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ladytherapy
30 août 2005

Maudit modem

Après une disparition du net d'une semaine et demie qui m'a valu moults mails inquiets (alors que vous devriez vous douter, depuis le temps, qu'entre les déménagements et ma guigne légendaire, il y a forcément une bonne raison à mes absences de la toile), me revoilà, et comme à l'accoutumée, c'est quand on a pas le blog sous la main qu'on a envie d'y écrire.

Voici donc deux notes antidatées par mes soins :

- Recyclage
- Elle ignore...

Je sais que ça signifie beaucoup de lecture, mais vous verrez, les yeux se réhabituent vite à lire plus de trois mots à la suite.

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29 août 2005

Elle ignore...

J'ai laissé le téléphone sonner. Pourtant j'ai bien vu qui m'appelait. Je sais qu'elle a laissé un message. Je sais aussi que je ne la rappellerai pas. Et en entendant le message, je me rappelle pourquoi.

Parfois, moi aussi, je fais partie de ceux qui ne reviennent jamais...

A intervalles réguliers, c'en est effrayant, elle me rappelle. Et, affichage du numéro oblige, elle tombe irrémédiablement sur mon répondeur. Auquel elle dispense quelques nouvelles sans même savoir si ça m'intéresse, ou si même j'aurai le message. En fait depuis près de deux ans que cela dure, on pourrait penser qu'elle laisserait tomber. C'était ce que je m'étais imaginé au début d'ailleurs. Elle ignore que j'écoute ses messages avec intérêt, mais qu'ils me donnent chaque fois envie de ne pas la rappeler.

Cela fait deux ans que nous ne nous sommes pas parlées réellement, et plus de trois que nous ne nous sommes pas vues ; plus, si ça se trouve. Je me souviens de la crèperie ; je ne suis pas sûre qu'il y ait eu une autre fois. A cette époque déjà j'avais hésité à la voir. Pour les mêmes raisons qu'aujourd'hui je ne le veux plus du tout. Elle ignore qu'à chacun de ses appels elle me tord le coeur.

Dans ses messages, elle laisse toujours la porte ouverte à des retrouvailles. Il lui est déjà arrivé de me donner directement ses dates de disponibilité ; cette fois elle me fait savoir ses dates d'indisponibilités, pour aller au plus court. En général elle espère une rencontre, pas seulement un coup de fil. Je la pense incapable de comprendre. Elle ignore qu'elle m'a toujours donné l'impression de n'avoir jamais compris.

Lorsqu'on est au lycée, j'imagine, on pense que ce sera pour la vie. Que les amitiés vont rester. D'ailleurs nous étions convaincues de travailler toutes ensemble dans 10 ans. Nous en avions fait le pacte. Même si elles l'avaient signé en rigolant et qu'aujourd'hui c'est moi qui prends le parti d'en rire plutôt qu'autre chose, avec un léger goût amer, peut-être. Malheureusement elle est aussi arrivée dans ma vie à un moment où je ne croyais déjà plus qu'à moitié à l'amitié. J'avais toujours écrit ce mot avec un "A" majuscule, mais après la troisième... cette fichue année de troisième où tout est allé de travers dans tout ce qui importait réellement... je n'y croyais déjà plus vraiment. Je courais déjà après quelque chose en quoi je ne croyais plus ; j'allais ensuite apprendre que ce ne serait pas la dernière fois, hélas. Pourtant après cette période, elle a été ce qui s'est le plus rapproché d'une meilleure amie pour moi. Et même quand je n'y croyais plus tant, j'avais tendance à une certaine possessivité. Elle l'ignore sans doute, mais devant son diminutif, j'avais tendance à mettre un possessif, d'ailleurs (ça faisait aussi un joli jeu de mot, il faut le dire, et il lui allait bien : drôle et doux).

Je me rappelle plus ou moins comment les choses ont commencé : alors qu'en seconde nous avions chacune une camarade de notre côté, nos deux binômes s'étaient liées d'amitié et nous avaient brutalement prises en grippe. Nous avions laissé tomber les deux pestes et commencé à traîner ensemble. Sans savoir qu'en deux ans, nous serions la base d'un véritable clan. A cette époque je m'étais dégagée de certaines peurs en milieu scolaire. J'étais libre. Je plaisantais. Je brillais. J'écrivais, je dessinais, je faisais le pitre. Et pendant ce temps, elle était l'incarnation de la douceur, de la gentillesse, de la tempérance, et à nous deux nous sommes devenues les pilliers d'une petite troupe de rigolottes en tous genres qui variaient en trois formations à géométrie plus ou moins fixe, et dont nous étions le point de ralliement pendant ces années de lycée... C'était une époque où on était, chacune à notre façon, les deux chefs de meute. J'en faisais des tonnes et quand les filles avaient besoin de calme, elles allaient à elle. Je faisais l'animation, en quelques sortes. J'aimais ça. J'aimais les avoir toutes les 10 autour de moi lorsque je leur lisais mes écrits, ou les voir éplucher mes derniers dessins. Je n'écrivais parfois que pour cela (mais qui se souvient encore des CorotGirls ?), juste pour les voir rire à mes singeries, les réunir autour d'un cérémonial que je passais parfois toute une nuit à mettre au point, juste pour que cex 10-là soient encore là la semaine suivante ; et à côté, toujours, toujours elle était là, en train de hocher la tête en riant, sur l'air de "c'est drôle mais t'en rates pas une, petit clown". Elle ignore que ça m'était si important.

C'était une drôle de relation et même si je ne considérais pas vraiment qu'elle était une meilleure amie comme on l'entend à cette période, je ne m'imaginais pas faire mes pitreries sans elle (l'avenir m'a détrompée, bien-sûr, et je l'ai laissé faire). Elle servait de point d'équilibre. Je me suis souvent demandée si ensuite j'aurais pu changer de rôle. Tout ce beau monde avait vite fait de prendre de la distance lorsque j'étais sérieuse. Je me souviens comment je leur ai dit ce qui se passait à la maison. Je me souviens le silence. J'ai encore dans un carton les dessins que j'ai faits ensuite pour les distraire. C'était aussi ça, ma vie avec ces filles. Et même si elle y prêtait un peu plus d'attention que les autres, il fallait toujours que j'essaye de tourner les choses avec humour. Ou comment, pour parler de mes teenageries, j'avais dû inventer un jeu sur "l'homme-concept idéal" par le biais duquel, en philo, je lui demandais son avis... C'était comme ça. Est-ce que j'ai jamais pleuré devant elle ? C'est possible. Sans doute pas très longtemps en tous cas. Elle ignore que j'ai encore tout gardé quelque part et que je trimballe nos conneries de lycée de déménagement en déménagement.

Et que ça en fait du papier, diable !

Tout ce qui m'attirait à elle à cette époque, la raison pour laquelle je la fréquentais et estimais qu'elle était un peu un sorte de contre-poids, c'est l'exacte raison pour laquelle je ne veux surtout pas la revoir aujourd'hui. Parce qu'elle me faisait mal rien que d'exister, dans le fond. Tout lui semblait toujours si simple. Mais à l'époque les choses étaient moins dures ; à l'époque je n'avais même qu'à moitié conscience de ce qui me faisais mal. Je n'ai compris qu'en cours de route combien mes parents m'étaient nocifs. Et quand les choses ont vraiment commencé à me faire mal explicitement, j'avais déjà le Bac en poche, j'avais fini le lycée, et toutes ces choses que vous savez si vous avez lu mes premiers posts. C'est à ce moment que j'ai voulu rompre le contact. D'abord parce que, j'en étais convaincue, on ne garde que certains types d'amis indéfiniment : ceux auxquels on a pas peur de s'ouvrir. Mais je m'étais bâtie auprès d'elle et des autres une telle image qu'au moment de ma dépression, j'ai senti qu'elles ne tiendraient pas. Et quand je leur ai donné des nouvelles, au début, j'ai bien vu que c'étaient des soucis d'un autre gabarit que celui qu'elles pouvaient supporter, elle y compris. Alors j'ai voulu couper net. Et ça faisait mal de la voir s'accrocher. Parce qu'elle ignorait pourquoi tout en l'adorant toujours autant, je la détestait...

Depuis des années, elle est l'incarnation pour moi de ce que je ne connaitrai jamais. J'ai encore en mémoire, comme si je l'avais visitée hier, le souvenir du jour où elle m'a invitée à déjeuner chez elle. Je vois la télé allumée devant la table du living, la petite cuisine blanche, le poupon joufflu dont elle aurait presque pu être la mère puisqu'ils avaient 16 ans de différence, la petite soeur au quenottes adorables, sa mère aux sourcils bien épilés, le beau-père qui la traitait plus en copine qu'en fille et le chat aux yeux lumineux. Une famille moderne : recomposée. Mais heureuse. Terriblement heureuse. Terriblement simple. Elle ne comprenait jamais mes questions, toutes mes questions, les questions que je me posais en permanence et qui avec le temps ne se sont qu'à peine calmées, et en voyant la nappe cirée aux couleurs chaleureuses et le canapé tout affaissé, j'ai compris pourquoi. Parce que sa vie était simple et sans question. Parce qu'on ne se pose pas tant de question quand ça va. Et ça allait. Plus que bien. Et tout semblait naturel. Elle devenait une jeune femme épanouie sans même avoir à en faire l'effort. Un beau matin de septembre, elle nous était revenue de vacances, nouvelle coupe, nouvelle couleur, lentilles de contact et maquillage délicat : elle avait grandi, juste comme ça. Et ça n'a plus arrêté. Et ça semblait naturel et normal et moi je ramais intensément pour m'améliorer. Je devais ruser pour m'accorder un peu de temps dans la salle de bains ; sa mère lui payait le coiffeur régulièrement. Je passais mes soirées à avoir peur ; elle planifiait des soirées cassette video ou pouponnage du frérot. Lorsque ce dernier est né, c'était un bonheur ; lorsque je devais passer un week end chez mes grands-parents, j'en étais malade à l'avance et patraque pour une semaine au retour. Elle passait ses vacances en famille en Bretagne chez ses grands-parents qui l'avaient élevée pendant une période difficile de sa mère ; c'était la pire des corvées que de devoir être passée au crible par ma propre famille et n'allais voir ma grand'mère que de plus en plus succintement. Avec le temps elle s'est trouvé un copain charmant, puis a rompu sans scandale, s'en est trouvé un autre, et ne l'a plus quitté. Aujourd'hui elle m'annonce au téléphone qu'elle part s'installer avec lui en Nouvelle-Calédonie, après des années d'études fructueuses et épanouies, après des années à me détailler par le menu ses joies, mais jamais de peine. Tout évoluant toujours dans le bon sens. C'est sûr que sur un message répondeur de 30s à 1mn, elle ne va pas me confier ses pires problèmes, mais globalement, elle avance dans la vie, c'est net. Elle ignore à quel point la jalousie du début s'est juste transformée en profond sentiment d'injustice impossible à renverser.

Chaque fois qu'elle appelle, je me dis qu'à la rigueur, je la recontacterai quand les choses iront mieux pour moi. C'est ce que je me suis dit la première fois "je suis en dépression, je viens de faire une tentative de suicide, qu'ai-je à lui dire ? Je la rappellerai une autre fois. A la prochaine bonne nouvelle". Mais il n'y a pas de bonne nouvelle suivante et quand je l'entends au téléphone cocher petit-à-petit sans le savoir chaque ligne de ma liste mentale des choses à réussir dans la vie, je compare et je me dis que je ne peux rien lui répondre. Et plus elle me semble heureuse, plus je vois combien je ne le suis pas, et n'ai envie ni d'attiser sa pitié, ni de l'attrister à mon sujet. Alors j'écoute ses bonnes nouvelles, me réjouit un quart de seconde pour elle, et reviens à la réalité : je n'ai rien à lui dire de probant. Elle se dit peut-être que je vais tellement bien que je l'ai oubliée. Elle se dit peut-être qu'elle a fait quelque chose de mal et que je ne vais pas la rappeler parce que je boude. Elle se dit peut-être que la tête de linotte que je suis a encore oublié de la recontacter. Mais elle ignore que je ne veux pas nous mettre l'une face à l'autre et lui donner à voir tout ce que je ne suis pas devenue, non plus que je ne tiens à voir combien elle s'épanouit...

Ca me fait mal. Ca me fait mal de l'entendre dire que tout va bien depuis près de 5 ans avec son copain tandis que le mien m'a foutue dehors (d'autant que nous les avons rencontrés presqu'en même temps, le parallèle n'en est que plus douloureux). Ca me fait mal d'entendre ses diplômes tandis que je n'arrive pas à survivre avec les miens. L'entendre parler de sa voiture, de leur appart, de leur déménagement, de sa famille, de sa famille à lui, de tout ce qui est normal à 23 ans et que je n'ai pas. Surtout, surtout qu'elle ignore que je n'ai pas tout ça.

Et qu'elle s'accroche comme ça, de loin en loin, c'est pire. Je voudrais qu'elle accepte. Mais son amitié et la mienne sont trop fortes pour qu'on s'oublie, visiblement. Elle ignore que je pense à elle très régulièrement, bien plus régulièrement encore qu'elle ne m'appelle. Qu'elle est mon échelle de mesure sur la réussite dans la vie, sur ce que sont une famille réussie, une scolarité réussie, une vie sociale réussie, une vie professionnelle réussie, une relation réussie. Elle ignore tout cela et c'est justement aussi cela que je lui envie. Sa faculté à ne pas comprendre tout ce qui me tord. Elle ignore que du temps de ma thérapie, il y a fort longtemps maintenant, je parlais d'elle et ma psy m'a rétorqué "mais ça n'existe pas, les gens comme ça, vous vous faites des idées -d'ailleurs, ça n'existe pas, les gens" Mais si ! Et c'est bien ce qui m'empêche de la rappeler ! C'est que loin de la vision idyllique des séries télé que j'affectionne tant, j'en ai vue une, en vrai, je pensais très méchamment, au lycée, qu'elle se ferait manger la laine sur le dos une fois sortie du lycée, mais non ! C'est elle, elle et tous les gens qui lui ressemblent, qui s'en sortent ! Si ça existe, les gens comme elle, et c'est ce qui me fait mal dans mon malheur, c'est que je pourrais penser que tout le monde est malheureux, mais depuis des années quand je la regarde, je vois que c'est faux, que tout ne va pas forcément mal, et que c'est moi qui m'enfonce. Et ça elle l'ignore et j'ai envie que ça continue.

Parce que, si ça me fait mal, c'est parce qu'avant tout c'est face à moi-même qu'elle me met...

Elle ignore tout cela, et plus encore. Et j'imagine qu'elle ignore l'existence de ce blog et, à vrai dire, c'est à la fois un profond soulagement... et une douleur.

27 août 2005

Recyclage

Ca fait bien longtemps que mes rêves ressemblent à des films. Ils bénéficient depuis environ une dizaine d'années de très jolis éclairages, d'histoires prenantes et de plans de camera extraordinaires. Je me fais souvent la réflexion que beaucoup de mes rêves feraient de formidables scenarios de films. Je suis sûre qu'on en a écrit des tas de bien moins consistants (et ce ne serait pas tellement plus éthéré que certains David Lynch...). J'ai même parfois la chance d'avoir une mini-série, sur plusieurs nuits. Et naturellement je me fais de temps à autres des rediffs, mais jamais sur les plus plaisants (comme les vraies rediffs, quoi). Mes rêves n'ont pas toujours été comme ça. Il y a eu une longue période pendant laquelle mes rêves étaient parfaitement fadasses et du plus haut linéaire. Et je ne parle même pas de mes cauchemars qui n'auraient même pas mérité l'appellation de série Z tant ils étaient convenus (effrayants, je ne le nie pas, mais parfaitement convenus). Bref mes rêves, c'est aujourd'hui de l'entertainment à 100%.

Je ne m'imagine pas ne pas rêver. Chaque matin je me souviens au moins de bribes de mes rêves, et parfois dans la journée d'autres éléments me reviennent. En tous cas la plupart du temps, je m'en souviens, ils sont devenus drôlement sympas et bien construits : normal, déformation de téléphage oblige.

Lorsque j'étais au collège, mon ex-meilleure amie et moi nous racontions nos rêves le matin en allant en cours. Nous essayions de les comprendre. Nous dénichions des ouvrages dans lesquels nous lisions des significations qui ne voulaient rien dire pour nous. Nous cherchions quelque chose dans nos rêves. Pendant toute cette époque et de temps à autres encore maintenant, je pensais que les miens avaient une certaine magie dans le sens où je les croyais prémonitoires : leur construction était si linéaire que ça semblait évident ; s'ils ne transcrivaient pas le passé, alors il ne restait que le futur. A l'heure actuelle je crois plutôt à une façon qu'a mon subconscient de me communiquer quelque chose de vital que je doive comprendre. En tous cas depuis cette époque et peut-être même un peu avant, je leur accorde une grande importance. Ca fait partie de ma vie intérieure que d'accorder quelques minutes en me levant ou en me couchant, à ces petits messages étranges.

Je n'ai jamais compris comment on peut ne pas rêver. Ou ne pas se souvenir, ce qui revient au même. Chose que mon ex m'avait apprise : on n'a visiblement pas tous les mêmes vies intérieures. Je l'ignorais il n'y a pas si longtemps. J'ai aussi appris que certains font des rêves particulièrement explicites, ce qui ne m'est jamais arrivé. Mes rêves, toujours très hollywoodiens, ne montrent jamais rien de trop sexuel, ils suggèrent, dans le meilleur des cas. Un peu comme lorsque deux personnages d'un film se retrouvent au lit, leurs lèvres prêtes à s'embras(s)er mais à quelques centimètres encore, et qu'on a immédiatement une ellipse temporelle qui nous conduit à l'irrémédiable allumage de cigarette post-coïtale. Bref, apparemment, mes rêves ne ressemblent à ceux d'aucun autre, quoi que jamais ça ne s'infirmera ni ne se confirmera, et pour cause.

Celui de la nuit dernière m'a beaucoup marquée. D'ordinaire je ne consacre qu'une minute ou deux au rêve de la veille, histoire de me rappeler de quoi ça cause, s'il se passait quelque chose qui mérite réflexion ou qui m'a particulièrement émue (comme ça m'est arrivé en janvier dernier) et point barre. Et puis une fois de temps en temps c'est vraiment marquant et je ne parviens pas à me détacher certaines images de la tête.

Nous étions une trentaine de filles. Une unité d'élite. Pourquoi que des filles ? Je l'ignore. Et encore moins pourquoi nos uniformes étaient rose fushia alors que ce n'est vraiment pas le type de couleurs dont je raffole. C'est un point de détail (quoique, dans les rêves, on ne sait jamais ce qui est détail...) Surentraînées. On attendait beaucoup de nous. Trente nanas prêtes à mourir. C'était ce dont j'étais consciente tout le long de ce rêve : la mort. Nous voilà en train d'embarquer dans notre navire spacial (un peu de SF, c'est bien connu, permet de merveilleuses métaphores, pas étonnant que les rêves soient friands de SF et de fantastique) avec des instructions claires : nous enfermer dans nos "capsules" (en réalité des sortes de placards, pas vraiment conçus pour l'hibernation, non plus qu'ils n'offraient de spéciale protection en fait, juste des caisons pour que nous nous rangions) et attendre d'arriver à un certain temps de vol avant d'en sortir et de nous battre. C'est une fois en phase de combat que les caissons se montraient réellement utiles : celles qui mourraient devaient aller s'y glisser et y finir leur vie. Et beaucoup d'entre nous mourraient, bien que je n'aie jamais vu l'ennemi, et que nous ne soyions jamais sorties de la navette (mais les rêves s'accomodent volontiers de l'absence d'explications).

Persistance du souvenir des caissons dans mon esprit depuis ce matin : tandis que mes camarades s'y glissaient afin d'y pousser leur dernier souffle, j'entends encore l'explication de notre supérieur nous expliquant que cet appareil récupère en fait nos restes biologiques pour les greffer éventuellement à celles d'entre nous qui seraient blessées. Recyclant ainsi notre sang, et surtout nos organes. Des viscères, des os, et du sang. Tout cela comme en train de fondre pour être redistribué, absorbé par le fond du coffre à taille humaine, ne laissant rien. Telle est la vision qui me hante depuis ce matin, dans l'écrin blanc et propre du caisson chirurgical.

Vision doublée d'une double sensation, qui était la mienne au moment du rêve et qui perdure encore lorsque l'image me revient : à la fois la peur (pas une impression de peur mais bien la peur elle-même, crispante et glaciale) et une sorte de sérénité assez difficile à décrire. Un soulagement à l'idée de mourir mais pas en vain. Que quelque chose survive : la cause. L'idée de faire le bien même en mourrant. C'est très déconcertant.

Chose plus étrange encore, la scène s'est reproduite trois fois. Comme en rembobinant le rêve pour mieux l'exécuter la fois suivante. Il ne s'est pas répété identiquement à chaque fois : je n'occupais pas forcément de capsule à la même place dans le navire, ou encore je ne me battais pas au même poste. Mais arrivée à un certain point de la bataille, l'histoire s'arrêtait et reprenait à son commencement : le moment exact de la fin de l'entraînement où on nous faisait monter dans le vaisseau impeccablement blanc en nous expliquant son fonctionnement. Puis nous montions, nous enfermions dans les capsules... etc.

Mais ce qui me déconcerte le plus, ce n'est pas tant d'avoir vu tout cela, non, beaucoup de mes rêves revêtent une certaine violence physique et/ou morale, et la répétitivité n'est pas si rare.

C'est surtout d'avoir eu cette image gravée dans mon cortex toute la journée, telle une expérience vivace et réelle : j'ai fini le rêve avec ce paisible sentiment mêlé d'horreur, les yeux rivés sur l'intérieur de mon caisson...

18 août 2005

95C

Je risque un peu la "réputation" de mon blog sur ce coup-là, mais je me risque quand même.

Tout a commencé il y a quelques semaines lorsque ma mère, pendant un séance de shopping (=10mn dans une boutique, et mon quota de magasin de fringues est dépassé pour l'année) me fait la réfléxion que ma lingerie devient un peu juste pour moi.

Soyons clairs tout de suite : à part quand je ressens de la souffrance, mon corps, je n'en ai cure. Je veux dire : je n'y accorde pas de soin superflu (nan parce que quand même, j'entretiens le matériel, pas de méprise, mais juste le nécessaire pour faire tourner la machine). Je ne ressens pas le moindre plaisir à me fagoter avec des bouts de tissus exotiques, me faire des coiffures compliquées, etc... Le seul extra que j'offre à mon enveloppe physique c'est un coup de maquillage tous les matins (plus par réflexe qu'autre chose). Et on peut à la rigueur considérer être de la coqueterie le fait que j'aime à prendre plusieurs douches par jour (mais en vérité c'est pas pour me faire belle, juste pour me sentir propre) Et pus bien sûr, pour les entretiens j'ai une belle veste de costard et un beau chignon, mais au civil, vraiment, rien d'exubérant. Sur l'iar de "on va pas se torturer et devenir esclave de son corps, quand même !"

Je ne dis pas : je remarque les changements qui s'y opèrent, mais je ne m'acharne pas dessus ; exemple : j'ai pris du poids il y a deux ans, je ne me suis pas mise à un régime draconnien pour autant. (C'est pas non plus que je m'empiffre, j'aimerais quand même bien reprendre forme humaine un jour, mais ya pas l'feu et j'vais pas me mettre en quatre pour pareille connerie)

Il faut peut-être, pour expliquer cela, remonter au collège où tout le monde (y compris mes parents) me traitait en/de parfait laideron (tout en condamant systématiquement toute tentative d'amélioration). J'ai vite pris le parti de penser que j'étais laide, grosse et moche et ça a réglé l'affaire.

Au lycée je souffrais bien du manque de regard des autres, mais il était déjà bien ancré que ça n'avait rien d'extraordinaire : je me suis toujours considérée comme peu avenante. Ca faisait mal, mais c'était normal. On appelle ça, j'imagine, un acquis.

Ce qui explique que lorsqu'on me fait un compliment, je suis et reste convaincue que soit la personne n'en pense pas un mot, soit elle n'a pas les yeux en face des trous. Soit les deux. Ce qui est forcément un problème lorsqu'on a quelqu'un dans sa vie qui vous dit des compliments : j'ai l'impression qu'il s'agit de quelqu'un qui s'aveugle sur ma réelle apparence.

Bref, je suis partie de l'idée que j'étais laide, que j'avais peu de chance de devenir un canon un jour, et que si jamais ça devait être le cas, ça m'aurait coûté cher ! (bien que si je devais un jour passer sur le billard d'un chirurgien esthétique, je changerais quoi, en fait ? La liposuccion est une douloureuse mascarade qui bien souvent n'a qu'un temps, le silicone une superficialité extrême, et quant à mon visage, dans le fond... j'aime bien mes yeux, mon nez a du caractère, et ma bouche... bon bah tant que les muscles me permettent encore de papoter, ça me convient. Je crois qu'au pire je ferais une chirurgie des mains, j'ai toujours eu très honte de l'apparence des mes doigts, tous plats et carrés. Mais ça me priverait tellement de n'avoir pas mes mains pendant la convalescence que c'est même pas la peine d'y penser !)

Lorsque je me regarde dans un miroir, je pense que je vois encore mon corps d'adolescente. Je me vois petite, grosse, pas de poitrine et pleine de boutons. Mais dans le regard des autres je ne ressemble pas toujours à ça, apparemment. Il y a tous ces types qui se retournent (souvent des mecs de 30 ans et plus, d'ailleurs), me sourient, m'adressent la parole, tentent leur chance. Je ne comprends pas trop. J'avais coutume de dire, lorsque j'étais ado, que c'était parce que je bénéficiais de la comparaison par rapport à leurs femmes, mais vu qu'actuellement on me donne aisément du madame et qu'on m'octroie 30 ans allègrement, ça ne doit pas être l'apanage de mon âge. Bon. Je pensais que c'était parce qu'adolescente, je m'habillais souvent de façon moulante... actuellement c'est pas vraiment le cas non plus. Certes, ce n'est pas comme si je faisais la gueule mais je n'incite personne à m'adresser la parole, et je ne salue pas spécialement les inconnus. Donc ça ne doit pas être ça.

Il faut croire que tout ce monde voit quelque chose qui m'échappe totalement.

Donc avec ma mère qui, de but en blanc, m'annonce que j'ai pris des rondeurs bien placées, j'écarquille les yeux et pense "elle déraille la vieille". Elle reporte ses espoirs sur sa fille (ce serait pas la première fois). C'est tellement pas possible que c'en est risible. Personne ne fait une poussée de croissance à 23 ans.

Je pensais l'affaire oubliée. Oui c'est sûr, j'ai pris des formes : quand on grossit ça a tendance à arriver. Mais vu que je faisais un malheureux 75A au lycée, il n'y avait certainement pas de quoi pavoiser.

Pourtant me voilà avec des fringues que ma mère (insistante) a cru bon de me faire parvenir, et l'évidence est là : je déborde de ce fichu 95C. O_o

Quand au juste est-ce arrivé ??? Comment ai-je fait mon compte ?

J'ai filé devant le miroir. Mais pas moyen : je vois toujours deux oeufs sur le plat. Deux vagues machins dont je veux bien reconnaître qu'ils ont changé de forme, mais certainement pas de taille (chose que j'attribue aux fluctuations de poids).

Incrédule, j'ai même vérifié si ma mère n'avait pas truqué l'étiquette (oh elle a eu de bien pires mensonges par le passé, elle n'en est plus à ça près et ce n'est que justice d'être parano à présent). Mais c'est là et bien là (j'ai vérifié sur Internet si les tailles dans les autres pays correspondaient bien, mais rien à faire, c'est bien ça). J'en ai profité pour vérifier si j'ai pris du poids partout mais non, pas de changement côté taille de pantalon par exemple.

Je n'ai pas pu m'en empêcher : j'ai pleuré. Mon corps et moi on est fâchés depuis si longtemps que je n'arrive pas à croire ça. Et surtout je n'arrive pas à croire que je ne le vois pas.

Je sais bien que j'ai tendance à faire comme si je n'avais pas de corps, à ne rien mettre en valeur, à ne pas chercher à toute haleine à ressembler à quelque chose de précis. Mes fringues je les achète (quand j'en achète) parce qu'elles me vont, parce qu'elles sont noires et que le noir c'est classe et sérieux (et que ça sera mieux en entreprise), avant tout parce qu'il faut s'habiller. J'ai des cheveux superbes mais je ne cherche pas à les montrer et il faut me prier pour aller me les faire couper (quoi, comme si j'avais pas mieux à faire d'une trentaine d'euros qu'égaliser une frange -je n'en ai plus depuis des lustres- ou faire une fichue couleur ou Dieu sait quoi d'autre), je ne me fais pas les ongles, rien. Je suis consciente de faire partie de ses filles qui préfèrent passer leur temps libre à autre chose que s'occuper de l'extérieur (parce que se polir les ongles, se faire des masques et tout le toutim, ça vous bouffe du temps comme rien en plus ! Et si au moins ça allait vite mais même pas ! Il y a des temps de pause, et tout !)

Mais même lorsque je prends le temps de m'observer, je ne vois rien de rien et ça, ça échappe à mes facultés de compréhension.

J'ai tendance à me dire "toi, un 95C ??? ça va t'as pas les chevilles qui enflent ?!"

J'en sais rien, je ne les vois plus.

17 août 2005

Pas de sentiment

J'avais eu pas mal d'entretiens étranges ces deux dernières années. Mais j''avais encore beaucoup à apprendre du grain de folie qui habite certains recruteurs.

Il y a quelques semaines de cela, j'avais eu ce rendez-vous dans une boîte de communication dirigée par deux personnes, A. et A., et qui avait viré au coup de foudre mutuel. J'étais étonnée de passer au tutoiement immédiatement, étonnée des déclarations d'Amour textuelles du type "nous on vous dit franchement, on a un coup de coeur pour toi", étonnée de la facilité à discuter de choses sans rapport avec l'entretien à la fin, pendant 20 minutes, sur nos loisirs.

Je ne m'étais pas inquiétée outre mesure. Peut-être parce que l'excès de recruteurs assis sur des balais m'avait donné envie de ce type de rencontre.

Aujourd'hui, réponse de A. au retour de ses vacances, au téléphone : ce sera non. Je m'apprête à raccrocher. Arrivée au "non", je n'aime pas prolonger.

Combien de fois m'est-il arrivé d'entendre "non" au téléphone ?! J'ai une aversion profonde pour ce qui suit cette réponse : "mais on garde votre CV", "vous comprenez votre profil ne correspondait pas tout-à-fait", "vous étiez deux et ça s'est joué à pas grand'chose" et ma préférée, mais elle ne s'est produite qu'une fois "on a peur que vous ne vous ennuyiez à ce poste". Bref tout un tas d'explications dont on peut fort bien se passer et qui ne sont que bavardages sans conviction. Un recruteur qui tente d'apporter un peu d'humanité à sa décision et de se donner bonne conscience. Même si, en réalité, il s'en bat l'oeil que sans lui vous creviez la faim, ce qui est normal puisqu'il ne vous a vu que 15mn dans toute sa vie. Lecture du CV y compris.

Je l'avais sentie venir, la réponse d'A., quand lui et A. m'avaient annoncé qu'ils avaient vu une autre personne et qu'ils hésitaient. J'attendais quand même la confirmation, au cas où.

Sans doute un des pires coups de fil de ma vie, et j'en ai eu des pas jouasses.

Je voulais m'arrêter au "on est vraiment désolés" mais A. était intarrissable. Si des violons avaient commencé à jouer derrière lui je n'aurais pas été plus étonnée que ça. "Mais ça nous fait un coup au coeur vous savez" (d'être repassés au vouvoiement indique que tout le monde devrait s'en remettre), "on avait vraiment le coup de coeur, on vous aimait beaucoup, ça me fait mal et encore plus à A. elle c'est encore pire"... "mais vous savez avec l'autre ce n'est qu'un essai alors qui peut dire ce qui va arriver ? On ne peut pas savoir de quoi est fait le futur, peut-être que plus tard on pourra travailler ensemble !"

J'ai eu des ruptures amoureuses moins fusionnelles que ça.

C'était presque malsain de voir tous ces bons sentiments dégouliner de mon téléphone et devenir une flaque de promesses sans lendemain.

Je suis pour nouer des contacts. A fond. Pour à 100%. Mais je ne suis pas pour m'en sentir prisonnière.

Et surtout je ne veux pas me lier autant avec des personnes qui font partie de ma vie professionnelle. Les deux doivent être soigneusement cloisonnés. De toutes façons je ne suis pas la même personne au boulot et au civil alors ce serait vain. Au boulot, pas de sentiment. Règle d'or.

Dans ma déception de ne pas avoir le job (on est toujours déçu même quand on s'y attend), je me dis que ç'aurait été étrange de travailler avec A. et A., et de ne m'apercevoir qu'ensuite qu'ils étaient aussi émotifs et fusionnels. Il y a quelque chose d'angoissant à cette idée. L'espace d'un instant et pendant que A. me parlait de mon énorme potentiel (qu'il n'avait pas voulu utiliser, quand même) j'ai entrevu une sorte d'avenir parallèle où j'aurais pu travailler avec eux et je me suis dit : "Wow. J'ai échappé à quelque chose, là".

Et puis il faut bien se trouver de maigres compensations lorsqu'on loupe un job.

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9 août 2005

Le mystère irrésolu de la carte orange

Une histoire de dingue.

Ce matin j'avais un entretien à Evry ; je m'aperçois au sortir du train que ma carte orange a disparu. Comme je suis déjà en retard du fait que c'était la Journée Mondiale du Lambinage sur la ligne D, je me dis que je fouillerai mon sac plus tard et file à mon rendez-vous.

(qui s'est très bien passé, d'ailleurs, réponse définitive vendredi)

Au retour, je mets le sac... à sac, et rien. Pas l'ombre d'une carte. Je me vois donc obligée de racheter une carte orange, 68 euros quand même... Deux fois 68 euros en moins de 10 jours, ça aurait tendance à m'irriter. Donc bref, me voilà en possession d'un titre de transport.

Jusque là vous me suivez.

Je reprends donc le RER dans l'autre sens, en maugréant sur tout ce qui était avec ma carte orange (gloire à moi pour ne pas la mettre avec ma carte bancaire, au passage) et qui est perdu, définitivement perdu, totalement perdu. Parce qu'au prix d'une carte orange, de nos jours, on peut espérer longtemps.

(et puis je n'avais pas mis de photo sur la mienne)

Je rentre à la maison, dépitée, maudissant quelque peu la responsable de mon école et son rire stupide lorsque, apprenant que l'entreprise qui m'avait reçue ce matin avait 90% de chances de me prendre à la rentrée, elle a eu la finesse de dire "ça valait le coup de perdre votre carte de transport". Hin hin. Note pour plus tard : trouver ça drôle.

Je rendre donc en mon petit chez moi, m'ouvre une bonne boîte de sauce tomate fraîche, lance un épisode inédit comme il en pleut en ce moment, frissonne pendant 45 mn, et finis pile à temps le déjeuner comme la série, pour m'apercevoir qu'il est l'heure d'aller chercher une couverture pour ma chère frangine chez ma matriarche.

Car pas plus tard qu'hier soir je me suis engueulée avec cette petite peste parce que ça fait des semaines qu'on parle qu'elle dorme chez moi, et qu'elle a toujours une merveilleuse excuse pour décommander : hier, c'était parce que ça la faisait chier d'amener de quoi dormir. Merde alors c'est ma faute, j'avais qu'à acheter un second lit juste pour qu'elle passe une nuit chez moi. Donc je me suis entendue avec ladite matriarche pour aller chercher un gros duvet à caler sous les fesses gâtées pourries de la benjamine. Rendez-vous à 16h30 à la gare.

Et j'étais presque dans les temps.

Presque.

Et alors là, suivez bien la démarche. Attention, ça va aller très vite.

La carte orange n°2 était sur mon bureau. Je m'en saisis. Ainsi que de mon portable. Pose les deux objets sur le lit. Prends mon portefeuille sur la petite table noire. Mets le portefeuille dans mon sac. Me saisis de deux lettres arrivées ce matin et que je n'ai pas encore lues (ça sera ça pour s'occuper dans le train). Reprends machinalement ce qui est sur le lit. Prends mes clés. Prends la porte. Ferme derrière moi. Descends les escaliers. Sors du hall. Fais quelques pas dans la rue et... ah bah pas la peine de garder mes deux lettres à la main. J'ouvre le sac pour les y ranger et réalise que je n'ai pas ma carte orange deuxième du nom dans la main. Pas à la ceinture non plus. Ni dans le sac. Quelle conne !!! Je l'ai oubliée à la maison.

Je refais le chemin dans l'autre sens. En tout je n'ai pas fait plus de 20m. Je reprends le hall. Remonte les escaliers. Rouvre la porte. Y remets mes clés. M'approche du lit...

Et voilà mesdames et messieurs, la Grande lady, Magicienne du Cirque du Soleil, sous vos yeux ébahis, a fait disparaître sa carte orange !!! [musique de circonstance et clowns]

Ok, c'était peut-être dans mon sac, après tout.

Non.

Ok alors sur le bureau ?

Non plus.

Sur le lit ? Dans le couloir ? Dans l'escalier ? Dans le hall ? Dans la rue ?!

Nenni.

Si quelqu'un se sent l'âme d'un Rouletabille, n'hésitez pas, j'ai perdu deux cartes oranges en une journée, je suis prête à entendre tous les conseils.

PS : plus de 6 ans maintenant que j'ai une carte transport sans aucun soucis, et je trouve le moyen d'en perdre deux la même journée. Deux possibilités : soit un Leprechaun m'a prise pour cible, soit je suis vraiment une gourdasse aujourd'hui.

6 août 2005

La douleur exquise...?

Ca fait cinq ans maintenant que cet épisode me traumatise.

La première fois que je l'ai vu, j'en ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je l'ai trouvé terrifiant. La froideur avec laquelle l'histoire se termine. L'éloignement, palpable et dur. Et trois jours plus tard, mon petit ami de l'époque téléphonait pour rompre. Tout ce que j'avais reconnu dans l'épisode s'était concrétisé jusqu'au bout.

Depuis je sais très bien que cet épisode me fera pleurer. Pendant les deux années qui ont suivi, je pleurais pour une bonne moitié à cause de l'entremêlage entre fiction et réalité, parce que cet épisode, c'était un moment de mon histoire dont je ne m'étais pas détachée. Et puis ensuite, les années suivantes, je l'ai regardé comme un épisode qui fait pleurer.

J'ai une liste mentale des épisodes qui me font pleurer. Parce qu'il y a environ 10 ans, j'ai fait une monumentale découverte : pleurer devant un épisode, c'est bien. C'est meilleur que pleurer tout court. Je préfère me donner une raison de pleurer plutôt que d'avouer que j'en ai vraiment une. Et c'est tout aussi bien d'avoir une excuse, finalement. On peut pleurer devant autrui sans s'expliquer : c'est la faute des personnages, c'est la faute du scénario. Ca fait du bien d'avoir quelque chose qui brise la carapace. J'ai fait cette découverte et je l'ai trouvée non seulement pratique mais élégante. S'armer d'un paquet de kleenex, se lancer un épisode dont on sait qu'il va marcher, et se laisser aller quelques minutes. Et se sentir libérée, prête à repartir. Prête à réaffronter tout ce qui fait que, sans cet épisode, on aurait tout de même pleuré, sans doute dans le noir, sans doute dans le silence, sans doute en s'essuyant les joues dans un oreiller ou sur le ventre d'un ours en peluche anonyme. C'est pratique, c'est élégant, c'est libérateur...

Mais ce soir, j'ai été prise par surprise. Depuis combien de temps n'avais-je pas vu cet épisode ? Précisément celui-là, celui avec lequel j'ai cette sorte d'histoire ?

Parce que de tous les épisodes (et ils sont, tout au plus, une quinzaine) listés dans mon énumération mentale de parfaits ressorts dramatiques, celui-ci tranche parmi les autres : il n'y en a qu'un dans lequel je me sois jamais reconnue, de près ou de loin.

Et soudain, je regarde tranquillement la télé, papote avec un copain par mails, m'occupe de mon site, prépare mon week end festif... et cet épisode s'annonce. Je vois son titre, sur cet écran noir, et je me dis... "non". Pas celui-là. Surtout pas. J'étais si joyeuse. Si légère ! Depuis combien de temps ne m'étais-je pas sentie comme cela ? Pas celui-là.

Mais plutôt que d'éteindre, j'ai cédé. Celui-là, c'est mon épisode. Alors je l'ai regardé. Et malgré toutes ses rediffusions, malgré le fait que je l'aie vu tant de fois en DVD, en VO, en VOSTT, en VF... je m'y reconnais une fois de plus et le regarde avec un oeil nouveau.

Parce que cette distance, cette froideur, ces dialogues, même : il y a un an j'étais en plein dedans. Et jamais les épais sourcils de Big ne m'ont semblé si familiers.

Et naturellement, à la fin, je suis en larmes. Complètement surprise par ce que j'ai vu. Par ce que j'ai encore ressenti. Je suis émue aux larmes par un épisode qui n'en finit pas d'être écrit pour moi.

Une fois que tout a été fini (vraiment tout), j'ai passé dix bonnes minutes à pleurer. Les larmes venaient de loin. J'ai réalisé que ça faisait des mois que je n'avais pas pleuré. Ni pour moi, ni sous le couvert d'une quelconque fiction. Plus du tout. Et que ça avait besoin de sortir. Et que j'avais tout retenu en moi, que malgré ce que je pensais, je n'allais pas mieux, je me distrayais juste l'esprit par d'autres pensées.

Je n'ai plus mal à cuase d'un il, j'ai mal à cause de tous les ils, j'ai mal à cause des souvenirs que j'avais tant bien que mal occultés. Avais-je tourné la page ou juste détourné le regard ? Je ne suis plus très sûre. Mais j'avais tellement besoin de pleurer...

Mais dans le fond, j'aurais pu l'éteindre, cette télévision, non ? Je pourrais le reste du temps ne pas mettre en route d'épisode de ma liste. Je pourrais décider d'oublier ma liste. Faire comme tous ces gens qui s'arrangent pour ne pas penser à ce qui leur fait mal.

Moi aussi, j'ai la douleur exquise, quelque part...

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