jour en moyenne, il faut aussi que je me décrasse avec trois savons différents et un shampoing une fois de temps en temps, comme si j'étais la plus dégueulasse des créatures rampantes de la planète ; faudra que j'en discute avec ma psy à l'occasion, je suppose), le temps que les cheveux sèchent pouf le linge était sec aussi, résultat des courses il était 21h00 et yavait plus rien à faire (j'omets volontairement la vaisselle qui, bon, bah, c'est pas à ce point non plus hein). J'ai allumé un bâton d'encens et je me suis remise devant un écran, j'ai vaguement joué à deux ou trois conneries online, j'ai regardé des videos de Jmusic, ce genre de choses. Je suis allée me coucher vers 23h00, le cocktail de pilules censées être magiques et me faire dormir n'a fini par faire son effet que vers 1h30 du matin où j'ai eu la tête qui a vaguement tourné (c'est bien, 4 heures après la prise, quand même, belle performance), je me suis forcée à dormir et comme par miracle ça a marché, et ensuite, réveil le lendemain matin pour aller au boulot.

Si je raconte tout ça, alors que d'ordinaire j'exècre écrire des posts qui racontent de façon chronologique un évènement donné, c'est parce que tout d'un coup, hier, en remontant mon linge tout sec de la laverie, je me suis dit : t'as passé ton temps à calculer tout ce que tu faisais.  T'as plein d'équations toutes prêtes dans ta tête pour savoir ce que tu vas pouvoir faire en même temps qu'autre chose.
Un cycle du sèche-linge = douche + shampoing + temps de séchage. Le téléchargement d'une video de Jmusic = préparation du dîner. Plus fou, quand tu joues à des putains de jeu en ligne, tu calcules que dans 7 minutes tu pourras récolter tes patates, ou que dans 30 minutes ton personnage sera sorti de la salle de gym. Même dans les trucs censés être divertissants, tu es une machine à calculer le temps qu'il reste !

Le temps qu'il reste.
La formulation ne peut pas être innocente dans les circonstances actuelles, évidemment.

Avant, je n'étais pas comme ça. Pas avant, "il y a 12 jours", mais avant, "avant". Avant que je me prenne ce crochet dans la mâchoire il y a quelques années. Avant, je m'en foutais, du temps. Ma mère me disait "va prendre ton bain parce qu'à 19h00 on dîne" ou "termine tes révisions parce qu'il ne te reste plus que 10 jours avans le bac" et je m'en battais royalement l'oeil parce que très franchement, ça viendra quand ça viendra. Bien-sûr que l'heure du dîner approche et faut pas s'inquiéter, mais je serai propre pour le dîner faut pas se mettre dans cet état-là, et oui, évidemment que le bac est dans quelques jours mais je serai prête ou je ne le serai pas, c'est pas maintenant que ça se joue mais ces trois dernières années.
Et c'était reposant de penser de la sorte. J'aimais cette forme de je-m'en-foutisme que j'avais vis-à-vis du temps. J'ai longtemps refusé d'apprendre à lire l'heure, je devais être sur la fin de l'école primaire, peut-être même le début du collège quand j'ai accepté d'apprendre. Regarder une montre, ça ne m'intéressait pas. D'ailleurs quand mes parents ont arrêté de me forcer à en porter une, je n'en ai plus jamais porté de ma vie.
Parce que mes parents semblaient passer leur vie à surveiller l'heure ; et je me disais, mais ma parole, ils ont un don pour se stresser pour des conneries. Le temps passe et on n'y peut rien, l'heure avance et c'est comme ça. Au pire je serai un peu en retard. Quel mal à ça ? Je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon pour une histoire de temps qui passe. Et du coup j'ai passé beaucoup de temps dans ma vie à être en retard à des rendez-vous ou en cours ou au travail, par refus de regarder l'heure. Finalement c'était une autre façon de regarder l'heure (ah tiens, il est 8h20 sur la pendule de la pharmacie et je suis encore dans le bus, je vais être à la bourre), mais quand même, je ne voulais pas que tout ça ait de l'importance, et ça en avait le moins possible.

Il y a quand même des choses plus graves dans la vie que cette angoisse permanente de ne pas être à l'heure pour le futur.

Mais voilà, aujourd'hui, j'ai changé, et maintenant moi aussi j'apprends à regarder l'heure, pas pour savoir l'heure qu'il est maintenant mais pour savoir le temps qu'il me reste avant que telle action soit finie, ou que tel évènement minuscile de ma vie se produise, comme la fin d'un cycle du sèche-linge.

Calculer le temps qu'il reste. Il faut que je m'ôte cette idée de la tête.

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